« La capacité de production de notre premier site industriel à Rethel s'élève à 5000 tonnes de farine d’insectes par an », indique Cédric Auriol, directeur général d'Agronutris
Le 20 décembre, Agronutris, société de biotechnologie française spécialisée dans l’élevage et la transformation d’insectes pour l’alimentation, a accueilli des mouches soldat noires sur son premier site industriel de Rethel dans les Ardennes.
Le 20 décembre, Agronutris, société de biotechnologie française spécialisée dans l’élevage et la transformation d’insectes pour l’alimentation, a accueilli des mouches soldat noires sur son premier site industriel de Rethel dans les Ardennes.
La Dépêche Le petit meunier : Vous avez officiellement inauguré votre première usine à Rethel (Ardennes) en juillet. Pouvez-vous la présenter ?
Cédric Auriol : Nous avons officiellement inauguré le bâtiment de notre première usine en juillet. Nous avons depuis finalisé l’installation des équipements pour démarrer notre élevage en fin d’année 2022. Nous allons commercialiser nos premiers produits au deuxième trimestre 2023.
Sur ce premier site, nous serons en mesure de valoriser près de 70.000 tonnes de coproduits issus de l’agro-industrie locale par an.
La capacité de production du site s'élève à 5000 tonnes de farine d’insectes par an. Cette capacité sera atteinte courant 2024.
LD-LPM : Votre levée de fonds de 100 M€ de septembre 2021 a servi à construire cette première unité industrielle, pour un montant de 40 M€. Quels sont vos futurs projets ?
C. A. : Nous sommes en train d’investiguer les lieux d’implantation de notre prochaine usine. Aujourd’hui, plusieurs scénarios sont à l’étude dans le Grand-Est et les Hauts de France.
En termes d’objectif, nous comptons ouvrir 9 sites de production d’ici 2029 à l’international.
LD-LPM : Vous vous êtes spécialisés en 2019 dans la production de farine de larve de mouche soldat noire à destination de l’alimentation animale, plus précisément l’aquaculture et le petfood. Envisagez-vous d’élargir votre clientèle aux animaux d’élevages, notamment les volailles, les porcins et les bovins ?
C. A. : Nous avons élevé jusqu’à 9 espèces d’insectes différents, 3 de manière systémique : le grillon, le ver de farine et la mouche soldat noire. Nous avons sélectionné cette dernière qui dispose des meilleures caractéristiques dans le cadre d’une industrialisation de nos process (capacité de bioconversion, durée du cycle de vie, qualité des produits finis, économie circulaire).
Concernant nos marchés prioritaires, il s’agit de l’aquaculture et du petfood, mais nous sommes actifs sur l’ensemble des marchés auxquels nous pouvons nous adresser réglementairement parlant : porc, volaille et alimentation humaine. Il est à noter que les bovins ne peuvent pas être nourris avec des protéines d’insectes.
LD-LDP : Quelle est votre stratégie d’approvisionnement en termes de matières premières végétales pour nourrir vos insectes ?
C. A. : Nous valorisons les coproduits issus de l'agro-industrie, le choix de l’implantation dans les Ardennes a été en grande partie motivé par la présence de nombreux gisements d'intrants. Agronutris a déjà sécurisé pour son site de Rethel 100 % de l'approvisionnement d'intrants grâce à des partenariats avec des grands industriels locaux.
Pour information, 1 kilogramme d'œufs de mouche soldat noire génère en moyenne 10 tonnes de larves vivantes et permet de valoriser jusqu’à 50 tonnes de matières organiques en seulement dix jours. En moins de deux semaines, les larves vont ainsi multiplier leur poids par 10 000.
LD-LPM : Pouvez-vous expliquer en quoi votre modèle de production relève de l’économie circulaire sur le site de Rethel ?
C. A. : Agronutris s'inscrit dans une démarche d’économie circulaire. L'industrie des insectes permet en effet de valoriser les coproduits d'autres industries tout en valorisant ses propres coproduits. La mouche soldat noire peut bioconvertir les résidus végétaux de l'agro-industrie et les invendus de la grande distribution pour les valoriser et les transformer en protéines de haute qualité. Les produits Agronutris seront ensuite distribués aux fabricants d'aliments pour poissons d’aquaculture et pour animaux de compagnie qui sont à la recherche de protéines alternatives durables. Agronutris renouvelle le modèle de l'industrie agroalimentaire française, tant par la valorisation de coproduits peu valorisés jusqu’alors, que par une production innovante, durable, et répondant à de vrais enjeux sociaux et environnementaux.
