« On a amélioré le bien-être des vaches et elles nous le rendent bien »
Le Gaec Charretier, dans le Rhône a investi dans le confort de couchage et a trouvé des solutions « maison » contre le stress thermique. À la clé, les 70 hautes productrices sont en meilleure forme et produisent plus de lait et de taux.
Le Gaec Charretier, dans le Rhône a investi dans le confort de couchage et a trouvé des solutions « maison » contre le stress thermique. À la clé, les 70 hautes productrices sont en meilleure forme et produisent plus de lait et de taux.
« On plafonnait en lait depuis plusieurs années sans parvenir à améliorer la productivité par vache », raconte Jean-Pierre Charretier, associé avec son fils Mathias à Duerne, petit village à 800 mètres d’altitude dans les monts du Lyonnais. L’exploitation produit 660 000 litres de lait sur 82 hectares, et les 70 Prim’Holstein à plus de 10 000 kilos sont conduites en zéro pâturage, avec une même ration semi-complète toute l’année. « Pour optimiser nos résultats techniques, il nous a d’abord fallu comprendre ce qui se révélait limitant dans nos conditions d’élevage, poursuit Mathias. C’est pour ça que l’on a pris le temps, avec notre conseiller, de faire un véritable audit du bien-être du troupeau, basé sur l’observation des animaux. » Et pour savoir comment les animaux se comportent, rien de mieux que de les filmer… pendant 24 heures. Concrètement une caméra timelapse a été installée dans la stabulation ; elle capture des images à intervalles réguliers et un logiciel restitue ensuite en temps raccourci le film de la vie du troupeau. « Ce décryptage de la journée des vaches a mis le doigt sur des choses évidentes mais dont on ne se rendait pas compte au quotidien ! À la caméra, c’est flagrant, on voit tout de suite là où ça pêche. »
Observer pour mieux comprendre les conditions d’élevage
Mais pour commencer, l’audit s’est d’abord appuyé sur différentes mesures permettant d’objectiver la situation. « Avec 64 % des vaches dont le rumen est plein une heure après la distribution de la ration et 66 % avec une note d’état corporel supérieure à 2, l’alimentation ne semblait pas un point critique », analyse Alexandre Batia, de Rhône Conseil élevage. Il y a un cornadis par vache et un repousse-fourrage intervient douze fois par jour. Par contre, côté locomotion, ce n’était pas la panacée. Même si les vaches ne boitaient pas, il y avait 66 % de tarsites avec des dépilations marquées ou des jarrets enflammés, et 32 % de vaches panardes. « Nous avons alors supposé que ces problèmes de pattes et d’orientation des membres provenaient d’un manque de confort des logettes », poursuit Alexandre Batia. Les logettes ont donc été passées au crible à travers huit critères pertinents corrélés au bien-être animal. « La moitié des logettes - celles qui dataient de 1998 - présentaient des barres au garrot trop basses. Et surtout, le confort au sol n’était pas optimal, avec un sol béton et 5 kg de paille par jour. »Voir aussi Evaluer le bien-être animal avec Boviwell
Réduire le temps debout au profit du couchage
Cette hypothèse a été confirmée dans un second temps par l’analyse du cycle de vie des animaux filmés en été 2019. « En moyenne sur 24 heures, seulement 50 % des vaches étaient couchées, 15 % des vaches vaquaient dans la stabulation sans occupation et 10 % restaient perchées dans les logettes. » En hiver, le cycle était différent : il y avait moins de vaches oisives et plus d’animaux aux cornadis, mais il restait encore 7 % de vaches perchées. « Les images visionnées à la caméra ont suscité un déclic, soulignent les éleveurs. Cela nous a décidés à remplacer les vieilles logettes et à investir dans des matelas en février dernier. » Les effets ne se sont pas fait attendre. Depuis, la moyenne sur douze mois a progressé de 700 kg pour atteindre aujourd’hui 10 400 kg pour un même mois moyen de lactation. « En l’espace de 3 à 4 mois, on a vu les tarsites diminuer et les poils repousser sur les membres. On espère que la qualité des aplombs va s'améliorer mais c'est encore tôt pour en juger. » Par ailleurs, la dizaine de vaches qui se couchaient en travers des logettes ne le font plus.
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Beaucoup moins d’impact du stress thermique cet été
En parallèle, les éleveurs ont aussi mené une réflexion pour mieux gérer le stress thermique. À moindre coût, ils ont amélioré la ventilation par des trappes « maison », rajouté des points d’eau, installé un rideau coulissant côté sud, créé de l’ombrage et une zone de rafraîchissement… Tout cela contribue également à améliorer l’ambiance du bâtiment et le comportement des vaches. Elles se couchent davantage. « Cet été, on a vu une nette différence, se félicitent-ils. Auparavant, il faisait plus chaud à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cette année, il faisait entre 4 et 5 °C de moins dans le bâtiment que dehors à l’ombre. » D’ailleurs, c’est le premier été où il n’a pas été nécessaire d’ajouter de l’acide propionique pour éviter que la ration ne chauffe. « Contrairement à l’été précédent où on avait perdu 3 l/VL/j en juillet-août par rapport à juin, le lait s’est maintenu. Et le TP aussi a bien tenu le coup. On a tourné à 33 g/l en moyenne, contre 31,8 l’été dernier. » (NDLR : à mois moyens de lactation équivalents)Seul bémol, la ventilation par les trappes assèche les couloirs et les bouses séchées créent une croûte glissante. « Avec nos bétons usés, ça ne pardonne pas… On a perdu deux vaches », regrettent les éleveurs, qui ont d’ores et déjà bloqué une date pour faire scarifier leur béton.
La caméra, révélatrice du comportement des vaches
ÉTÉ 2019 - AVANT L’AMÉLIORATION DU CONFORT
- Le soleil chauffe la ration. Aucune vache ne mange. Seulement 40 % des vaches sont couchées. Pas étonnant qu’il y ait des problèmes d’aplombs : on dénombre 15 % de vaches perchées dans des logettes et 30 % de vaches sans occupation (ni couchées, ni en train de boire ou manger, ni en déplacement). Plus de vaches oisives, c’est moins de temps de repos et moins d’ingestion.
ÉTÉ 2020 - APRÈS L’AMÉLIORATION DU CONFORT
- Quelle que soit l’heure, il y a toujours 60 % de vaches couchées. Par contre, le fond du bâtiment à droite, chaud et peu ventilé, reste encore mal fréquenté. Les éleveurs veulent y installer des trappes de ventilation comme ils l’ont fait dans la première partie du bâtiment.
- Un bémol : il y a encore 12 % de vaches perchées ; il faudrait mettre plus que 2 kg de paille par jour. C'est essentiel même avec les matelas pour une note de confort des logettes optimale.
Côté éco
4 600 € : 42 logettes non montées
15 000 € : 97 matelas à logettes
1 300 € : isolation toiture
1 500 € : 5 trappes