« Avec 9 000 l/vache, notre exploitation a un bon bilan environnemental »
Grâce au bilan CAP’2ER, Céline et Jean-Jacques Le Ru ont évalué l’impact, positif comme négatif, de leur exploitation sur l’environnement. Avec un résultat à seulement 0,84 kg eq.CO2/l de lait, ils ont été confortés dans leur stratégie d’exploitation.
Grâce au bilan CAP’2ER, Céline et Jean-Jacques Le Ru ont évalué l’impact, positif comme négatif, de leur exploitation sur l’environnement. Avec un résultat à seulement 0,84 kg eq.CO2/l de lait, ils ont été confortés dans leur stratégie d’exploitation.
« Nous avons une moyenne d’étable assez élevée, à presque 9 000 litres, mais beaucoup de pâturage. Nous sommes intensifs pour la production tout en étant économes en intrants. On se demandait comment se positionnait notre exploitation en termes d’impact environnemental. » Pour avoir une réponse chiffrée, Céline et Jean-Jacques Le Ru, éleveurs à Ploëzal, dans les Côtes-d'Armor, ont réalisé un diagnostic CAP’2ER en juin à partir des données de la campagne 2017-2018. Sa synthèse affiche une empreinte carbone nette de 0,84 kg équivalent CO2 par litre de lait, quand la moyenne des élevages dans un système similaire est à 0,89. Ce qui veut dire qu’à production laitière équivalente, l’élevage de Céline et Jean-Jacques Le Ru a une meilleure empreinte carbone. Elle consomme moins de ressources fossiles et émet moins de gaz à effet de serre. « Ce résultat nous a agréablement surpris, reconnaissent les éleveurs. Il nous a apporté la preuve par les chiffres que notre système est cohérent en termes de coût de production, d’impact environnemental et de qualité de vie. »
Une bonne efficience alimentaire
La bonne empreinte carbone de l’élevage s’explique d’abord par la part élevée de pâturage. Sur les 108 hectares de SAU, plus de 86 sont en SFP. Les 115 vaches sortent de février à novembre. « Aujourd’hui, nous n’avons que 20 ares par vache mais ce sont des terres à bon potentiel, analyse Jean-Jacques Le Ru. Il y a de gros rendements en herbe et ce n’est pas rare de revenir sur une parcelle avant 21 jours. »
Egalement favorable à l’empreinte environnementale, la production corrigée par vache est de 8 617 l avec 151 g/l de concentrés. « Le lait par vache est le diviseur du calcul de l’empreinte carbone, explique André Dumelon, le conseiller agronomie BCEL Ouest, qui a accompagné Céline et Jean-Jacques Le Ru pour la réalisation du diagnostic CAP’2ER. À quantité équivalente d’intrants, ici il y a plus de lait produit. Donc l’impact sur l’environnement est moindre : les émissions de gaz à effet de serre sont réparties sur plus de litres de lait. Les systèmes avec une bonne efficience alimentaire, comme ici, s’en sortent bien. »
Autre facteur favorable au bilan carbone : des génisses qui vêlent à 25 mois, grâce à une conduite à l’herbe rigoureuse. « Avoir un premier vêlage précoce améliore aussi les performances environnementales, souligne André Dumelon. À même référence, il y a moins d’animaux improductifs quand les génisses vêlent à 2 ans plutôt qu’à 30 mois. »
Alléger la consommation énergétique
Dans le bilan CAP’2ER, sont aussi analysées les consommations d’intrants. Avec 1,73 MJ/l de lait, Céline et Jean-Jacques Le Ru affichent un résultat bien inférieur à la moyenne, de 2,60. Cela s’explique par une consommation électrique maitrisée. « À notre installation, en 2015, nous avons investi dans un prérefroidisseur », partagent les éleveurs. Autre action pour réduire la consommation électrique, des racleurs à corde, moins énergivores, et les brasseurs de lisier qui tournent en heures creuses. La consommation de carburant a été allégée grâce à des échanges parcellaires qui ont permis de remplacer 4 ha situés à une quinzaine de kilomètres pour un îlot de 3,75 ha, certes plus petit, mais à seulement 4 km. « Cela réduit la consommation annuelle de fioul, estime Jean-Jacques Le Ru. Et le temps perdu sur la route. On pourra y faire du maïs ou une prairie de fauche. Ce qui était impossible avec des terres à 17 km. »
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, Céline et Jean-Jacques Le Ru ont équipé leur stabulation de caillebotis Ecosol, qui limitent les émanations d’ammoniac et, en plus, préviennent les risques de glissades. Ils ajoutent également du Bactériolit dans le fumier, pour accélérer la minéralisation et réduire les émissions au stockage.
