« La nutrition animale est source de valeurs »
Mieux entendus par leurs fournisseurs, mieux compris dans les filières, les fabricants d’aliments pour animaux estiment toutefois qu’il y a encore beaucoup à faire pour reconquérir toute la compétitivité qu’ils peuvent offrir aux productions animales.
À l’occasion de l’assemblée générale du Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (Snia), qui se déroule le 19 mai à Arras (Pas-de-Calais), son président, François Cholat, est revenu sur la conjoncture de l’année 2016 et le cahier de doléances de la nutrition animale au nouveau président de la République.
François Cholat : Effectivement, mais je réaffirme haut et fort que l’investissement le plus rentable en élevage reste la nutrition animale. Chaque fois que les fabricants sont impliqués dans les filières, ils apportent une vraie valeur ajoutée : cela peut être valorisé par l’étiquetage comme les filières sans antibiotiques ou sans OGM, mais aussi à travers la qualité technologique des viandes, la qualité du lait ou des œufs. Cependant, nous avons besoin d’un élevage fort et rentable et, donc, capable de payer ses factures. Il a besoin d’outils de régulation pour moins subir les fluctuations de prix et bénéficier de visibilité. Prenez les éleveurs de porcs. Si les prix sont meilleurs pour eux depuis huit à dix mois, ils ont dû décapitaliser pour passer la crise. Or, reconstituer son cheptel prend au moins un an. Aujourd’hui, c’est le lait qui souffre. La dérégulation de la Pac a un impact fort sur les productions animales. Les exploitations ont besoin d’outils pour assurer leur résilience.
F. C. : Les fabricants d’aliments ont particulièrement souffert de la crise d’influenza aviaire avec une perte de 240 000 t, supportée par les entreprises du Sud-Ouest qui n’ont reçu aucune aide de l’État. Mais nous sommes fiers que nos adhérents se soient montrés très réactifs. Ils se sont mobilisés pour appliquer les recommandations syndicales sur la biosécurité et nous avons donc contribué à ce que la France retrouve très vite son niveau de risque négligeable.
F. C. : Je dirais que nous l’avons géré très simplement en faisant notre métier : face à une matière première, notre première action est de vérifier sa qualité sanitaire puis de caractériser ses valeurs nutritionnelles, afin de l’entrer en formulation et de la valoriser à son optimum. Nous avons eu la chance que nos organismes stockeurs se soient emparés de la question pour nous fournir des matières premières bien caractérisées sur la campagne. De fait, nous nous sommes approvisionné pour l’essentiel auprès de nos fournisseurs habituels.
F. C. : Les fabricants d’aliments contrôlent leurs matières premières en participant au plan collectif Oqualim, que ce soit sur les métaux lourds, les mycotoxines ou bien encore les salmonelles. Sur ce point, nous attendons l’avis de l’Anses de réévaluation du risque dans les filières animales, mais Oqualim montre déjà que la prévalence est très faible en alimentation animale. De façon générale, les besoins de fabricants d’aliments sont de mieux en mieux pris en compte par leurs fournisseurs, grâce au travail de notre commission Matières premières. Nous attendons d’ailleurs pour bientôt le guide d’Intercéréales "Impuretés", suite logique du guide "Mycotoxines" qui nous a tous fait progresser.
F. C. : Absolument. Nous sommes d’ailleurs très fiers de compter déjà 48 signataires de la charte Duralim. Le marché est demandeur d’actions de fond sur la durabilité, ce qui explique ce succès tant chez les fabricants que parmi les acteurs de l’amont et de l’aval. La nutrition animale est assez forte aujourd’hui pour avancer dans ce domaine sans surcoût pour l’aval.
F. C. : Un an de présidence du Snia et 34 ans de nutrition animale. J’ai appris et j’apprends encore avec un syndicat en ordre de marche, des adhérents mobilisés et une équipe motivante. Je viens d’une région riche en signes officiels de qualité, mais notre challenge est d’alimenter la table des Français au quotidien en identifiant et en construisant les filières capables de répondre à toutes les demandes. D’où l’importance d’agir avec les acteurs volontaires, notamment en aviculture, pour reconquérir le marché de la RHD. La notion de valeur ajoutée est cependant très relative puisqu’elle ne dépasse pas 1 % chez nous. Nous n’avons donc que très peu de marge de manœuvre mais la nécessité de proposer des solutions.
F. C. : Nous avons beaucoup œuvré pour cela et nous œuvrons toujours, par exemple en faisant visiter nos entreprises à l’administration. Mais il y a encore beaucoup à faire. D’où le message fort de notre assemblée générale : l’aliment n’est pas un coût mais un investissement dans l’élevage. Des dogmes comme celui de l’autonomie alimentaire font passer les éleveurs à côté de réelles opportunités.
F. C. : Nous avions interrogé tous les candidats et Emmanuel Macron a été l’un de ceux qui nous avaient répondu. Maintenant, nous attendons des actes sur la simplification administrative, l’harmonisation européenne, l’étiquetage, la fiscalité et les transports, notamment. La compétitivité passe par des sujets très concrets, comme le passage des porteurs de 32 à 36 tonnes. Nous voulons être moteurs pour que l’élevage français perdure et les fabricants d’aliments avec lui !