Des céréaliers ukrainiens peu enclins à l’investissement
Serguey Feofilov, président du cabinet de conseil UkrAgroConsult, estime que les exploitations céréalières ukrainiennes gagnent en rentabilité, mais restent trop prudentes sur les investissements.
« Historiquement parlant, les pays essentiellement producteurs de matières premières ne sont pas les plus heureux du monde », s’est exprimé Philippe Chalmin, économiste, lors du dernier Black Sea Grain les 5 et 6 avril 2017. Un constat partagé par Serguey Feofilov, lui aussi économiste et président du cabinet de conseil ukrainien UkrAgroConsult. La raison invoquée : la seule production de matières premières ne permet pas de capter la valeur ajoutée, freinant les investissements et la croissance du pays. « C’est le principal problème de l’Ukraine actuellement », explique ce dernier. Et les céréaliers locaux ne permettent pas de changer la donne, restant eux-mêmes peu dynamiques sur le front de l’investissement, selon lui.
Hausse des marges des producteurs ukrainiens, mais…
« Le taux de profitabilité des exploitations ukrainiennes passe de 11 % en 2013 à près de 45 % en 2016, grâce à l’exportation. […] Mais les dévaluations successives décidées par le gouvernement ont plombé l’activité des banques ukrainiennes, et engendré une forte volatilité des taux d’intérêt locaux, expliquant en partie le manque de confiance des agriculteurs ukrainiens dans leurs banques », analyse Serguey Feofilov. Conséquence : les céréaliers empruntent peu, et préfèrent importer des intrants produits à l’étranger, alors que « la stratégie devrait être que les Ukrainiens investissent et produisent eux-mêmes leurs intrants, en apprenant de l’étranger, qu’ils investissent dans des activités à plus haute valeur ajoutée, dans l’industrie de transformation, à l’image de ce qui se passe dans la filière oléagineuse nationale, qui est en bonne santé », estime-t-il. D’après lui, il faut augmenter l’exportation des produits transformés, à l’image des huiles végétales, plutôt que de se contenter d’exporter des grains. Le faible soutien à l’agriculture du gouvernement joue également, selon ce dernier. « D’après l’OCDE, les revenus des agriculteurs proviennent à 15-20 % des soutiens publics en France, en Russie et au Kazakhstan en 2015. En Ukraine, les décisions politiques nationales amputent d’environ 7 % les revenus des agriculteurs locaux, d’après la même source ! »