« Avec un seul robot, nous produisons 1 million de litres de lait »
Le Gaec des sapins, en Loire-Atlantique, produit 1 million de litres de lait avec 83 vaches et un seul robot tout en maintenant du pâturage. L’optimisation de la stalle et la maîtrise des charges permettent de dégager un revenu disponible de 107 000 euros par associé.
Le Gaec des sapins, en Loire-Atlantique, produit 1 million de litres de lait avec 83 vaches et un seul robot tout en maintenant du pâturage. L’optimisation de la stalle et la maîtrise des charges permettent de dégager un revenu disponible de 107 000 euros par associé.
L’objectif des deux associés du Gaec des sapins est clair : produire le maximum de lait par vache en optimisant l’unique robot de traite. Celui-ci a été installé en 2018, lorsque Vincent Baudouin a rejoint son frère Christophe sur l’exploitation à Nozay, au départ à la retraite de leur mère. Avec 83 vaches en moyenne, la stalle est saturée. En 2022, le Gaec a produit 890 000 litres de lait. « En 2023, nous avons encore augmenté la production de 110 000 litres », indique Christophe Baudouin.
L’EBE dégagé par le Gaec est de 323 580 euros, tout en maîtrisant le temps de travail grâce à l’automatisation. Les deux associés travaillent en général de 7 h à 12 h 30 puis de 14 h à 18 h 30. Ils ont un week-end libre sur deux et s’accordent deux à trois semaines de vacances.
La vitesse de traite est un critère essentiel de la sélection génétique
« Pour optimiser la productivité du robot de traite, la vitesse de traite est un critère essentiel, indique l’éleveur. Elle atteint aujourd’hui 3,4 kg/min en moyenne. » La sélection génétique est l’un des facteurs sur lequel misent les deux associés. Toutes les femelles sont génotypées et les premiers critères pour garder une génisse sont la vitesse de traite et le lait. Les femelles les plus rapides à traire sont inséminées en semence sexée, soit 10 % des vaches et 30 % des génisses. Les plus longues à traire, soit 40 % des vaches et 10 % des génisses, sont en croisement industriel. Les autres femelles sont inséminées avec de la semence conventionnelle.
La vitesse de traite est aussi le premier critère de choix des taureaux, suivie du lait, puis de la longévité. « Les places en bâtiments étant limitées, je cherche à faire vieillir les vaches qui, en troisième ou quatrième lactation, montent à 40 kilos en trois à quatre jours. »
Pour améliorer la cadence de traite, l’éleveur a également supprimé le trempage, limité le brossage à deux fois deux secondes et augmenté le débit de la pompe à lait. Et il passe quinze à trente minutes par jour à regarder les données du robot. « J’aime les chiffres et le robot en fournit beaucoup. Je regarde le lait de la veille, les indicateurs santé, notamment les mammites et débuts de mammite, les chaleurs, la vitesse de traite. »
6,8 % de temps libre en moyenne sur l’année
Au final, Christophe parvient à atteindre 2,6 traites par vache par jour à 38-40 kilos et à saturer le robot. « Le temps libre est en moyenne de 6,8 % sur l’année et descend parfois à 2 ou 3 % » précise-t-il. Alors que l’index cellule est corrélé négativement à la vitesse de traite et qu’il n’y a pas de trempage, les cellules restent à un niveau très bas, de 130 000 cellules par millilitre de lait en moyenne.
Fiche élevage
2 associés
75 vaches prim’Holstein
10 732 l/VL
137 ha dont 63 ha de culture (colza, blé, orge, méteil grain)
74 ha de SFP dont 32 ha de maïs et 42 ha de prairies
1,7 UGB/ha
« Nous n’avons que quatre ou cinq mammites par an. Nous sommes très vigilants sur la qualité du paillage et apportons 1 à 2 kilos par jour et par logette de paille broyée, manuellement, ce qui limite la poussière. Et nous suivons de près la conductivité, qui indique les débuts de mammite. Je traite alors avec un médicament homéopathique en intramammaire. » Le taux de lait écarté est passé de 0,8 % en 2020 à 0,2 % en 2022.
