Nutrition animale : le rebond en volume n’empêche pas la vigilance
Les volumes d’aliments pour animaux produits en France ont progressé de 3,8 % par rapport à mai 2023, faisant espérer une année 2024 à 19,6 Mt contre les 19,2 Mt de l’an passé. Et ce, même si juin 2024, avec moins de jours ouvrables que l’an dernier, s’affiche en retrait. A noter aussi la forte progression des aliments minéraux (+11 %) sur le premier semestre.
Les volumes d’aliments pour animaux produits en France ont progressé de 3,8 % par rapport à mai 2023, faisant espérer une année 2024 à 19,6 Mt contre les 19,2 Mt de l’an passé. Et ce, même si juin 2024, avec moins de jours ouvrables que l’an dernier, s’affiche en retrait. A noter aussi la forte progression des aliments minéraux (+11 %) sur le premier semestre.
Les syndicats de la nutrition animale observent avec prudence l’évolution des volumes produits en France : « le mois de mai 2024 s’inscrit ainsi à +3,8 % », précise François Cholat, président du Syndicat national de la nutrition animale (Snia). Avec deux jours ouvrables de moins qu’en juin 2023, juin 2024 s’inscrit ensuite en retrait à -7,7 %. « L’évolution semestrielle est toutefois en progression de 2,2 %. Cela confirme le décalage de la reprise de la consommation en volailles attendue l’an dernier mais réelle cette année », ajoute David Saelens, président La Coopération agricole Nutrition animale (LCA NA). Les aliments pour bovins s’affichent ainsi à +3,4 % sur les six premiers mois de l’année, les aliments pour volailles +5,6 % mais les aliments pour porcs régressent encore à -3,8 %. « La décapitalisation du cheptel de truies se poursuit, il est difficile d’imaginer ce qui pourrait inverser la tendance en porc alors que les ruminants vont plutôt mieux », regrette François Cholat. En bovins, même si de belles fermes laitières s’arrêtent, la décapitalisation est en effet moindre grâce à la reprise de troupeaux et les besoins en nutrition animale restent forts.
« A notre surprise, la production d’aliments minéraux a connu un très beau premier semestre avec +11 % en volume », note ainsi Jean-François Labarre, président de l’Afca-Cial, qui représente les entreprises spécialisées dans la complémentation de la nutrition des animaux. L’évolution de la technicité des élevages qui s’agrandissent est un des facteurs de progression des volumes.
Une année fourragère complexe
Concernant la campagne fourragère, les fabricants d'aliments pour animaux sont vigilants sur la quantité mais, surtout, la qualité sanitaire : « la situation est hétérogène mais il existe encore des stocks de fourrages et il est un peu tôt pour établir des prévisions sur les maïs. L’année a été compliquée dès les semis perturbés de l’automne dernier », résume Jean-François Labarre. Pour l’instant, les maïs poussent bien et les ensilages pourraient être abondants. « Les fabricants d’aliments composés proposent une complémentation en fonction de la quantité de fourrage, sauf dans certaines zones quand les cahiers des charges limitent la correction », complète François Cholat.
Ce sont pour l’instant surtout les foins qui ont soufferts en raison de pluies erratiques qui ont empêché un bon séchage dans de nombreuses parcelles. Non seulement, riches en tiges et donc en cellulose non digestibles, ils manquent de protéines et d’énergie mais certains n’ont pas pu sécher au risque de moisir. « C’est aussi l’expertise du fabricant de proposer une bonne complémentation : il faut apporter de l’azote fermentescible pour booster les fermentations ruminales », explique Jean-François Labarre. La demande en tourteaux, en aliments liquides voire, dans certains cas, en pulpes de betteraves, pourrait donc augmenter. Levures et extraits de plantes seront aussi sollicités.
Du point de vue quantitatif, c’est clairement la paille qui pourrait manquer en matière de fourrages car, même si elle ne constitue pas une part majeure de la ration, elle apporte des fibres. Elle est par ailleurs indispensable à la litière de nombreux élevages. L’équilibre nutritionnel sera déterminé à partir des analyses quantitatives et qualitatives réalisées exploitation par exploitation, analyses souvent proposées comme service par les fabricants d’aliments.
Du point de vue qualitatif, l’année était à risque en ce qui concerne les mycotoxines sur le blé car il a souvent plu durant la floraison. D’après les premières tendances, même si elles pointent l’hétérogénéité géographique, les contaminations semblent toutefois maîtrisées et, là encore, les outils à la disposition des fabricants d'aliments, comme les capteurs de mycotoxines, pourront aider à régler la question.
Recrudescence des épizooties
Malgré la relative accalmie actuelle en France, les épizooties constituent un sujet majeur. Même si la nutrition animale n’est pas identifiée comme un vecteur majeur, les syndicats ont, via leur Conseil supérieur de la nutrition animale (CSNA) édité un document intitulé "Contribution de la nutrition animale à la biosécurité" en plus de son recueil de bonnes pratiques consacré aux salmonelles et des fiches techniques des associations professionnelles Qualimat (pour le transport des matières premières) et Tecaliman (pour les usines). « Sur la décontamination des salmonelles, nous attendons l’autorisation administrative de procédés basés sur les acidifiants », précise Jean-François Labarre.
« Nous restons tous vigilants et attentifs aux évolutions autour de nous avec, par exemple, la Peste porcine africaine (PPA) qui se rapproche de nos frontières avec l’Allemagne et l’Italie et une recrudescence de l’Influenza aviaire qui s’installe dans la faune sauvage. Nous recevons régulièrement des alertes pour des contaminations de fous de Bassan ou de goëlands », souligne David Saelens. Pour cette dernière, la vaccination des canards apporte une vraie solution de maîtrise. Le passage de la barrière des espèces aux Etats-Unis avec des cas de contamination des bovins par l’Influenza aviaire, préoccupe les professionnels. La filière laitière, à travers le Cniel, suit particulièrement le sujet. L’UE est probablement mieux protégée par sa règlementation, notamment le "feedban" qui interdit l’utilisation de coproduits animaux en ruminants, mais les causes des contaminations n’étant pas connues, la vigilance reste grande. « Nous sommes présents sur toutes les espèces, alors que les épizooties sont souvent suivies filière par filière. Nous avons donc aussi un devoir d’alerte car la surveillance comme la biosécurité se raisonnent globalement », pointe Jean-François Labarre.
Quant aux maladies virales des ruminants, FCO (Fièvre catarrhale ovine ou maladie de la langue bleue) et MHE (Maladie hémorragique épizootique), elles sont transmises par les culicoïdes, des moucherons piqueurs. Selon l’Anses, la vaccination constitue le moyen de prévention le plus efficace mais représente un coût pour les éleveurs. Le ministère de l’Agriculture a accéléré le démarrage de la campagne vaccinale dans l’Aisne et les Ardennes à partir du 9 août. Quelque 1,1 million de doses pour les ovins et 5,3 millions de doses pour les bovins seront mises gratuitement par l’Etat à disposition des éleveurs de toute la zone de vaccination volontaire comprenant les Hauts de France, la Normandie, l’Ile-de-France, le Grand-Est, le Centre-Val de Loire et la Bourgogne-Franche-Comté.
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