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Nutrition animale : des leviers pour réduire les émissions de méthane

Les ruminants émettent du méthane entérique en raison d’une chaîne de processus naturels que la nutrition animale peut toutefois moduler : soit par l’évolution des rations vers plus d’amidon ou plus de lipides, soit par l’ajout de compléments alimentaires, des algues aux saponines. Plusieurs de ces solutions peuvent peser, au moins ponctuellement, sur les marchés des céréales et des oléagineux.

Cécile Martin, directrice de recherche à l’Inrae de Clermont-Ferrand.
© Yanne Boloh

Les élevages de ruminants disposent de plusieurs leviers nutritionnels pour limiter leurs rejets de méthane entérique. Ils peuvent donc, sans réduction de cheptel, participer activement aux objectifs de réduction des émissions de méthane. « Améliorer la digestibilité de la ration constitue le premier levier pour réduire ces émissions de méthane », explique Cécile Martin, directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique) de Clermont-Ferrand. La chercheuse intervenait lors de la session Matières premières, organisée par l’Aftaa (Association française des techniciens de l'alimentation et des productions animales), le 21 mars à Nantes. 

Lire aussi : "Nutrition animale : évaluer les impacts environnementaux"

La production de méthane entérique est liée à la nature des aliments ingérés par l’animal, les micro-organismes qui en assurent l’hydrolyse et la fermentation dans le rumen (bactéries, protozoaires, champignons) et produisent ainsi de l’hydrogène, puis des autres micro-organismes (archées méthanogènes) qui transforment ce dernier en méthane. Cécile Martin chiffre à 20 % le potentiel de diminution des émissions de méthane via les rations en passant des fourrages grossiers aux mélanges fourrage et concentrés. Il faudrait toutefois idéalement déployer cette stratégie au pâturage dans le cadre d’une réduction totale de l’empreinte carbone des élevages. « L’un des défis pour les nutritionnistes est la mitigation au pâturage », confirme Cécile Martin.

Intérêt des rations riches en amidon et en lipides

Une ration riche en amidon (céréales), jusqu’à 25 % de la matière sèche, possède aussi un potentiel de réduction des émissions, de 10 % à 20 %. Mais, comme pour tout levier, les effets positifs et négatifs coéxistent : cette stratégie, bien connue et efficace, améliore les performances des animaux mais présente des risques pour la santé animale, telle que l’acidose

La culture de plantes riches en amidon, également intéressante en nutrition humaine, pose par ailleurs la question d’une concurrence accrue entre le feed et le food sans oublier qu’elle peut être associée à plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES) indirectes (carburants, intrants…). 

C’est aussi le cas pour une autre stratégie déjà identifiée, les rations riches en lipides. Elles améliorent les performances et permettent d’améliorer la qualité des produits, quand ces lipides sont des acides gras insaturés (comme ceux issus du lin). Leurs effets à long terme ont été confirmés sur les vaches laitières et les jeunes bovins

Quid des compléments alimentaires ?

Les compléments alimentaires arrivent aussi en masse sur le terrain. Une revue réalisée en 2020 en classait déjà une dizaine selon leur efficacité in vivo calculée sur la production de méthane par kilogramme de produit finit (lait ou viande). 

Les trois premiers sont capables d’assurer une réduction jusqu’à -40 % d’émissions : les algues (rouges ou brunes) en tête, suivies des acides gras et de l’additif de DSM, le 3NOP (3-nitrooxypropanol autorisé dans l’UE depuis 2022) que certaines filières ont déjà adopté comme l’APBO, l’association des éleveurs qui livrent Bel. Son coût avoisine 1 centime d’euro par kilogramme de lait. 

Viennent ensuite l’origan, les tannins, les nitrates (intéressants pour les régimes pauvres en protéines mais risqués pour l’environnement et mal acceptés par les éleveurs et les consommateurs) et l’argolin qui assurent une différence moyenne dans les émissions. 

D’autres produits ont également un effet, mais moindre : le monensin (antibiotique ionophore), le biochar, la cannelle, l’ail et les saponines. Certaines associations ont d’ores et déjà montré leur intérêt pour cumuler les effets de réduction comme le mélange huile de lin et nitrates. « Il faut dans tous les cas intégrer les différents leviers d’actions à des échelles plus englobantes, l’élevage, le système, la filière », conclut Cécile Martin.

Méthane 2030

Scientifiques et professionnels se sont collectivement engagés l’an dernier dans un projet de grande ampleur, Méthane 2030 portés par Apis-Gène. Les recherches de ces dernières années montrent que le potentiel de réduction dans les élevages est de l’ordre de 50 % en combinant différents leviers : sélection génétique, conduite du troupeau, alimentation des animaux et additifs, etc. Plus de 11 millions d’euros de R&D vont donc être investis sur 4 ans, dont 5,2 millions d’euros financés par FranceAgriMer au travers de Bpifrance et 3,5 millions d’euros financés par APIS-GENE.

L’élevage de ruminants joue un rôle important dans la sécurité alimentaire, les bovins représentant 51% des protéines consommées par l’homme dont les deux tiers par le lait, le tiers restant par la viande. 10% des émissions de gaz à effet de serre en France proviennent de l’élevage bovin, la fermentation entérique étant à l’origine de plus de la moitié de ces émissions (51% pour les vaches laitières, 55% pour les bovins viande). Les émissions de méthane sont à 85% liées à la fermentation entérique et à 15% provoquées par les effluents des élevages. Or, une diminution de la concentration atmosphérique en méthane (qui contribue pour un tiers à l’augmentation de la température sur Terre), aura un impact rapide sur le réchauffement climatique. La réduction des émissions de méthane de -30% entre 2020 et 2030 et de -50% avant 2050 est un objectif partagé par plus de 155 pays, engagés depuis la COP 26 dans le « global methane pledge ».

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