Aller au contenu principal

La filière céréales biologiques à l’épreuve des déclassements

La baisse de la demande à la fois en alimentation animale et en meunerie, conjuguée à une collecte plus dynamique en 2023-2024, a donné lieu à l’explosion des volumes déclassés en conventionnel. En 2024-2025, une collecte moindre devrait limiter la casse.

Du petit épeautre cultivé en bio pour la boulangerie - champ de céréales sur le plateau de Valensole
Les déclassements de céréales biologiques vers le conventionnel ont été la conséquence de la lourdeur des marchés en grandes cultures bio en 2023-2024.
© J.-C. Gutner

Les volumes de céréales biologiques déclassées ont été multipliées par trois en blé tendre, par deux en triticale, et par sept en orge au cours de la campagne 2023-2024, a révélé FranceAgriMer lors de la publication de ses bilans de campagne. Pour Marianne Sanlaville, responsable Structuration des filières bio à La Coopération agricole, « le marché connaît un effet ciseau négatif : la combinaison de volumes en croissance et d’une consommation en baisse a donné lieu à des stocks importants, et des arbitrages ont dû être effectués ».

Graphe représentant les déclassements en blé tendre, triticale, maïs et orges bio en 2022-2023 et 2023-2024
Les déclassements ont bondi de 182 % pour l'ensemble des céréales biologiques en 2023-2024 (source : Réussir SA d'après FranceAgriMer)

La demande en alimentation animale et en meunerie bio en recul en 2023-2024

D’après François Marchand, secrétaire Grandes cultures à la Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique) et producteur dans la Meuse, « le secteur des productions animales biologiques a connu un recul important ces dernières campagnes. Sur la consommation de grains, cela s’est traduit par une baisse des utilisations de 7 % en 2023-2024 ». 

Pour La Coopération agricole, les déconversions en élevage biologique ont également pesé sur la demande. 

Lire aussi : "Crise du bio : comment évoluent les cheptels ?"

La demande à l’export dynamique a limité les volumes déclassés en 2023-2024

Les volumes excédentaires ont pour certains pu être redirigés vers des marchés export plus dynamiques que d’habitude. 

« Des réalisations à l’export plus importantes que prévu en 2023-2024 ont permis de limiter les volumes déclassés et la perte de valeur associée », selon Marianne Sanlaville. La mauvaise récolte espagnole en 2023 a permis aux coopératives françaises de saisir des opportunités sur le Benelux et l’Allemagne en orges et blé fourrager, même si les prix pratiqués n’étaient « pas très intéressants », toujours selon La Coopération agricole.

Lire aussi : "Céréales et oléoprotéagineux bio : marché peu actif pendant la récolte d’été"

Le coût du stockage a joué dans les arbitrages des organismes stockeurs

Les déclassements ont été plus ou moins rapides et faciles, selon les coopératives concernées et les opportunités de vente qu’elles ont pu rencontrer. 

« Le triticale a été déclassé en premier, pour faire de la place dans les silos », explique Marianne Sanlaville. « Quand les cours des céréales biologiques se sont rapprochés de ceux du conventionnel, les coopératives ont pu saisir des opportunités de déclassement à moindre coût », précise-t-elle. 

« On était à 132 jours de report de stocks 2023 sur 2024, alors que les opérateurs visent 30 jours seulement de stocks de report », précise François Marchand. « Toutes les filières se sont protégées en vendant à l’exportation ou en déclassant s’il y avait des opportunités intéressantes », ajoute-t-il.

La crainte de dégâts d'insectes a encouragé les organismes stockeurs à déclasser certains volumes d’orge

Les organismes stockeurs ont également craint les dégâts d’insectes au vu de la chaleur observée sur le mois d’octobre 2023. « Des volumes d’orges ont été déclassés pour éviter la dégradation des lots », révèle Marianne Sanlaville. 

De son côté, François Marchand relève quelques problèmes marginaux sur de l’avoine stockée en boudins, et un risque de dégâts qui a porté sur une frange des volumes.

