L’innovation, pierre angulaire du commerce agricole
« Nous croyons à notre avenir, car le commerce valorise les filières », ont rappelé les représentants de la FC2A à l’occasion de leur 4e congrès qu’ils avaient placé sous le signe de l’innovation.
« L’agriculture a été sans aucun doute le secteur le plus innovant, ce qui lui a permis de faire les plus grands gains de productivité », a expliqué tout récemment Nicolas Bouzou*. Pour cet économiste, intervenant lors du 4e congrès de la FC2A Nord-Est qui se déroulait le 12 mai au Touquet sur le thème "L’innovation : source de progrès et de développement des filières agricoles", toutes les grandes périodes de progrès ont été induites par l’innovation.
Ce qui n’est pas sans conséquence, notamment sur l’emploi. La formidable diminution de la population active travaillant en agriculture en est un témoignage incontestable. « C’est dire à quel point les agriculteurs comprennent, mieux que les autres, les inquiétudes exprimées sur l’emploi », a-t-il souligné en démystifiant le sophisme du “c’était mieux avant”. « Le Français regarde en effet l’agriculture avec romantisme, plaidant pour que l’on revienne au monde d’avant. » Pourtant, c’était époque durant laquelle « on mangeait moins bien, on mourrait plus tôt et il y avait plus de maladies et d’épidémies ».
Selon le fondateur et directeur du cabinet de conseil dans le domaine économique Asterès, le mouvement va continuer et même s’accélérer, notamment avec le développement des nouvelles technologies que Nicolas Bouzou dénomme NBIC (nano-bio-info-cognito).
Faut-il pour autant craindre le développement des robots, du big data ou de l’intelligence artificielle ? « Les robots, même hybridés avec l’intelligence artificielle, ne sont pas substituables à l’homme mais bien complémentaires », souligne-t-il.
Ce “techno-optimiste” se montre donc rassurant, même s’il concède qu’une telle révolution entraînera « la plus grande mutation du travail observée dans l’histoire de l’humanité. Mais cette mutation ne signifie pas disparition. » De tels changements feront assurément des perdants pour lesquels « il faudra trouver les réponses appropriées ».
Recruter de jeunes talents
De telles mutations nous obligent à rendre nos systèmes de formation plus performants : formation sur l’éducation permettant de bâtir un réel socle de connaissances (autrefois appelé « les humanités »), mais aussi construction d’un parcours de formation tout au long de la vie professionnelle.
En tant que responsable des ressources humaines et de la R&D chez Florimond Desprez, Bruno Desprez a ainsi fait part de sa préoccupation permanente à « constituer une équipe qui gagne au sein de son entreprise ». Pour le dirigeant de cette société familiale, « le travail de groupe permet l’innovation ». Ce qu’a confirmé Jean-Max Loridan, président des négociants en pommes de terre du Nord-Pas de Calais : « Nous sommes convaincus que, pour réussir, nous devons travailler ensemble, trouver des synergies dans les domaines juridique, social ou commercial. »
« Nos métiers évoluent. C’est la raison pour laquelle il nous faut recruter de jeunes talents et de nouvelles compétences », a, de son côté, souligné Jean-Jacques Vaesken, président du Négoce Nord-Est qui devrait organiser un "job meeting" à Reims tout prochainement.
Pas de freins à l’innovation
L’innovation est assurément un état d’esprit. « C’est à la fois une affaire individuelle et une démarche collective à faire partager avec les équipes », a d’ailleurs rappelé Nicolas Bouzou, en précisant : « Il n’y a pas de freins à l’innovation. Il y a seulement des freins dans les esprits. » De toute évidence, l’individu aura un rôle irremplaçable à jouer dans l’accélération du progrès. C’est ce que soulignait Marie-Cécile Damave, du think tank Saf agr’iDées, tout comme Frédéric Carré, président de la FC2A, pour qui « l’innovation passe d’abord par l’intelligence humaine ». Pour lui, « innover, c’est faire preuve de courage, et surtout de ne pas céder à la peur de l’inconnu. C’est être moderne et innovant. »
D’autant que, selon Nicolas Bouzou qui explique les bienfaits d’une complémentarité « homme-machine », le management de demain va beaucoup souffrir. Selon lui, le modèle de l’entreprise de demain devrait évoluer et aller vers « de grandes start-up », avec des salariés plus nombreux mais avec des organigrammes beaucoup plus simplifiés.
* Le dernier ouvrage de Nicolas Bouzou paru en 2016 est intitulé “L’innovation sauvera le monde”.Des entreprises à taille humaine
« En 2017, le négociant est d’abord un chef d’entreprise qui mène des projets et possède une entreprise à taille humaine, une entreprise patrimoniale et familiale, construite sur des bases solides transmises de génération en génération », a expliqué au Touquet Frédéric Carré, président de la FC2A.
Pour renforcer la présence du négoce agricole et alimentaire, promouvoir et valoriser les PME et TPE, faire reconnaître leur rôle dans l’économie et favoriser l’emploi du secteur, six fédérations professionnelles se sont regroupées depuis 2014 sous l’égide de la fédération des 480 commerçants en bestiaux (FFCB) et des 400 entreprises du négoce agricole (FNA). Ces deux fédérations ont attiré progressivement dans leur sillage la Fédération des négociants en pommes de terre, des légumes secs, du Syndicat des pailles, fourrage et issues de céréales, et le Syndicat national du commerce extérieur des céréales et oléoprotéagineux. « On espère bien attirer encore de nouvelles fédérations », a lancé Gérard Poyer, le président de la FFCB.