Les résidus issus de l’élevage de mouches soldat noires sont également valorisés, ainsi toute la matière est utilisée et réinjectée dans l’économie contribuant ainsi à la transition du secteur de l'agro-alimentaire vers une économie plus circulaire. Le processus de fabrication s’inscrit dans ce cercle vertueux : une usine propre, zéro déchet grâce au “retour à la terre”. Les fertilisants organiques produits vont à leur tour alimenter les cultures de la région. Ce “retour à la terre” boucle le cycle d’économie circulaire pensé par les équipes d’Agronutris. Ces engrais sont autorisés pour l'agriculture biologique.
Un rappel également sur la préservation de la biodiversité : l'aquaculture produit 85 millions de tonnes de poissons et utilise pour ses élevages 5 millions de tonnes de poissons issus de la pêche, sous forme de farine. Agronutris et les acteurs de la filière de l’insecte, en se substituant à la farine de poisson, participent ainsi à la préservation des ressources marines et à une plus grande sécurité sanitaire. Par ailleurs, l'ensemble des végétaux utilisés dans l'alimentation des animaux d'élevage sont souvent issus de monocultures intensives. La production de protéines d'insectes comme substituts aux protéines végétales permet, quant à elle, de libérer des terres arables.
LD-LDM : Que représente le marché des ingrédients à base d’insectes en alimentation animale ?
C. A. : Les aliments pour animaux à base d’insectes pourraient avoir un marché similaire à celui des farines de poisson et du soja, qui sont actuellement les principales sources de protéines des aliments destinés à l’aquaculture et au bétail.
Actuellement le secteur à l’échelle européenne compte 1 000 ETP (équivalent temps plein travaillé) et pourrait générer 25 000 emplois d'ici 2030. Le chiffre d’affaires total du marché émergent des protéines d’insecte devrait dépasser les 2 milliards d’euros d’ici la fin de la décennie.
LD-LDM : De combien de références se composer votre gamme d’offre en alimentation animale ?
C. A. : Agronutris élabore sur son site de Rethel trois produits phare destinés aux marchés de l'aquaculture, du petfood et de l'agriculture biologique, qui sont stratégiques pour les territoires et qui offrent des alternatives aux acteurs industriels conventionnels :
- La farine d’insecte : Ultra’In, principal produit développé par Agronutris, est une farine d'insectes qui possède un profil complet en acides aminés essentiels et un taux en vitamines et minéraux supérieur aux sources animales habituelles
- L’huile d’insecte : Liboost est une huile particulièrement intéressante en nutrition animale car elle est facilement digestible et présente des qualités antimicrobiennes naturelles. Elle est obtenue à partir du procédé de délipidation des protéines d'insectes.
- Le fertilisant : Fairtil est un fertilisant issu des déjections de nos insectes. Il peut être utilisé en agriculture biologique.
Agronutris, la première entreprise française à avoir obtenu l’autorisation de vendre des insectes en alimentation humaine
Au-delà d’être la première entreprise française à avoir obtenu l’autorisation de commercialiser des insectes pour l’alimentation humaine, Agronutris est la première entreprise européenne à avoir obtenu cette autorisation en 2021. « Si les marchés de l’alimentation humaine ne sont pas notre priorité, nous restons actifs sur ces marchés, notamment avec des applications spécifiques (alimentation sportive, personnes âgées...) », précise Cédric Auriol, directeur général d'Agronutris. Et d’ajouter : « A ce jour, seulement trois entreprises sont autorisées à commercialiser des insectes pour l’alimentation humaine, au niveau européen, et Agronutris est la seule entreprise française à avoir cette autorisation.
Si, pour pouvoir commercialiser des insectes en alimentation humaine, l’entreprise et l’espèce doivent être autorisées, au niveau de l’alimentation animale, la réglementation est différente. « Si l’espèce est autorisée, alors les entreprises sont libres de la commercialiser sur ces marchés », explique le dirigeant. Ce sont d’abord les secteurs de l’aquaculture et du petfood qui ont reçu l’autorisation pour l’intégration d’insectes dans leur alimentation dès 2017. En août 2021, la Commission européenne autorise l'utilisation des protéines transformées d'insectes (PAP pour "Processed animal proteins") dans l'alimentation des volailles et des porcs.