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Quotas UE, les utilisateurs de sucre restent mobilisés
À quelques mois des décisions sur l’ensemble de la Pac, les quotas sur le sucre divisent plus que jamais l’amont et l’aval de la filière sucrière. Les utilisateurs de sucre espèrent encore une abolition avant 2020.
« Le maintien des quotas favorise un différentiel de prix entre le marché européen et le marché mondial. Les cours européens sont aujourd’hui 50 % plus élevés que les cours mondiaux, alors qu’initialement la réforme devait faire converger les cours », alerte Florence Pradier, DG de l’Alliance 7, représentant confiseurs, chocolatiers, fabricants de biscuits et gâteaux. L’écart de prix pèse sur la compétitivité des sociétés à l’export. « Cela maintient une situation offre/demande déséquilibrée et des cours élevés, alors que les entreprises utilisatrices doivent faire face à la concurrence internationale. » Si la CGB, le syndicat des betteraviers, s’est félicitée de la position favorable de la commission de l’Agriculture du Parlement européen à la reconduction du Règlement sucre jusqu’en 2020, le 23 janvier, la nouvelle est loin de faire l’unanimité à l’aval de la filière sucrière.
Les utilisateurs de sucre cumulent les obstacles
Les entreprises européennes utilisatrices de sucre subissent une double peine. Distorsion de concurrence d’un côté, avec des sociétés hors Europe pouvant bénéficier des prix mondiaux et difficulté pour accéder à la matière première, de l’autre. En effet, « le système de quotas actuel ne couvre que 80 % de la consommation, les 20% restants étant importés : il ne fonctionne donc plus », déplore Robert Guichard, président du CIUS, qui fédère les utilisateurs européens. La Commission européenne va devoir intervenir pour la 3e année consécutive. Sur 2012/2013, elle a prévu de remettre sur le marché 1,2 Mt de sucre. Soit elle requalifie du sucre hors quota en sucre quota, soit elle ouvre des enchères sur des importations à droits de douane réduits, essentiellement sur du sucre roux. « Malheureusement, cela entraîne un effet inflationniste sur le marché. » De plus, les mécanismes d’intervention arrivant souvent trop tard, les utilisateurs de sucre ont tout intérêt à vite se couvrir. Craignant une pénurie, ils contractualisent avant les campagnes pour ne pas risquer d’arrêter leurs usines, ce qui leur laisse moins de marges pour négocier les prix. Par ailleurs, lorsque les entreprises françaises n’ont pas l’assurance d’être approvisionnées, elles sont parfois obligées de renoncer à certains marchés. Avec l’absence de visibilité sur la fin des quotas, « certaines entreprises vont donc préférer investir à l’étranger », avance Robert Guichard. Or, « une entreprise qui part, ne revient jamais », assure Florence Pradier. « Si les quotas sont prolongés jusqu’en 2020, il y aura des délocalisations. Nous privons nos secteurs d’activité d’un levier de croissance et de développement social. »
La France, premier producteur de sucre européen
« Au vu de la performance de l’Europe en termes de production de sucre, il est absurde de garder les quotas, poursuit Robert Guichard. Et ce, encore plus concernant la France ». L’Hexagone a de fait le 2e rendement le plus important de l’UE, après les Pays-Bas, avec 13 t de sucre/ha de betteraves. « Ses usines sont au top du top », ajoute-t-il. Les restructurations, qui ont eu lieu avec la réforme de 2006, ont entraîné la fermeture des moins performantes, contre compensation financière. La France et l’Allemagne totalisent respectivement 26 % et 21,5 % des quotas de production de sucre, contre 22 % et 19,5 % avant la réforme. « Les sucriers engrangent pleinement ces gains de compétitivité. Avec les quotas, ils bénéficient d’une rentabilité assurée. Leur position est compréhensible, mais il est regrettable que les impacts sur nos industries n’aient pas été mesurés », ajoute Florence Pradier.
L’aval garde espoir d’une décision plus favorable
Les utilisateurs du sucre et les amidonniers misent encore sur le vote du Parlement, qui doit avoir lieu entre le 11 et le 14 mars, et le trilogue entre le Parlement, le Conseil et la Commission, sur l’ensemble de la Pac, en juin, pour faire entendre leur position. Robert Guichard table sur un compromis entre 2015 et 2018. « Nous avons encore l’espoir qu’une décision plus favorable aux industries agroalimentaires soit prise », confie Florence Pradier. Mais ce qu’elle souhaite également c’est que soit fixée une date d’arrêt des quotas sur laquelle « personne ne puisse revenir ». De leur côté, les amidonniers regrettent de ne pas avoir été entendus. « Nous comptons sur les deux prochaines sessions de discussion. La levée des quotas en 2020 nous paraît trop lointaine », explique Jean-Luc Pelletier, délégué général de l’Usipa.