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Conjoncture économique
Prix de l’énergie et de l’alimentation créent de l’inflation

Plusieurs indicateurs (France, OCDE, Europe) montrent que l’inflation est désormais bien installée dans le paysage économique et aurait tendance à accélérer.

© Nattanan Kanchanaprat / Pixabay

Selon le bulletin Informations Rapides n° 255 du 30 septembre 2021 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), sur un an et selon une estimation provisoire réalisée à la fin du mois de septembre, les prix à la consommation augmenteraient de 2,1 % en septembre 2021, après + 1,9 % le mois précédent. « Cette hausse de l’inflation résulterait d’une accélération des prix des services et de ceux de l’énergie » précise les spécialistes de l’Insee. Ce dernier segment aurait progressé de 14,4 % en septembre 2021 après + 12,7 % en août. Ceux de l’alimentation seraient toujours en hausse mais de façon moindre que dans les autres catégories évoquées précédemment : + 1 % en septembre après + 1,3 % en août. 

Sur un mois seulement (septembre par rapport à août), les prix à la consommation se replieraient globalement de 0,2 %, après + 0,6 % le mois précédent. Les prix de l’alimentation reculeraient dans le sillage des prix des produits frais mais, en revanche, les prix de l’énergie accéléreraient.

L’Insee précise bien cependant que ce bulletin s’appuie sur des données provisoires et qu’il s’agit d’une première estimation de l’inflation pour le mois de septembre. « En conséquence, les indices provisoires ne doivent pas être utilisés pour des revalorisations contractuelles ». Les résultats définitifs de l’indice des prix à la consommation seront publiés le 15 octobre.

Matières premières agricoles

Il n’en demeure pas moins vrai que l’inflation a tendance à augmenter ces derniers mois, en France et dans le monde mais aussi particulièrement dans le domaine des matières premières en général et des matières premières agricoles et alimentaires en particulier.

Rappelons, à titre d’exemple, que l’indice FAO des prix des produits alimentaires s’est établi en moyenne à 127,4 points en août 2021, soit + 3,1 % de plus qu’en juillet et une hausse de 32,9 % par rapport à l’année dernière, à la même période. Le rebond de l’Indice en août, après deux mois consécutifs de baisse, s’explique principalement par la forte hausse des sous-indices du sucre, des huiles végétales et des céréales. L’indice FAO des prix des céréales a affiché une valeur moyenne de 129,8 points en août, soit 3,4 % de plus qu’au mois de juillet et un niveau supérieur de 31,1 % à celui d’août 2020. Enfin, l’indice FAO des prix des huiles végétales s'est établi en moyenne à 165,7 points en août, soit un rebond de 6,7 % par rapport au niveau enregistré en juillet, qui était au plus bas depuis cinq mois. Le prochain indice de la FAO sera publié le 7 octobre.

Autre exemple, après les nettes augmentations, entre autres, des prix du blé ou encore du colza, on assiste aujourd’hui à une envolée des cours de l’avoine au niveau mondial (consommation en alimentation humaine sous forme de petit déjeuner ou de barres et consommation en alimentation animale pour les chevaux principalement) : le cours a battu lundi 4 octobre 2021 son record absolu, porté par les effets de la sécheresse intervenue à la fin du printemps et au début de l'été aux Etats-Unis et au Canada, en atteignant 6,05 dollars le boisseau (environ 14,5 kg) sur le marché à terme de Chicago, dépassant ainsi son précédent sommet, établi en mars 2014 (6 dollars).

Aux Etats-Unis, l’université de Perdue (Indiana) et le Chicago Mercantile Exchange (propriétaire du Cbot) publient chaque mois un baromètre du sentiment de confiance dans le secteur agricole. Dans sa parution du mois d’octobre (le 5), l’indice montre que « les inquiétudes sur l’augmentation des coûts de production a augmenté fortement en septembre, contribuant à un faible indice de confiance ». Le baromètre met en lumière qu’un peu plus d’un tiers des répondants à cette enquête mensuelle prévoient une augmentation du prix des intrants supérieure à 12 % pour l’année à venir, ce qui est six fois supérieur au taux moyen d’inflation du secteur durant la dernière décennie.

Et le phénomène inflationniste est donc mondial.

Dans son édition du 5 octobre 2021 consacrée à l'inflation dans sa zone, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), montre que les prix ont progressé de 4,3% en glissement annuel en août 2021, contre 4,2 % en juillet, « poursuivant la tendance à la hausse amorcée en décembre 2020 ». Dans la zone euro, l’inflation annuelle a fortement augmenté pour atteindre + 3 % en août, contre + 2,2 % en juillet, mais elle est restée inférieure à celle de l’ensemble de la zone OCDE, et notamment à celle des États-Unis où l’inflation annuelle s’est établie à + 5,3% pour la même période.

