Marchés
Vers une prime en orge de brasserie d’hiver supérieure à celle de printemps ?
Le marché des orges de brasserie d’hiver français est jugé tendu par le trader de Vivescia, Alexandre Marie. La demande chinoise en orge fourragère pourrait revenir.
Le marché des orges de brasserie d’hiver français est jugé tendu par le trader de Vivescia, Alexandre Marie. La demande chinoise en orge fourragère pourrait revenir.
Fait original lors de cette campagne : le prix des orges d’hiver se trouve au même niveau, ou presque, que celui de l’orge de printemps. « Ce n’est quasiment jamais arrivé auparavant. Le marché de l’orge d’hiver est très tendu », a alerté Alexandre Marie, trader de Vivescia, lors du webinaire organisé le 28 septembre par Réussir Grandes Cultures. A titre illustratif, le prix de l’orge de printemps (variété Planet) en Fob Creil s’élevait au 28 septembre à 178 €/t sur octobre 2020-mars 2021, et à 176 €/t pour l’orge d’hiver (variété Etincel). « ll se pourrait, au cours de la présente campagne, que la prime d’orge brassicole d’hiver dépasse celle de printemps », ajoute-t-il.
Des soucis de qualité sur les orges d'hiver et une forte demande chinoise, selon Vivescia
« Un certain nombre de lots n’ont pas les bons calibrages, et les taux de protéines sont parfois trop élevés », s'exprime Alexandre Marie. Ajoutons à cela l’importante demande chinoise, justifiant la hausse des primes brassicoles mais aussi des prix de l’orge fourragère. « La France a directement bénéficié de la fermeture du marché chinois aux orges australiennes », souligne le trader. Les importants achats chinois ont donc bien contrebalancé, ces derniers mois, l’atonie de la demande émanant de la malterie et de la brasserie françaises et européennes, pénalisées par la pandémie de Covid-19. « Les malteurs sont couverts à 80 % sur la présente campagne commercial 2020/2021. Ils ne bougent absolument plus et attendent le printemps prochain pour terminer le peu d’achats qui leur reste à faire. Le business de la malterie est terminé pour cette campagne. »
Alexandre Marie voit possible une hausse des prix des orges fourragères française lors de la présente campagne. Après avoir beaucoup acheté, soutenant les prix de l’orge fourragère en Rendu Rouen (oscillant autour des 170-175 €/t rendu Rouen), la Chine est actuellement absente du marché français, mais pourrait revenir massivement, selon lui. « Il n’est pas impossible qu’il y ait un hold-up de la part des Chinois lors de cette campagne. L’Ukraine n’a plus de lots répondant aux spécifications chinoises. Le Canada et l’Argentine pourront fournir une partie de la demande, mais ils n’auront pas l’offre suffisante pour combler tous les besoins », argue-t-il. Le prix de l‘orge fourragère pourrait se rapprocher ainsi de ceux des orges de brasserie.
Stratégie Grains envisage un contexte plutôt baissier sur le marché des orges fourragères
Andrée Defois, présidente de Stratégie Grains, a une vision plutôt contraire au trader de Vivescia concernant le marché des orges fourragères. Si elle n’écarte pas un retour de la Chine aux achats de marchandises françaises, afin de satisfaire ses énormes besoins pour son cheptel porcin qui se reconstitue très vite, elle insiste sur le fait que le marché mondial de l’orge est lourd, susceptible de peser sur les cours mondiaux et, par ricochet, hexagonaux. « La récolte française est plus faible qu’attendu, mais celles au Royaume-Uni et d'Allemagne sont bonnes. Ces pays n’ont pas dans leurs bilans la demande chinoise, et devront écouler leurs marchandises ailleurs », plaide-t-elle. De plus, l’Australie attend une récolte très élevée. Certes, le pays n’a plus accès au marché chinois, mais il pourrait se tourner vers d’autres destinations, comme l’Arabie saoudite ou l’Afrique du Nord, où se trouvent des clients traditionnels de l’Hexagone. « Actuellement, l’offre australienne n’est moins chère que de 10 $/t par rapport aux origines françaises et ukrainiennes. Il faudrait qu’elle baisse de 10 $/t supplémentaires pour capter ces marchés », alerte-t-elle. L’Australie est tout à fait capable de baisser ses prix rapidement afin d’écouler son offre, puisqu’elle l’a déjà fait afin d’envoyer huit à neuf bateaux sur l’Arabie saoudite, lors du dernier appel d’offres saoudien (achat de 540 000 t le 18 septembre), rappelle l'experte.
Vision également plutôt baissière en maïs
Autre facteur potentiel de baisse des prix de l’orge fourragère pour Andrée Defois : le bilan mondial en maïs jugé lourd. « Certes, les volumes en Roumanie et Ukraine seront inférieurs aux attentes. Mais les Etats-Unis devraient enregistrer leur deuxième plus importante récolte. Et l’Europe pourra également se fournir auprès du Brésil », souligne-t-elle. La demande chinoise s’est certes manifestée, ces derniers mois, pour des origines états-uniennes notamment, dans le cadre du respect de l’accord commercial préliminaire entre la Chine et les Etats-Unis début 2020, faisant monter les prix mondiaux du maïs, ces dernières semaines. La sécheresse aux Etats-Unis a également constitué un facteur de hausse des cours durant l’été. Mais l’abondance de l’offre mondiale pourrait les faire reculer par la suite, la météo étant malgré tout globalement bonne aux Etats-Unis, ce qui est susceptible de peser, par ricochet, sur les cours de l’orge fourragère, d’après Andrée Defois.