Lire aussi : "Insectes et stockage des grains : six conseils pour y faire face"

La fermeture de silos et les coûts logistiques ont également joué sur les déclassements

Pour Marianne Sanlaville, la logistique a également pu jouer en accélérant certains déclassements : « On a déclassé en premier les productions les plus éloignées des sites de stockage. Certains volumes ont été livrés aux silos conventionnels en anticipation de l’engorgement des silos bio, et pour limiter les frais en l’absence de débouché ». 

Du côté de la Fnab, on tempère cette affirmation : « Je n’ai pas entendu parler d’une telle importance de la logistique dans les déclassements », avance François Marchand. « Mais la fermeture de silos de stockage en bio dans le Sud-Ouest et en Auvergne – Rhône-Alpes a pu jouer », précise-t-il.

Les prix des céréales biologiques ont accusé le coup et les trésoreries des exploitations sont en danger

Les importants volumes déclassés en céréales en 2023-2024 et la lourdeur du marché (à l’exception du maïs) ont pesé sur les prix. 

Sur les prix payés aux producteurs, « les organismes stockeurs ont réalisé des péréquations à partir des volumes déclassés qui ont conduit à des baisses de prix pour tous les producteurs », selon Marianne Sanlaville. 

« Les exploitations sont en difficulté en grandes cultures biologiques », s’alarme François Marchand. « Les financements apportés par le plan de soutien à la filière n’ont pas été bien répartis. Les prix du blé tendre bio doivent remonter entre 300 et 400 €/t sinon nous travaillons à perte », alerte-t-il. 

« Les prix du blé tendre bio doivent remonter entre 300 et 400 €/t sinon nous travaillons à perte », affirme François Marchand de la Fnab.

Lire aussi : "Crise du bio : une aide de 90 millions d'euros, toujours pas suffisante selon la Fnab"

Le Sud et notamment le Sud-Est ont été les plus sévèrement touchées : les surfaces ont reculé, et les revenus aussi. La Coopération agricole signale ainsi que « des agriculteurs augmentent leurs surfaces en luzerne par manque de trésorerie, au détriment des céréales, ce qui inquiète les organismes stockeurs ».

Lire aussi : "Céréales et oléoprotéagineux bio : vers une baisse des emblavements"

Les plus lus

Baudouin Delforge, président d'AgroParisBourse (à gauche) et Jean-Loïc Begue-Turon vice-président d’AgroParisBourse et responsable des matières premières chez Caceis. Grand-Palais, Paris
Franc succès de la Bourse de commerce européenne des grains au Grand Palais à Paris

La 64e édition de la Bourse de commerce européenne des grains se tient les 5 et 6 décembre au Grand Palais à Paris. Record d’…

Baudouin Delforge, président d'AgroParisBourse
Bourse de commerce européenne des céréales : « Après la finance, revenons à des fondamentaux plus terre à terre comme la logistique et la réactivité »

Baudouin Delforge, président d’AgroParisBourse, organisateur de la Bourse de commerce européenne des grains à Paris, présente…

Photo de graines de maïs.
Moisson de maïs français 2024 : des mycotoxines, mais pas de panique !

Diverses sources privées ont rapporté d’importants taux de mycotoxines contenus dans certains lots de maïs. Toutefois, que ce…

Parcelle de pois d'hiver photographiée en janvier
Décarbonation : vers une baisse de 600 000 ha de céréales au profit des légumineuses et du tournesol pour atteindre les objectifs gouvernementaux

La feuille de route décarbonation de la filière grandes cultures, telle qu’élaborée par les instituts techniques Arvalis et…

Un graphique avec des gens assis en premier plan.
Marché du blé et du maïs : quelle tendance pour les prix dans les prochains mois ?

Le groupe Argus Media, via sa filiale française Agritel, a livré son point de vue quant au marché mondial du blé et du maïs,…

Blé en Ukraine : le commerce et la production s’en sortent bien, rapporte Fastmarkets

Les coûts du Fobbing ont baissé en Ukraine, revenant à des niveaux proches de ceux observés avant la guerre début 2022.

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site La dépêche – le petit meunier
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez votre revue numérique la dépêche – le petit meunier
Recevez les évolutions des marchés de la journée dans la COTidienne