Autre point essentiel pour optimiser la stalle : la nécessité d’étaler les vêlages sur l’année, notamment ceux des génisses qu’il faut pousser au robot en début de lactation. « J’insémine les génisses pour qu’il y ait au moins deux vêlages de génisses par mois. S’il y en a trop, j’en vends quelques-unes. »
« Au quotidien, je pousse en moyenne trois ou quatre génisses matin et soir, ce qui me prend une demi-heure à une heure par jour. » L’éleveur ne va par contre jamais chercher de vaches au pâturage. « Nous avons 25 hectares accessibles aux vaches près du bâtiment et nous tenons à optimiser le pâturage, explique-t-il. En sortie de robot, une porte conduit les vaches au pré. Quand une vache est dehors, je sais qu’elle vient d’être traite. Mais je ne vais pas les chercher, même si elles sont en retard. »
Récolter des fourrages de qualité
L’amélioration de la productivité du troupeau passe également par l’alimentation et notamment la qualité des fourrages. L’exploitation cultive 30 hectares de maïs, 42 hectares de ray-grass anglais-trèfle blanc et 30 hectares de ray-grass italien-trèfle de Micheli en dérobée avant maïs. Les vaches pâturent le jour de mi-février à mi-juin, et jour et nuit du 1er avril à mi-mai. Elles passent ensuite deux mois et demi en bâtiment, puis pâturent à nouveau le jour de début septembre à fin novembre.
Le Gaec possède aussi en propre tout le matériel de fauche. « Un objectif important pour nous est d’être le plus autonomes possible à tous les niveaux, précise Christophe. Le fait d’avoir notre matériel de fauche nous donne de la souplesse pour faucher au bon moment. »
Le Gaec soigne aussi la fertilisation du maïs, avec des apports de 100 kg/ha de 18-46, 3 t/ha de fientes, du fumier ou du lisier avant labour et 50 U/ha d’azote liquide. Les rendements atteignent 15-16 t/ha en maïs et 6 t/ha en herbe. Le Gaec cultive aussi des méteils, qui permettent de fabriquer un mélange fermier à 16 % MAT et d’être ainsi plus autonome en concentré. La ration à l’auge est constituée de 11 kg MS de maïs ensilage, 4 kg MS d’ensilage d’herbe, 2,5 kg de maïs épi, 500 g de minéral, 0,5 kg de mélange fermier (féverole-blé-avoine-triticale ou orge de printemps-pois de printemps-vesce), 2,5 kg de tourteau de colza et 0,5 kg de paille. S’y ajoutent 3,3 kg/j de mélange fermier distribué au robot.
Grâce à cette conduite, au robot et en ayant aussi augmenté la quantité d’aliment distribué, la production par vache est passée de 27-28 kg/j en 2018 à 38-40 kg/j, soit près de 12 000 l/VL/an.
