Marché des engrais
L’activité industrielle en France est menacée par une perte de compétitivité
L’Unifa propose trois leviers d’action afin d’atténuer les distorsions vis-à-vis de leurs concurrents européens et internationaux.
« Il va falloir une vraie volonté politique pour ne pas enfoncer l’industrie française de la fertilisation en dessous du niveau zéro », a insisté Joël Morlet, le président de l’Union des industries de la fertilisation (Unifa), lors de sa conférence annuelle, qui s’est déroulée le 18 octobre à Paris. Des livraisons d’engrais en berne, une fiscalité alourdie, une concurrence accrue des pays producteurs de gaz conventionnel ou non (cf. n°3955 et 3959), une réglementation environnementale plus dure en France qu’ailleurs... Autant de facteurs qui fragilisent les industries locales de la fertilisation. Face à ce constat, l’Unifa tire la sonnette d’alarme et interpelle les autorités sur la nécessité de geler la fiscalité et simplifier la réglementation (en l’alignant sur celle de l’UE), d’instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Europe (qui obligerait un importateur à payer 4 t de CO2 pour 1 t d’ammonitrate importée) et de remodeler la procédure d’homologation de produits nouveaux, pour la mettre en conformité avec le droit européen et les pratiques des autres États-membres.
Chute des livraisons d’engrais
« Contrairement aux amendements minéraux basiques, les livraisons d’engrais sont en baisse continue avec des à-coups, depuis plus de vingt ans », remarque Gilles Poidevin, le délégué général de l’Unifa. En 2011/2012, la demande française en engrais (8,6 Mt) a de nouveau chuté après une reprise la campagne précédente (10,2 Mt) qui n’avait pas permis de retrouver le niveau d’avant crise. Avec 10,8 Mt, « 2007/2008 reste la référence haute du marché français de ces dix dernières années », précise le rapport d’activité de l’Unifa. Et d’ajouter : « Cette demande a tout de même permis à nos entreprises de maintenir leurs volumes, les importations étant moins présentes, la demande asiatique ayant attiré des tonnages importants de la part de nos concurrents habituels. » Reste que les écarts de compétitivité avec leurs concurrents continuent d’être inquiétants.
Intégration du marché carbone européen
« 2013 sera à cet égard déterminante avec la mise en place du système d’échange de quotas dont les premières conséquences en termes de délocalisation extra-européenne sont à craindre », s’alarment les dirigeants de l’Unifa. La nouvelle obligation d’achat au 1er janvier de quotas de CO2 (ou droits d’émission de gaz à effet de serre) va augmenter les coûts des producteurs européens d’azote « à hauteur de 10 à 15 % de leur valeur ajoutée ». Ces dépenses viennent s’ajouter à la taxe carbone 2012 dont les entreprises doivent s’acquitter dans le cadre de l’ETP (Emission Trading System) et « qui représente plusieurs centaines de milliers d’euros par producteur », insiste Joël Morlet, qui déplore : « Ces dispositions vont peser sur notre compétitivité par rapport à nos concurrents hors UE, qui vendent (librement, NDLR) leurs produits chez nous. » Et « si l’industrie de la fertilisation française disparaît, c’est l’ammonitrate, spécialité hexagonale, voire européenne, et source d’azote préférée des agriculteurs, qui disparaît avec elle, alerte le président de l’Unifa. Il sera remplacé par de l’urée, importée de pays comme le Maghreb et le Moyen-Orient, dont l’instabilité est source de forte volatilité des prix. »