Agro-ressources
Une légitimité renforcée
Face à la directive Reach et aux quotas carbone, les agro-ressources apparaissent comme de vraies alternatives aux substances chimiques
OPPORTUNITÉS. « La valorisation des agro-ressources à travers la raffinerie végétale n’est plus un concept, c’est une réalité », a déclaré Yvon Le Hénaff, directeur du centre de recherche ARD spécialisé dans les agro-ressources, jeudi 6 septembre à l’occasion de l’inauguration du premier Siñal (cf. encadré). Avec l’entrée prochaine en vigueur de la directive Reach sur la traçabilité des substances chimiques et l’application en 2008 de la directive établissant le système d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre entre États membres, les produits issus des nouvelles valorisations non alimentaires des ressources agricoles constituent des alternatives judicieuses, déjà accessibles sur le marché.
Ce sont ces nouvelles réglementations – ô combien préoccupantes pour les entreprises – qui ont fait l’objet d’un débat à l’occasion de l’inauguration du Siñal, sur le thème “Enjeux économiques des contraintes environnementales : les agro-ressources face aux quotas carbone et à la directive Reach”. Et ce n’est pas un hasard si la ville de Châlons-en-Champagne a accueilli un tel salon, douze communes de cette agglomération étant désormais intégrées à la zone du pôle de compétitivité à vocation mondiale Industries et agro-ressources (IAR).
« Des avantages de substitution » pour les agro-ressources
« C’est dans une logique de développement durable que les nouvelles filières des agro-ressources doivent trouver leur place », a insisté Nicolas Ponchon, membre de la Drire Champagne-Ardenne. Reach, système unique d’enregistrement (jusqu’à juin 2008), d’évaluation et d’autorisation concerne 30.000 substances chimiques, sur quelque 100.000 répertoriées. Passée au crible, une grande partie de ces substances devrait être nécessairement abandonnée.
Quant au carbone, les accords de Kyoto de 1998 prévoient un objectif de réduction jusqu’en 2010 de 5,12 % des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés. En France, le plan climat de 2004 vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 73 Mt par an sur la période 2004-2012 (“carbone évité”). Dans le secteur agricole, l’utilisation d’agrocarburants dans les moteurs des véhicules, avec les objectifs qui sont fixés, permettraient une économie de 8 Mt d’émission de CO 2 par an, tandis qu’1,5 Mt/an pourraient être évitées grâce à de meilleures pratiques agricoles ou encore 3 Mt/an grâce aux puits de carbone.
Indéniablement, ces limitations constituent « des avantages de substitution pour les agro-ressources », atteste Nicolas Ponchon. « Il est certain qu’avec cette procédure, nous ne pourrons plus ignorer le danger, car on le connaîtra », résume Pierre Possémé, président de la Fédération régionale du bâtiment Champagne-Ardenne. Le bâtiment émet 43 % des gaz à effet de serre et au moins 10 % des composés présenteraient des dangers pour les salariés. « Il est nécessaire de progresser. D’ailleurs, certains de nos clients sont demandeurs », reconnaît Pierre Possémé, qui, par ailleurs, a vécu le traumatisme de l’amiante. Les agromatériaux représentent donc une aubaine pour ces professionnels.
Quelles opportunités pour quels produits ?
Si la problématique de Reach est de trouver des alternatives, quelles sont-elles ? Le questionnement est en réalité complexe car « les opportunités sont fonction des coûts de production et des coûts d’évaluation de nouvelles molécules » estime Hilaire Bewa, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Dans le bâtiment, le chanvre apparaît opportun. La filière s’organise mais la prudence reste de mise car les études sur les composés entrant dans les fabrications sont encore en cours. Dans un autre registre, les pentoses issus des parois végétales sont « une magnifique opportunité » de substitution aux molécules tensio-actives chimiques entrant dans de nombreuses fabrications (lessives...). Les agro-solvants en remplacement des solvants chimiques, produits à hauteur de 9.000 t aujourd’hui, devraient représenter quelque 24.000 t en 2015. Les bioplastiques sont intéressants car de nombreuses applications sont concernées (secteurs automobile et aéronautique, jouets pour enfants...).
Les enjeux sont colossaux
Présents à hauteur de 1 % à l’heure actuelle, les intermédiaires chimiques issus des ressources végétales devraient atteindre 10 % en 2010. Concernant les surfaces, 1 Mha est aujourd’hui dédié aux agro-ressources. L’enjeu est d’en produire 4 à 5 Mha en 2020. Une belle ambition, puisque « la production de biomasse, comme toutes les ressources végétales, est limitée sur la planète », rappelle Claude Roy, coordonateur interministériel à la valorisation de la biomasse. Si des programmes sont en cours pour développer des plantes à haut rendement (par exemple le miscanthus), leur production est pour le moment balbutiante.
En réalité, le problème majeur est celui de « l’étape intermédiaire de démonstration industrielle pour démontrer la faisabilité technico-économique du projet », admet Yvon Le Hénaff. Pour produire à grande échelle et de façon continue, « il est nécessaire d’entrer dans une phase industrielle opérationnelle ». La recherche et les projets fleurissent dans ce sens, malgré les problèmes de transfert et de fonctionnalité des produits. Indubitablement, le carbone “évité” est en train de devenir une valeur marchande.