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L’agriculture régénératrice commence à se traduire en engagements concrets

2024 voit l’explosion des démarches d’agriculture régénératrice. De plus en plus de coopératives et de négoces proposent aux agriculteurs de s’engager dans des pratiques plus résilientes via des systèmes d’incitations financières.

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La mise en place de l'agriculture régénérative repose sur l'accompagnement des agriculteurs au changement de pratiques.
© Didier Depoorter - Axéréal

Transitions, CultivUp régénératif ou agriculture de régénération des sols, chaque coopérative ou entreprise a désormais son programme d’agriculture régénératrice. Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), santé des sols, préservation de la biodiversité, toutes ces démarches reposent sur des objectifs communs et sur une priorité largement partagée : le changement de pratiques doit s’accompagner du maintien de la production. « L’agriculture régénératrice est une agriculture décarbonée et productive », énonce Pierre Toussaint, directeur développement durable du groupe coopératif Axéréal qui a lancé son programme CultivUp régénératif en juin dernier.

Même préoccupation chez Saint Louis sucre, qui a dévoilé sa stratégie RSE en début d’année avec la promesse « s’engager, s’enthousiasmer, transformer » pour « produire de la betterave durablement ». L’agriculture de régénération des sols est au centre du dispositif et son directeur betteravier, Thomas Nuytten révèle que la préoccupation du groupe sucrier est la réalisation d’une « transition agroécologique rentable » pour le planteur. Même son de cloche chez Vivescia, avec son programme Transitions qui repose sur un pilier fondamental qui est le maintien de la production agricole. « L’agriculture régénératrice est la nouvelle dénomination de la durabilité en agriculture », considère Valérie Frapier, directrice du programme Transitions.

Des démarches structurées autour d’indicateurs clés

Chez Vivescia, les agriculteurs volontaires se lancent pour trois ans dans le programme Transitions, avec l’objectif d’atteindre des niveaux de performance sur deux ou trois des quatre indicateurs de résultats que sont la durée de couverture des sols, le carbone restitué au sol, les émissions de GES et la certification environnementale (CE2, CE2 + ou HVE). Seul l’indicateur qui a trait aux émissions de GES est incontournable et doit faire l’objet, au minimum, d’un plan de progression. L’agriculteur est accompagné, formé et dispose « d’une boîte à outils » pour bâtir son propre itinéraire d’évolution, présente Armand Gandon, responsable amont du programme Transitions.

Saint Louis sucre quantifie, lui, le niveau de transition de ses planteurs vers l’agriculture de régénération des sols, à l’aide des indicateurs techniques du référentiel Sols vivants (intensité de travail du sol, diversité des familles cultivées, émissions de GES, durée de couverture des sols et bilan humique). Le groupe sucrier engage ses planteurs sur cinq ans, avec une évaluation à trois ans et en fin d’engagement. Le programme CultivUp régénératif d’Axéréal repose sur des indicateurs de résultats sur les thématiques de la santé du sol, de la gestion de l’assolement, de la diversification, de la réduction des intrants chimiques et de la biodiversité et l’eau, avec un bilan carbone à l’échelle de l’exploitation.

La prise de risque de l’agriculteur est accompagnée financièrement

Mais prendre le virage d’une agriculture régénératrice a un coût, estimé entre « 150 et 200 euros par hectare » selon Axéréal. Il peut s’agir du surcoût lié à l’implantation de couverts ou à l’utilisation d’engrais décarboné et à cela s’ajoute l’éventuelle perte de rendement lié à un changement de pratiques ou à l’adoption d’une nouvelle culture. « Deux axes sont fondamentaux, le maintien du rendement et la valeur ajoutée que l’on peut aller chercher dans les filières pour rémunérer la prise de risque », indique Pierre Toussaint. Les agriculteurs du programme CultivUp régénératif d’Axéréal sont ainsi « prioritaires » pour bénéficier de contrats filières, mais comme le souligne le directeur développement durable du groupe, « il faut que les filières aient la capacité économique de proposer ces contrats pour pouvoir engager davantage d’agriculteurs ».

Chez Vivescia, le programme Transitions a été bâti de concert avec « une coalition de clients qui prennent chacun leur part en donnant une prime filière qui est mutualisée sur l’ensemble de la rotation de l’agriculteur », explique Valérie Frapier. L’agriculteur va ainsi recevoir une prime en euros par tonne de grains produite, équivalente à une rémunération de 100 ou 150 euros à l’hectare. Saint Louis sucre accompagne, lui, ses planteurs en agriculture de régénération des sols par un soutien financier pour tester l’agroécologie sur leurs exploitations (programme Mont Blanc). Cela se traduit notamment par une compensation de l’éventuelle perte de rendement entre la nouvelle pratique et la pratique historique. En parallèle, Thomas Nuytten indique que les planteurs bénéficient de contrats avec un prix minimum garanti qui favorisent leur transition vers des pratiques agroécologiques.

L’aval doit aussi rendre des comptes

Thomas Nuytten révèle que les clients de Saint Louis sucre sont en demande de betteraves produites en agriculture régénératrice pour répondre à « des objectifs de réduction de leurs impacts environnementaux ». Même constat chez Vivescia, Valérie Frapier indiquant que « les clients de la coopérative se servent des quatre indicateurs du programme Transitions pour satisfaire leur engagement en matière de décarbonation à l’horizon 2030 ». La notion de bas carbone commence à apparaître sur certains produits comme la farine, indique Pierre Toussaint de chez Axéréal, qui ajoute : « Nous avons des clients intéressés sur les marchés européens comme des malteurs ou des brasseurs. » Les intérêts sont ainsi partagés entre l’amont et l’aval : « Les agriculteurs ont des besoins de résilience de leur système de production, les clients ont des besoins de reporting et la coopérative fait le lien entre les deux », résume Valérie Frapier. En définitive, les langages sont différents, mais les objectifs sont les mêmes.

Comment définir l’agriculture régénératrice ?

Si l’on se réfère au dictionnaire d’agroécologie de l’Inrae, « l’agriculture régénératrice s’attache à prendre en compte une diversité d’enjeux environnementaux en veillant à atteindre une productivité élevée des agrosystèmes ». Proposé dans les années 1980 par l’institut américain Rodale, spécialiste de l’agriculture biologique, il s’agit d’un concept « émergent en Europe, qui met en avant un principe, la régénération des biens communs, principalement les sols, mais aussi le climat, l’eau et la biodiversité ». Le dictionnaire liste les objectifs visés par l’agriculture régénératrice : séquestration du carbone dans les sols, amélioration de la fertilité des sols, amélioration du bilan hydrique (capture et restitution de l’eau) et les principales pratiques mises en œuvre pour y arriver : réduction du travail du sol, couverture permanente du sol, rotations longues et intégration cultures et élevage. « Un objectif clé est l’augmentation de la teneur en matières organiques des sols pour les bénéfices attendus sur le climat, l’érosion, le bilan hydrique, la santé des plantes et la biodiversité ». Mais l’Inrae conclue : « Si l’agriculture régénératrice enrichit la conception de l’agroécologie […], il reste nécessaire de développer des référentiels de pratiques fondés sur les savoir-faire et expériences des systèmes agricoles agroécologiques pour la déployer ».

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