« J’ai demandé 64 devis pour construire ma stabulation »
Dans le Puy-de-Dôme, Alexandre Riocourt a négocié fermement avec tous les corps de métier et réalisé une part importante d’autoconstruction. Résultat : un bâtiment en montagne fonctionnel et à coût maîtrisé.
Dans le Puy-de-Dôme, Alexandre Riocourt a négocié fermement avec tous les corps de métier et réalisé une part importante d’autoconstruction. Résultat : un bâtiment en montagne fonctionnel et à coût maîtrisé.
« Ma priorité était que le bâtiment soit confortable pour les vaches et pour le bonhomme, et je voulais pouvoir produire seul 360 000 litres de lait », explique Alexandre Riocourt, éleveur à Messeix, dans le Puy-de-Dôme, avec un cheptel de 64 Montbéliardes, à 730 mètres d’altitude. Lorsqu’il s’est installé, le 1er janvier 2014, construire une stabulation, pour remplacer l’étable entravée, était indispensable. Et urgent. Le chantier a démarré début mai et les vaches sont rentrées un an plus tard. L’éleveur n’a pas demandé de subvention. Se trouvant entre deux plans d’aides, il a préféré ne pas attendre, mais a largement gagné la subvention par la négociation des prix. Constructeurs et artisans étaient aussi en attente du nouveau plan et de chantiers.
Au final, le bâtiment (60 m x 28 m soit 1 690 m2) a coûté 6 300 euros par place, y compris deux travées de stockage (260 bottes). Un coût bien placé pour un bâtiment de montagne. « Négocier, c’est l’argent le plus facile à gagner », dit-il. Cela prend quand même un peu de temps. Au total, il a demandé 64 devis, tous corps de métiers confondus, et a reçu tous les fournisseurs pendant deux heures en moyenne. Soit quelque 130 heures à discuter, prendre « plein de conseils » et rabattre les coûts. Du terrassement à la charpente, des toupies de béton au solivage de la salle de traite, tout y passé avec, au minimum, trois devis pour chaque corps de métier.
« Je voulais un bâtiment simple et efficace »
Mais, pour bien négocier, il faut « pouvoir comparer ce qui est comparable ». Et donc « savoir ce que l’on veut, insiste-t-il. Un bâtiment il faut se l’approprier. C’est nous qui y travaillerons tous les jours. Je voulais qu’il soit simple et efficace. » Conseiller d’élevage pendant onze ans à l’EDE du Puy-de-Dôme, il a conçu lui-même sa stabulation et tracé le plan, qu’il a tout de même fait valider par son ancienne collègue, Eliane Teissandier, conseillère bâtiment. Bien qu’il n’ait décidé de s’installer qu’un an plus tôt, il avait eu tout le loisir de « voir les choses à faire et à ne pas faire » dans les élevages où il intervenait. Il a ainsi considéré qu’il pouvait traire seul avec une salle de traite 2 x 6 postes, à condition que les vaches arrivent propres en salle de traite. Ce qui suppose une « cohérence entre nombre de place, nombre de vaches et surface par vache. J’ai prévu autant de logettes que de places au cornadis et je ne mets jamais plus de vaches que de places. Avec une aire d’exercice de 10 m2 par vache, toujours propre, et des matelas, j’aurais pu aller jusqu’à 2 x 7 postes ».
