Lin textile : une culture citoyenne aux multiples débouchés
Sélectionneurs et agriculteurs travaillent pour adapter leur culture aux nouveaux débouchés tels que l’industrie automobile.
LE LIN EST UNE CULTURE qui a traversé la nuit des temps. Ses premières traces remontent à 10.000 ans avant notre ère. Actuellement, ce sont la Chine et la Russie qui sont leaders en terme de production. Mais les plus beaux lins sont issus d’Europe de l’Ouest, principalement de France. Avec ses 80.000 hectares et ses 6.500 agriculteurs, notre nation représente à elle seule 80 % de la production européenne. Utilisée essentiellement pour l’habillement, c’est une fibre anallergique et parfaite pour les peaux sensibles. Sa culture exige peu d’engrais car elle utilise les ressources naturelles du sol. Elle demande peu de pesticides mais doit être toutefois protégée d’attaques de champignons ou d’insectes.
Une activité peu polluante et demandant du savoir-faire
Durant la croissance du lin dans les champs, la plante va extraire plus d’azote que l’agriculteur va en apporter. De plus, l’apport des pesticides et herbicides est raisonné, parcelle par parcelle, selon les parasites et les mauvaises herbes présents et reste, pour des questions de rentabilité pour l’agriculteur, toujours limité.
Durant les phases de transformation industrielle (que sont le rouissage et le teillage, le peignage, le filage ou le tissage), l’activité est peu polluante. Seuls les teintures et les traitements pour rendre les tissus plus doux ou moins froissables, demandent aux industriels de prendre des précautions pour le traitement des eaux de rejet.
Le lin ne produit pas de déchets, toute la plante est utilisée. La graine est pressée pour faire de l’huile, base des peintures ou des résines. Les tourteaux seront consommés par les animaux. Ils sont riches en constituant anticholestérol (le beurre produit par le lait des vaches ayant consommé cet aliment est particulièrement apprécié). Les fibres longues permettent de faire de beaux tissus. Les fibres courtes sont utilisées pour faire, entre autres, des tableaux de bord de voitures. La paille sert au paillage écologique des massifs pour limiter le développement des mauvaises herbes. L’ensemble des constituants de la plante sont biodégradables.
La culture du lin demande beaucoup de savoir-faire, un enseignement qui se transmet souvent de «père en fils». Ce n’est pas une culture que l’on pratique une année. Seules la durée et la persévérance permettent d’obtenir les compétences requises. C’est aussi une culture qui se raisonne sur le long terme, la rotation de la culture est importante. Tous les précédents ne sont pas bons et le retour du lin sur une même parcelle doit être d’au moins six ans pour obtenir de beaux lins.
La création variétale, un atout majeur pour la culture du lin
Ainsi les agriculteurs liniculteurs français obtiennent-ils des rendements en fibres de très haute qualité, cinq fois supérieurs aux productions de lin en Chine par exemple. En Europe, avec seulement 25 % des surfaces, les agriculteurs produisent 65 à 70 % de la production mondiale.
Terre de Lin en Seine-Maritime et Linea dans l’Oise sont les deux établissements créateurs de variétés. Les sélectionneurs conservent précieusement les écotypes, les variétés sauvages et les anciennes variétés pour disposer d’un maximum de biodiversité. A partir de ce matériel génétique, ils réalisent des croisements pour rassembler sur une même plante un ensemble de caractéristiques pour répondre aux nombreux besoins actuels. Les programmes de recherche pour le lin s’orientent vers des variétés permettant un meilleur revenu pour les agriculteurs, c’est-à-dire des variétés plus productives en fibres et demandant moins d’intrants (engrais et pesticides). Pour ce faire, ils recherchent des variétés plus résistantes aux maladies et à la verse. Enfin, pour répon-dre au marché du textile, la sélection s’oriente vers des variétés à fibres fines et longues. En effet, actuellement, le lin est essentiellement utilisé pour l’habillement et il est nécessaire que la production corresponde aux besoins des filatures. Ce savoir-faire permet d’être leader sur le plan mondial.
Une filière bien organisée pour approvisionner le marché
Les conditions climatiques ont une très grande influence sur la qualité des semences mais aussi sur les rendements. La filière semences s’est donc organisée pour approvisionner le marché quelles que soient l’année et les conditions climatiques. C’est essentiel pour sécuriser les liniculteurs.
Normandie, Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Bassin parisien, la production de semences est répartie sur toute la zone de production du lin. Ceci permet de limiter les risques climatiques. C’est ainsi que 670 agriculteurs sur les 6.500 producteurs de lin sont multiplicateurs de semences. De plus, les techniques de récolte des semences, au teillage, par écapsulage ou stripper, sont très diversifiées. Les établissements producteurs de semences ont des parcs de matériel conséquents en écapsuleuses et strippers. Les agriculteurs multiplicateurs se sont aussi regroupés en Cuma pour l’acquisition d’écapsuleuses. Chacun peut de fait s’affranchir au maximum des conditions météorologiques et, ainsi, agir rapidement dans les meilleures conditions.
Les usines de production de semences sont implantées sur toute la zone de production de lin. Une station de semences, c’est aussi une équipe technique qui va encadrer et conseiller les agriculteurs-multiplicateurs. Cette forte présence sur le terrain permet une très grande réactivité et limite les risques. De même, chaque station de semences possède un laboratoire qui vérifie et contrôle à tous les stades les qualités technologiques des semences.
Des débouchés émergent pour remplacer par exemple certains matériaux synthétiques dans l’automobile. Sélectionneurs et agriculteurs travaillent ainsi main dans la main pour ces nouveaux marchés.