Les exportateurs ukrainiens veulent des garanties internationales pour vendre les grains depuis la mer Noire
Le président de l'association ukrainienne des exportateurs de grains (UGA), Nikolay Gorbachov, a déclaré ne pas avoir confiance dans la parole des Russes et du projet russo-turc de sécuriser les exportations ukrainiennes de grains, lors d'une conférence organisée par le CIC (Conseil Internationale des Céréales) le 8 juin. Il a également alerté sur le fait qu'aucune alternative crédible à la réouverture des ports ukrainiens de la mer Noire n'existait pour inciter les agriculteurs locaux à produire, vendre et exporter leurs marchandises.
Le président de l'association ukrainienne des exportateurs de grains (UGA), Nikolay Gorbachov, a déclaré ne pas avoir confiance dans la parole des Russes et du projet russo-turc de sécuriser les exportations ukrainiennes de grains, lors d'une conférence organisée par le CIC (Conseil Internationale des Céréales) le 8 juin. Il a également alerté sur le fait qu'aucune alternative crédible à la réouverture des ports ukrainiens de la mer Noire n'existait pour inciter les agriculteurs locaux à produire, vendre et exporter leurs marchandises.
« Les exportateurs ukrainiens veulent des garanties internationales pour exporter les grains depuis les ports de la mer Noire », déclare Nicolay Gorbachov, président de l'UGA (association ukrainienne des exportateurs de grains), lors d'une conférence organisée par le CIC (Conseil Internationale des Céréales) à Londres le 8 juin.
Cette déclaration vient dans un contexte de discussions entre la Turquie et la Russie afin de créer des corridors destinés à acheminer les marchandises ukrainiennes vers les pays importateurs. Mais le président de l'UGA a affirmé ne pas croire aux promesses russes, et qu'aucune compagnie exportatrice ukrainienne ou étrangère disposant de terminaux portuaires dans le pays « ne se risquerait à travailler avec pour seules garanties la protection des Russes et des Turcs. Et les compagnies d'assurance ne couvriront pas le risque non plus. Nous avons besoin de garanties des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France etc. (…) Nous ne faisons pas confiance à la Russie, qui avait amassé 70 km de tanks en direction de Kyiv, alors qu’elle expliquait avant le 24 février ne pas vouloir recourir à la force des armes !»
Nikolay Gorbachov a rappelé l'extrême nécessité pour les agriculteurs ukrainiens d'avoir la possibilité de vendre leurs grains aux sociétés exportatrices disposant d'installations portuaires sur la mer Noire. Le spécialiste rappelle quelques chiffres : en 2021, l’Ukraine produisait 107 Mt de grains (céréales et oléagineux), pour une consommation d’environ 30 Mt, laissant un disponible exportable de plus de 70 Mt. « D’habitude, nous exportons via nos ports de la mer Noire 95-98% de nos volumes. Si les ports de la mer Noire restent fermés, les agriculteurs locaux ne pourront presque rien vendre. Cela peut potentiellement les décourager à produire à l'avenir », pointe-t-il.
Le président de l’UGA confirme que les ports ukrainiens de la mer Noire permettent d’exporter 6 Mt de grains par mois d’habitude et même jusqu’à 7 Mt (record atteint en novembre 2021), contre 1,5 voire 2 Mt maximum via d’autres modalités de transports (voies ferrées, trains, camions etc.).
Flambée des coûts du fret depuis les terres ukrainiennes vers le port de Constanta
Certes, des marchandises ukrainiennes passent par les ports Bulgares et Roumains. « Mais c’est très largement insuffisant. Ces ports disposent de capacités d'expédition de seulement 6 Mt par an environ, et ne peuvent en réserver que 10 % aux origines ukrainiennes », déplore Nikolay Gorbachov. Et faire transiter les volumes ukrainiens depuis les terres vers les installations de Constanta « coûte extrêmement cher : nous sommes passés à un coût du fret de 40 €/t à plus de 150 €/t », prévient-il.
Il existe le débouché européen, mais les normes des voies ferrées ne sont pas les mêmes entre l’Ukraine et l’UE. « Il faut donc décharger les wagons de grains puis les recharger. Il faut parfois un mois, deux mois avant de traverser la frontière », explique Nikolay Gorbachov.
Environ 30 Mt de grains sont bloquées dans les silos, 7 Mt de graines de tournesol non triturées, selon l’UGA !
La nouvelle récolte va arriver, susceptible d’atteindre les 65-67 Mt, dont 10 Mt de graines de tournesol, alors que les ports sont toujours fermés, et que « 30 Mt de grains sont bloquées dans les silos ukrainiens, dont 5 Mt dans les ports. Notre capacité totale de stockage est en théorie de 65 Mt, mais il ne nous reste qu'environ 50 Mt, vu que 13 Mt à 15 Mt se trouvent en territoire occupé par les russes. Ainsi, nous sommes déjà à moitié plein ! », pointe le président de l’UGA. Les 30 Mt de grains incluent 7 Mt de graines de tournesol non triturées, sachant que « le pays broie chaque année 99% de ses graines de tournesol d’habitude, et nous en avons produit 16 Mt en 2021. Mais nos usines ont fermé, et ne peuvent ni triturer, ni exporter des tourteaux et de l’huile ». Raison supplémentaire pour rouvrir les installations portuaires au plus vite via une intervention internationale, les grandes capacités de stockage étant susceptibles d'être saturées, renchérit-il.
Ce manque prévu de capacités de stockage pour 2022/2023 pourrait également pénaliser la récolte de maïs, vu qu’elles seront déjà saturées par le blé et l’orge, soulève le président de l’UGA. « Les rendements de maïs pourraient être dégradés, tout comme la qualité. Près de la moitié des cultures pourraient être laissées dans les champs », s’alarme-t-il.
Nikolay Gorbachov a réitéré les accusations de vols de grains par la Russie, exportés via les ports de la Crimée, selon lui.
Serguey Feofilov, dirigeant du cabinet d’analyse Ukragroconsult, table sur une récolte de blé tendre 2022 un peu en-dessous des 20 Mt, et dévoile deux scénarios quant aux exportations ukrainiennes 2022/2023 : 16 Mt si les ports se remettent en route, mais seulement 10 Mt s’ils restent bloqués. « Nous exporterons peut-être 10 Mt de blé tendre, 10 Mt de maïs, mais la situation est trop imprévisible pour faire des projections. Les producteurs vont essayer d’exporter des marchandises plus onéreuses, comme les graines de colza ou de tournesol », soutient Nikolay Gorbachov.