Ne pas opter pour le contrat de maintenance
Christophe et Vincent Baudouin visent aussi la plus grande autonomie possible, par philosophie et pour maîtriser les charges. Par exemple, le Gaec n’a pas souscrit de contrat de maintenance pour son robot de traite. « Un contrat de maintenance nous coûterait 10 000 à 12 000 euros par an, calcule Christophe. Nous payons quand même trois visites d’entretien par an. À chaque visite, je suis le technicien, je l’aide à changer les pièces. Cela représente un gain de temps de maintenance et j’apprends ainsi à démonter le robot. En comptant les manchons, les lessives, l’huile… la maintenance ne nous coûte que 3 000 euros par an. »
En plus du matériel de fauche, le Gaec dispose aussi de tout le matériel de travail du sol, d’une moissonneuse-batteuse, d’une tractopelle pour les terrassements, etc. Il produit son électricité grâce aux panneaux photovoltaïques. Christophe établit aussi lui-même ses rations, en demandant conseil à plusieurs marchands d’aliment, et réalise son plan de fumure et les déclarations PAC. Il a suivi une formation à l’insémination par l’éleveur et insémine ses vaches, ainsi qu’une formation de pareur. « Je pare les vaches au tarissement, uniquement celles qui en ont besoin. »
Avis d’expert : Éric Guilbert, Cerfrance Loire-Atlantique
« Tous les curseurs sont poussés à l’extrême »
« Le Gaec des sapins a une très grande cohérence. Tous les curseurs sont poussés à l’extrême, au niveau technique, gestion, stratégie. La marge brute aux 1 000 litres est dans le quart supérieur. Et ramenée à la vache, elle dépasse de 400 euros les références du groupe robot suivi par le Cerfrance Loire-Atlantique. Cela s’explique essentiellement par une meilleure maîtrise du coût en concentrés et des frais d’élevage. Cette meilleure productivité laitière est permise par le niveau génétique, le robot de traite avec une demi-traite de plus, le robot d’alimentation, la maîtrise de l’alimentation et la qualité des fourrages. Les charges fixes, ramenées aux produits, sont elles aussi dans le quart supérieur, mais diluées du fait de la plus grande productivité du travail, avec 73 000 euros de produits par UTH en plus. Ces bons résultats permettent sur 2023 de dégager 40 000 euros de revenu disponible par UTH de plus que le groupe. L’endettement du Gaec, de 51 % en 2023, passera à 62 % en 2024 suite à l’achat du robot d’alimentation. Il reste raisonnable pour une exploitation où il y a deux jeunes installés, et la situation financière est très saine. »
Un robot d’alimentation pour optimiser les panneaux photovoltaïques
En 2020, les deux associés ont construit un bâtiment de 925 m² pour le stockage de la paille et du matériel, avec en couverture 100 kW de panneaux photovoltaïques en vente totale et 27 kW en autoconsommation. « Nous avons constaté que nous ne consommions que 45 % des 27 kW de panneaux photovoltaïques initialement prévus pour l’autoconsommation, explique Christophe. En 2021, nous avons donc décidé d’acheter une voiture électrique pour optimiser les panneaux. »
En 2022, une réflexion a été engagée pour renouveler la mélangeuse de 12 ans. Les deux associés ont examiné les solutions d’un nouveau bol avec télescopique, d’une automotrice et d’un robot d’alimentation, dont les coûts étaient à peu près équivalents. « La Cuma venait par ailleurs de s’équiper d’une automotrice, mais ne distribuait pas le dimanche. Et en dix ans, cela représentait le même prix qu’un robot. Nous avons mesuré notre temps de travail avec la mélangeuse, qui était de 33 heures par semaine. Avec un robot, ce temps tombait à 17 heures par semaine. Comme nous étions déjà habitués au robot de traite, nous avons choisi d’investir 150 000 euros dans un robot Lely Vector, qui a été mis en route en décembre 2023. Le prix du gazoil va encore augmenter et nous voulons optimiser les panneaux photovoltaïques. Le robot était par ailleurs éligible au PCAE, ce qui n’était pas le cas d’un bol avec télescopique. Nous allons percevoir 40 000 euros de PCAE. »
Les éleveurs apprécient aussi la précision de l’alimentation et le fait que les animaux aient toujours une alimentation fraîche. Ils espèrent ainsi notamment abaisser l’âge au premier vêlage, de 27,5 mois actuellement. « Au lieu d’une seule ration pour les génisses, le robot permet de distribuer une ration 1-6 mois, une ration 6 mois-1 an et une ration de 1 an jusqu’à l’insémination. L’optimisation de la ration par âge devrait pouvoir nous permettre de gagner trois mois sur l’âge au premier vêlage. »
Un nouveau bâtiment est en cours de construction pour couvrir la fosse, abriter la cuisine du robot et les vaches en préparation au vêlage et les cases de vêlage, avec là aussi 100 kW de panneaux photovoltaïques en vente totale.