« Un Lego de tout ce que j’avais vu »
Alexandre Riocourt savait très précisément ce qu’il voulait : une charpente métallique car le bois ne lui plaît pas, une toiture en fibrociment non isolé et pas de veaux sous le même toit ; un bâtiment spacieux, bien éclairé naturellement (translucide PVC semi-opaque au-dessus des logettes) et bien ventilé ; un aménagement intérieur sans obstacles physiques ni visuels ; une aire d’attente indépendante de l’aire d’exercice. Les options ont été tout aussi clairement choisies : matelas (5 cm en caoutchouc broyé) dans les logettes (pente de 6 %) et des tapis puzzles dans les couloirs de raclage pour minimiser les problèmes de boiteries ; salle de traite avec fosse de plain-pied, double ligne de lait (pour mieux stabiliser le vide), chambre de réception dans la laiterie (pour la propreté) et station de lavage (pour gagner du temps) ; système électrique commandé par un automate programmable (basse tension) avec coupure générale à chaque porte et commande par smartphone ; caméra... Tout ce qui lui permettrait d’accomplir seul toutes les tâches. « J’ai fait un Lego de plein de choses que j’avais vues », résume-t-il. Une aire de stockage, en bout de bâtiment, permettra de rajouter facilement 16 places en cas de besoin.
« Un bâtiment ruine moins un éleveur qu’un tracteur »
Alexandre Riocourt n’a pas demandé les devis au hasard. Les entreprises ont été triées au préalable sur « leurs compétences ». Ce qui lui a permis de choisir sans risque presque toujours la proposition la moins chère tout en la discutant encore un peu. L’écart le plus surprenant était sur le terrassement : de 11 000 à 54 000 €, à prestation égale. Sur la charpente, il atteignait 55 000 €. La moins chère (135 000 €) est finalement tombée à 121 000 € après négociation. Une bonne journée également : celle où il a reçu quatre entreprises pour discuter des tapis et matelas d’une part, de l’électricité d’autre part. Gain entre les plus chers et les moins chers : 30 000 euros. En revanche, sur la salle de traite (60 000 €), quasiment pas d’écart entre les propositions. Prime donc au service de proximité.
Malgré ces négociations serrées, à quelques détails près, délais et devis ont été respectés. « Quand on chiffre le projet, il ne faut pas négliger tous les petits postes », signale-t-il. L’éleveur se dit très satisfait du résultat. « Sur les douze mois qui ont suivi la mise en service de la stabulation, l’augmentation de la production, résultat d’un meilleur confort, a payé l’annuité du prêt JA du bâtiment. Un bâtiment ruine moins un éleveur qu’un tracteur. »
« Un rôle de chef d’orchestre »
L’autoconstruction est aussi une source importante d’économies. Mais il faut bien cibler les travaux qui peuvent être réalisés dans de bonnes conditions.
« Il faut prévoir des travaux qui ne tombent pas en même temps, anticiper les temps de séchage et faire des gros coups plutôt que laisser traîner des chantiers en longueur, recommande Alexandre Riocourt. Il ne faut être trop ambitieux : on ne peut pas et on ne sait pas tout faire. » Il a pu compter sur des appoints instantanés de main-d’œuvre importants en faisant appel à sa belle-famille et à ses amis chasseurs.
Il a réalisé le drainage du terrain, les amenées d’eau et électricité, le terrassement et la maçonnerie des dés et longrines (gain de 40 000 € par rapport au devis), le béton du couloir d’alimentation (gain de 10 000 €), la pose des parpaings, la mise en place en souterrain des gaines électriques et du circuit d’eau, la pose des tapis, matelas et tubulaire, le solivage de la salle de traite, les crépis, l’évacuation des eaux de pluie, le bétonnage des abords de ferme (1 100 m2)... Pour couler le couloir d’alimentation, huit personnes étaient à la manœuvre, douze pour la pose des tapis et matelas, et cinq pour les parpaings. Il estime le temps consacré à l’autoconstruction à 735 heures. « Il y a un point auquel on ne pense pas forcément au départ et qui n’est pas si facile à gérer : jouer le rôle de chef d’orchestre, d’une part entre les entreprises, d’autre part entre les personnes qui viennent aider », signale-t-il.
Chiffres clés
Avis d'expert : Eliane Teissandier, conseillère bâtiment EDE 63
« Dépouiller les options utiles et superflues »
Le coût
Total 405 000 € HT pour 64 places soit 6 300 € HT/place