Courtage de marchandises : un historien du pain en guest star
L’assemblée générale de la Fédération française des syndicats de courtiers de marchandises sous le charme de l’historien américain Steven Laurence Kaplan.
ASSISTANCE NOMBREUSE à l’occasion de l’assemblée générale de la FFSCM (Fédération française des syndicats de courtiers de marchandises) qui s’est tenue à Paris le samedi 18 mars sous la houlette de son très dynamique et toujours jeune président, Alain Gérard. Ce dernier, qui termine son troisième mandat, soit neuf ans à la présidence de la FFSCM, a accepté, à la demande unanime de ses pairs, d’accomplir une année supplémentaire. Ce qui prouve —si besoin était— la reconnaissance de la profession envers celui qui a fait le maximum pour consolider l’union des courtiers, face à une filière agricole et industrielle qui ne cesse de se renforcer en pratiquant un lobbying permanent. De l’avis général, il a bien mérité de la profession, en insistant inlassablement au cours de ses nombreux contacts «sur l’importance de l’indépendance du courtier, réfutant l’amalgame qui est souvent fait avec l’agent commercial. Et au contraire, mettant en exergue le rôle de rapprochement et de négociation intrinsèque au métier de courtier.»
«Le courtier (…) neutre par vocation»
Cette année, parmi les invités de marque : le président de l’ANMF, Michel Deloingce, Jean Maurey, président du Syndicat de la meunerie Ile-de-France, Alexandre Viron, PDG de la minoterie Viron à Char-tres et, en vedette incontestable, Steven Laurence Kaplan, professeur d’histoire à la Cornell University de l’Etat de New York et auteur de nombreux ouvrages de référence sur l’histoire du pain à travers les siècles. Accueillant trois personnalités de la meunerie, le président Alain Gérard a tenu à rappeler «que le courtier, auxiliaire du commerce, est avant tout un commerçant indépendant, neutre par vocation et qui a donc comme particularité d’avoir le vendeur et l’acheteur comme client. Le meunier étant pour certains le principal client acheteur. Courtiers et meuniers ont en commun la recherche du meilleur rapport qualité/prix en ce qui concerne les approvisionnements en matière première.» Et d’insister sur le fait que «la FFSCM a toujours refusé de traiter directement avec les agriculteurs, car convaincue que la mise en marché par un collecteur agréé garantit à l’utilisateur, la qualité technologique et sanitaire des productions agricoles».
Le pain «de sa chute à sa résurrection»
C’est évidemment, le professeur Stephen Laurence Kaplan qui a été la vedette —non pas américaine au sens donné à cette expression— mais superstar de cette assemblée générale, en enthousiasmant l’assistance par un exposé très brillant et passionné sur la qualité du pain en France «de sa chute à sa résurrection». Sans exagération, on peut dire qu’il a été ovationné. Reconnaissant volontiers et d’emblée, qu’il est un «intégriste de la qualité du pain», le professeur S. Kaplan qui maîtrise avec brio notre langue —y compris dans ses subtilités— a brossé une fresque historique de cet aliment combien symbolique, sous l’angle patrimonial comme économique, avec ses grandes fractures, le déclin de sa consommation allant de pair avec l’augmentation du niveau de vie et la révolution industrielle. Et de rappeler, notamment, le désastre dû à l’anathème du corps médical, l’éclipse de la qualité et la perte de compétence du boulanger, puis le déclic salvateur avec le rôle décisif de la meunerie française. Cette dernière, à l’occasion des états généraux de la boulangerie en 1983 et la remise en cause douloureuse de la qualité du pain permit le Décret pain, avec sa promesse de retour au bon pain, sans additifs ni surgélation à aucun stade de la fabrication. Chiffres à l’appui, Steven Kaplan a insisté sur la nécessité d’encourager les Français à consommer davantage de pain, en obligeant les consommateurs à se remettre en question. Et de citer comme exemple les professionnels du vin avec leurs pratiques dégustatives : «Pourquoi ne pas instaurer dès la cantine scolaire, une pratique panaire dégustative ?» Paraphrasant le célèbre anthropologue Claude Levi-Strauss, pour le professeur S. Kaplan «le pain doit être d’abord bon à penser avant d’être mangé». Pour lui, il est essentiel d’amener nos concitoyens à manger davantage de pain, un produit reconnu désormais bon pour la santé. La dégustation doit impérativement être introduite dans le marketing, et le boulanger doit sortir de son fournil pour aller vers ses clients en répondant à ses goûts et appréciations sensorielles. Selon lui, la boulangère doit également connaître les différentes phases de la fabrication du pain afin de pouvoir parler du pain à ses clients en connaissance de cause. Réservé sur l’extraordinaire éventail de pains «dits spéciaux», stigmatisant les ayatollahs du pain bis, pour S. Kaplan, en conclusion : «Le pain de Tradition française doit être le produit phare de la boulangerie.» Certes —fait-il observer— pour faire du pain, il faut du bon, du très bon, en ce qui concerne la matière première, mais c’est toujours le tour de main du boulanger qui expliquera la qualité du produit final.
En illustration des propos de S. Kaplan, les courtiers ont été invités à une dégustation autour d’un incroyable buffet, composé de toute une gamme de pains, fabriqués à l’occasion de cette assemblée générale par les boulangers de l’hôtel parisien, où elle se tenait.
Comme à l’accoutumée, au cours de cette assemblée, tous les problèmes intrinsèques à la profession ont été passés en revue. M.M. Pineau et Barbat du Groupama/Gan ont également ouvert une piste de réflexions sur les avantages de l’épargne salariale en entreprise (ouverture de compte avec fiscalité en assurance vie). A l’issue de l’assemblée générale, le président Alain Gérard devait remettre la médaille de la FFSCM à Patrick Moniot, personnalité bien connue du courtage et de la Bourse de Commerce de Paris, qui a cessé ses fonctions de délégué après avoir servi la Fédération pendant vingt-cinq ans et à Jean-Bertrand Pont, qui fut meunier avant d’être courtier en vallée du Rhône.
A noter enfin la réelection au conseil fédéral de la FFSCM de Denis Georget, Xavier Haas, Eric Peltier et Patrice Stransky.