S’il est efficient en termes de production et de consommation d’intrants, le Gaec Trégor Holstein pêche sur le stockage du carbone, avec seulement 0,01 kg eq.CO2/l de lait, faute de haies. « Notre prédécesseur avait fait de grandes parcelles que l’on a redécoupées, il n’y a pas de haies partout », reconnaissent les éleveurs. De même, les prairies sont renouvelées trop tôt pour être pleinement efficaces en termes de stockage de carbone. « Il faudrait attendre plus de six ans pour que le stockage du carbone soit optimal », souligne André Dumelon. « Mais si on attend autant, on a une production qui baisse et des problèmes de salissement, tempère Jean-Jacques Le Ru. Et ça complique la gestion des rotations. »
Chiffres clés
Simuler l’impact de changements de pratiques
De l’analyse du bilan CAP’2ER, il ressort différentes pistes pour améliorer le bilan environnemental de leur exploitation. Céline et Jean-Jacques Le Ru privilégient :
-une diminution du taux de renouvellement de 54 à 45 génisses par an ;
-une augmentation du lait produit par vache de 400 kg, pour passer de 8 850 kg à 9 250 kg produits. Cela avec la même quantité de concentré mais une meilleure maîtrise des boiteries ;
-une diminution du lait non livré, de 110 à 80 litres par jour, grâce notamment à l’amélioration sanitaire et à la diminution des mammites ;
-une légère augmentation de temps de présence au pâturage des vaches laitières (de 165 à 173 jours par an) ;
-une réduction de la consommation de carburant par les TCS et l’échange parcellaire (180 l/ha/an au lieu de 195 l).
L’ensemble de ces améliorations permet de diminuer l’empreinte carbone nette de 0,84 g CO2/l de lait vendu à 0,79 g/l, tout en améliorant les résultats technico-économiques.
Des pistes d’amélioration
Le diagnostic CAP’2ER va plus loin que la seule analyse en proposant des pistes d’action, favorables au bilan carbone comme aux résultats technico-économiques.
Chez Céline et Jean-Jacques Le Ru, pour continuer à améliorer la productivité et l’autonomie alimentaire du troupeau, il faut poursuivre l’optimisation du pâturage. Cet été, les éleveurs ont refait les chemins, pour que les vaches sortent plus longtemps et plus loin. Pour augmenter l’accessibilité, ils poursuivent leur travail d’échanges parcellaires. L’autonomie alimentaire passe aussi par la production de plus de protéines. « On fait des essais, témoignent les éleveurs. On avait des repousses de colza qu’on a enrubannées. On ne les garde pas longtemps mais au niveau de la production, ça marche bien. Par contre, l’an dernier on a essayé un correcteur azoté avec de la féverole mais ça ne collait pas avec le maïs en termes de vitesse d’assimilation. »
Dans l’objectif de réduire les animaux improductifs, Céline et Jean-Jacques Le Ru travaillent à faire vieillir leurs vaches, qui sont déjà réformées à 3,6 lactations de moyenne, et à diminuer le nombre de génisses. « Cela nous permettrait d’avoir plus de surfaces fourragères pour les vaches », soulignent-ils. Pour n’élever que les meilleures génisses, les éleveurs les font génotyper depuis un an. « En plus, nous sexons toutes les gestations pour anticiper et mieux planifier. Si je sais que je vais avoir mon objectif de génisses, je fais des croisements pour les dernières gestations », explique Céline Le Ru.
Optimiser le lait produit passe aussi par la maîtrise des boiteries. Les éleveurs ont investi dans une cage de contention et se sont formés au parage. « Au tarissement, on pare toutes les vaches et on peut intervenir rapidement dès qu’on remarque un problème. »
Au niveau des cultures également, des changements de pratiques sont en cours. Depuis 2019, l’épandage se fait avec des pendillards, qui limitent la volatilisation et permettent donc une meilleure efficacité des apports. Jean-Jacques Le Ru veut tester le semis direct pour son blé.
Enfin, à plus long terme, les éleveurs réfléchissent au photovoltaïque pour l’autoconsommation de l’électricité produite « toujours dans une optique d’autonomie ». Autant d’étapes qui devraient encore améliorer l’empreinte environnementale du Gaec Trégor Holstein.
CAP’2ER, une réflexion en deux niveaux
Les bilans CAP’2ER, pour Calcul Automatisé des Performances Environnementales en Elevage de Ruminants, évaluent les impacts environnementaux d’une exploitation sur le changement climatique et la consommation des ressources fossiles mais aussi en termes de contributions positives par la performance nourricière, le stockage du carbone, le maintien de la biodiversité, tout en intégrant les performances économiques et les conditions de travail. Ce bilan donne aussi des indicateurs sur la gestion du troupeau, l’alimentation, la valorisation des déjections. Il permet de comparer les résultats de son exploitation avec les moyennes dans le même système.
CAP’2ER s’organise en deux niveaux. Le premier, avec 27 données collectées, est un outil de sensibilisation. Avec le deuxième niveau et ses 150 données collectées, on entre dans l’action, avec une évaluation fine de l’empreinte environnementale et la construction d’un plan de progrès. L’analyse faite, il est possible de faire des simulations de leviers d’actions et de suivre l’évolution de ses performances dans le temps.
Une aide européenne prend en charge la réalisation du diagnostic. Il faut compter 3 heures pour recenser les 150 données nécessaires au niveau 2 et autant ensuite au technicien pour finaliser les calculs et proposer des pistes d’action.