Marchés
Ce que la réforme des subventions égyptiennes dans la filière blé/pain/farine va changer
En trente ans, les offices publics d’achat ont peu à peu disparu, mis à part sur le bassin méditerranéen. Or la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MO/AN) représente 16 % des échanges mondiaux de blé, la consommation de blé du MO/AN étant parmi la plus élevée du monde à 141 kg/an/habitant. « Quelque 70 % de nos ventes de blé vers le MO/AN sont le fait d’achats des offices publics (3,9 Mt sur 2011/2012) », signale Roland Guirossian, responsable du bureau du Caire de France Export Céréales (FEC). Si les exportations françaises de blé vers l’Égypte varient énormément en raison de la concurrence des origines US, sud-américaine et mer Noire, ce débouché reste non négligeable. « Dans cette région, quelque soit le type de régime ou d’économie, il existe des politiques de subventions au pain dans la plupart des pays. » Or, en Egypte, ce système de subventions atteint ses limites économiques. La réforme en cours devrait générer des risques mais également des opportunités pour nos origines.
Vols dus aux subventions
Les subventions (énergie, produits pétroliers et alimentaires) représentent 27 % des dépenses de l’État, soit 19 Md€! Quelque 2,1 Md€ sont consacrés au pain baladi et 710 M€ à l’achat du blé local. Cette année, la récolte locale égyptienne est payée 405 €/t, bien au-dessus des prix mondiaux.
En Égypte, il existe trois filières de farine : la farine libre à taux d’extraction de 72 % vendue à 320 €/t, la farine 80 % subventionnée à 115 €/t, et la farine 82 % subventionnée à 21 €/t, issue des blés locaux et importés par le Gasc. Les mélanges de blés se font tout au long de l’année avec des proportions 60 % blés locaux-40 % importés, un ratio qui peut aller jusqu’à 40-60. Le blé égyptien ne peut pas être écrasé à 100 %, générant des taux de cendres trop élevés.
« Les moulins privés fabricant de la farine 82 % font face à une équation économique difficile. Pour contourner le peu d’attrait économique de l’opération, ils essayent d’utiliser les failles du système de contrôle en utilisant le blé du GASC pour produire de la farine 72 %, en livrant aux boulangers des quantités de farines inférieures à leur quota, en revendant du son à un prix supérieur au prix officiel de 167 €/t », explique Roland Guirossian. Idem pour les boulangers de la filière qui sont tentés de revendre au marché noir une partie de leur approvisionnement en jouant sur le poids et la quantité de pain produit (280 €/t contre 21 €/t). Le système entraîne donc des vols et des pertes tout le long de la filière. Aujourd’hui, l’Égypte n’a plus d’argent et doit revoir ses programmes de subventions.
Opportunités sur la farine 72 %
Le schéma adopté depuis décembre 2012 est la libéralisation contrôlée. La réforme devrait faire évoluer les rôles et responsabilités des acteurs de la filière égyptienne. « On peut notamment imaginer une baisse du rôle du Gasc, qui serait cantonné dans un rôle de maintien d’un stock stratégique », estime le responsable du Caire. Cela aurait un impact certain sur nos ventes, étant donné qu’elles passent quasi exclusivement par cet organisme. Mais il y a des opportunités à saisir sur le marché de la farine 72 %. « La France pourrait mettre en place des accords de stockage, de production de certains types de farines, faire de l’accompagnement technique dans la meunerie, technique et marketing dans la boulangerie. » Les Égyptiens ayant un fort besoin en bonnes capacités de stockage, la France pourrait jouer un rôle dans ce domaine, en leur offrant des silos.