 

Côté segment particulièrement inflationniste, on note que les prix de l'énergie dans la zone OCDE ont augmenté à un rythme plus rapide en août (+ 18 %) qu’en juillet (+ 17,4 %), « atteignant le taux d’inflation le plus élevé depuis septembre 2008 ». Les prix de l’alimentation ont également « augmenté fortement » pour atteindre 3,6 %, contre 3,1 % en juillet. Il existe bien une problématique spécifique à l’énergie et à l’alimentation depuis quelques mois puisque les nouveaux chiffres de l’OCDE en la matière montrent qu’hors alimentation et énergie, l’inflation annuelle de la zone « est restée stable à 3,1 % pour le troisième mois consécutif ».

En Europe, les toutes récentes estimations d’Oxford Economics, spécialiste des prévisions globales et des analyses quantitatives, confirment cette tendance. Son flash d’estimations sur l’inflation de septembre (paru le 1er octobre), parle d’une nouvelle hausse en la matière dans la partie Eurozone. « A la suite d’une augmentation de 3 % en août sur un an, l’inflation a atteint un plus haut depuis treize ans en septembre, avec une progression de + 3,4 %. L’inflation sous-jacente (NDLR : hors prix de l’énergie et de l’alimentation) a aussi progressé de 1,9 % après + 1,6 % en août ». Oxford Economics rappelle au passage que l’on connaissait une situation d’inflation négative à la fin de 2020.

Selon cet organisme, cette dynamique sur l’inflation provient de deux facteurs : d’un côté, un phénomène de faible effet de base inflationniste par rapport à l’année dernière (NDLR : un effet dit de « base » est celui qui répercute en supplément d'inflation la baisse de l'année précédente), de l’autre une élévation des prix plus forte que prévue ces derniers mois, notamment dans le domaine de l’énergie. « Les deux facteurs devraient perdurer dans les prochains mois, poussant l’inflation encore plus haut ». Oxford Economics prévoit donc une inflation de + 4 % au quatrième trimestre 2021 et de + 2 % encore au premier semestre 2022 dans l’Eurozone.  Mais les effets de base et l’énergie pourraient peser moins ensuite, faisant baisser l’inflation au second semestre.

Le cabinet d’études a isolé le rôle de l’énergie dans les mouvements inflationnistes sur un an. Il en ressort que là où l’inflation liée à l’énergie dépréciait le taux d’inflation général de 0,8 % en septembre 2020, elle contribue à le faire progresser de 1,7 % en septembre 2021.

Reste que la plus grande incertitude règne quant au niveau réel d’inflation à venir car une bonne partie de la problématique se trouve dans la capacité des agents économiques à passer les hausses de prix des matières premières énergétiques et des coûts de production en général auprès des prix consommateurs. « Il est probable que les revenus disponibles des ménages soient sous pression dans un futur proche, freinant les dépenses de consommation, jusqu’alors solides ».

En France, l’Insee a précisé, le 6 octobre dans sa nouvelle note de conjoncture, que l’inflation des prix des matières premières commençaient à se répercuter sur les coûts à la production, tant dans l’industrie que dans l’agroalimentaire. « Nous n’avons pas encore vu de répercussion sur les prix des produits finis mais il existe toujours un délai de deux à trois mois pour constater une telle transmission. Un arbitrage se fera entre passer une partie des hausses sur les prix consommateurs et une réduction des marges » précise Julien Pouget, chef du département de la Conjoncture. Selon l’institut, l’inflation terminerait l’année au-dessus de 2 %.

 
Les prix à des niveaux « dingues » en engrais azoté
La Fédération du négoce agricole (FNA) constate une « pénurie » d’engrais azotés, risquant de modifier les assolements de la prochaine récolte. « Aujourd’hui, un distributeur qui réclame un certain volume, n’en obtiendra qu’entre 20 % et 1/3 auprès de son fournisseur », a confié le 5 octobre à Agra Presse Olivier Bidaut, président de la commission agrofourniture. « Et les prix sont à des niveaux dingues. » En plus de la flambée des cours du gaz, nécessaire à la production des engrais azotés, il met en cause une « spéculation » des fabricants. « Depuis une quinzaine de jours, on voit des agriculteurs qui sont prêts à modifier leur assolement au profit de cultures moins consommatrices d’azote. »
 
Préoccupations chez les brasseurs
Brasseurs de France se dit « très préoccupé » par la hausse des coûts des matières premières, dans une communication publiée le 5 octobre. Les brasseurs constatent « d’importantes tensions d’approvisionnement sur les matières premières et des hausses sans précédent des coûts du transport et de l’énergie ». Ainsi, Brasseurs de France estime, qu’au-delà de l’augmentation des matières premières agricoles, les hausses moyennes pour les brasseurs sont de + 7 à +15 % sur l’énergie, + 10 à + 24 % selon les matériaux d’emballages utilisés (verre ou aluminium) et + 4 % sur le transport. « Il est donc primordial que les prochaines négociations commerciales avec la grande distribution prennent en compte cette réalité » estime l’organisation professionnelle.

Dans le monde des fabricants de matériels et solutions de tests et d’analyses de laboratoires, on déplore des augmentations de 6 % des produits à base de plastique.

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