Les négociations OMC s’enlisent. Certains y croient encore…
Les discussions commerciales, engagées la semaine dernière à Genève, n’ont une fois de plus pas abouti à un accord, du fait notamment des divergences sur l’Agriculture. Pascal Lamy a été chargé de débloquer la situation
CHOU BLANC. « L’OMC a deux semaines pour relancer les négociations sur un nouvel ordre commercial international, faute de quoi quatre années et demie de tractations iront à l’échec », a mis en garde Peter Mandelson, commissaire européen chargé de défendre la position européenne. Les négociateurs ne sont en effet pas parvenus à s’accorder lors de la session qui s’est déroulée du 29 juin au 1er juillet à Genève. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, a quinze jours pour tenter de sortir de l’impasse en consultant l’ensemble des délégations.
L’UE s’est rapprochée de l’offre du G20
Pierre d’achoppement des négociations : la diminution des droits de douanes applicables aux produits agricoles et des soutiens nationaux. À quelques mois des élections à mi-mandat, les Etats-Unis, réclamant une diminution moyenne de 66 % des droits de douane avant de modifier leurs subventions internes, sont restés sur leur position. L’UE attendait des Américains une baisse réelle de ces soutiens. Les exigences européennes auraient de leur côté glissé vers celles du G20, qui consistent en une réduction moyenne de 54 % des droits de douanes dans les pays développés. Le G20 est lui resté ferme sur la baisse des droits de douanes imposés à l’industrie.
Dès le premier jour, alors que Peter Mandelson venait d’assurer que l’UE n’était « pas enfermée dans une tranchée » et qu’elle était « prête à avancer et à se rapprocher de ce que le G20 a mis sur la table», si les circonstances le permettaient, la France se déclarait hostile à toute nouvelle concession sur le volet agricole. Pour son ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau, interrogé à son retour de Genève, le choix de Peter Mandelson et de Mariann Fisher Boel, commissaire à l’Agriculture, de se rapprocher des grands pays émergents, « malgré l’opposition du conseil », est une initiative « malhabile et inadaptée ». Dominique Bussereau se dit même « inquiet et choqué de ce décalage persistant et incompréhensible entre la position du conseil des ministres et la manière dont les commissaires l’interprètent ». D’autant que leurs propositions pourraient, selon lui, avoir des « conséquences dramatiques sur l’agriculture européenne ». Le ministre entend « taper du poing sur la table » lors du prochain conseil agricole européen, le 18 juillet à Bruxelles.
La France ne croit plus en un accord
Dominique Bussereau se déclare par ailleurs « sceptique » sur la possibilité pour Pascal Lamy de « réussir en quinze jours ce qui n’a pas été possible en six mois ». «Mais il peut y avoir des miracles », a-t-il déclaré. Pour lui, « les choses ne vont pas dans le bon sens » dans la mesure où, du côté du G20 « rien n’a bougé sur les volets de l’industrie et des services » depuis Hong Kong, fin 2005. La position des États-Unis n’a pas non plus évolué depuis ce rendez-vous, et « il n’y a(alors) pas de raison qu’ils le fassent d’ici fin juillet ». De plus, si pour Dominique Bussereau un accord multilatéral est évidemment « souhaitable », encore faut-il que celui-ci soit bon. « Nous attendons que les négociations réelles commencent et pas un simili de tentative de déblocage », insiste-t-il.
Le ministre brésilien du Commerce, Celso Amorim – qui a appuyé l’attribution de la mission de bons offices à Pascal Lamy – estimait pour sa part, le 3 juillet, que «nous ne sommes pas loin d’un accord ». Confiant, il assure que si l’UE, dont il a salué les efforts, « avance encore un peu » et que les États-Unis « utilisent les flexibilités dont ils disposent » pour abaisser leurs subventions, cela est « faisable ».
Washington considère pour sa part que les discussions sont à « un stade critique et que la réussite des négociations est une priorité », selon le porte-parole du conseil à la Sécurité nationale, Frederick Jones. « Nous sommes déçus mais pas découragés », a déclaré à Genève Susan Schwab, représentante spéciale pour le Commerce. « En octobre, les États-Unis ont pris le risque qui incombent à ceux qui souhaitent diriger en mettant sur la table une importante offre en matière agricole. Ils s’attendaient à ce qu’elle fasse l’objet de propositions similaires de la part des autres, mais cela n’a pas été le cas », a-t-elle poursuivi. Les États-Unis n’ont pas apprécié de se retrouver accusés, par les pays émergents, d’exiger un plus grand accès de leurs produits sans offrir en contrepartie de réduction importante de leurs subventions.