Brésil : le Congrès autorise les OGM
La loi augmente les pouvoirs de la CTN-Bio, au grand dam des écologistes, et pourrait affaiblir l’approvisionnement non OGM.
APRÈS DIX ANS de discussion, le Congrès brésilien a adopté le 2 mars une loi dite de «biosécurité» concernant l’utilisation des OGM sur le territoire. Cette législation, qui a divisé le pays avec d’un côté les pro et les anti-OGM, aura d’importantes conséquences au niveau de l’approvisionnement français en produits non transgéniques.
La loi écarte les ministères de l’Environnement et de la Santé
La loi qui a été adoptée par approbation de 352 députés (60 contre et une abstention), autorise et réglemente la recherche, la culture et la commercialisation des OGM ainsi que l’utilisation de cellules souches provenant d’embryons pour la recherche et le traitement médical. Pour entrer en vigueur, le texte doit encore être signé par le Président brésilien, Luis Igniacio Lula da Silva, qui avait pourtant pris position contre les OGM avant son arrivée au pouvoir.
La législation prévoit l’étiquetage des OGM et confère à la Commission technique nationale de biosécurité CTN-Bio de nouvelles attributions. Elle s’est vue confier la charge d’évaluer les dossiers de demande de mise sur le marché des OGM. Elle aura le pouvoir décisionnaire, à la majorité simple de ses 27 membres, sur tout ce qui concerne la recherche, la production, la culture, la vente et le transport d’organismes génétiquement modifiés. Les grands perdants au regard de cette loi sont les organismes liés au ministère de l’Environnement et de la Santé, qui perdent leur droit de véto.
Pour le ministère de l’environnement, cette loi créé «un sérieux déséquilibre dans le processus de décision concernant les OGM, au détriment des précautions nécessaires pour maîtriser des technologies dont les conséquences sur les écosystèmes brésiliens ne sont pas encore dûment identifiées».
Menace sur l’unique source de soja non transgénique de l’UE
Le Brésil reste la dernière source d’approvisionnement en soja non OGM pour l’UE, toutefois l’adoption de cette loi, qui permet officiellement au pays de cultiver des graines transgéniques, pourrait changer la donne.
La possibilité d’importer des produits à base de soja conventionnel risque de devenir plus compliquée à l’avenir. «Ce sera sûrement plus difficile», reconnaît Frédérico Humberg, responsable de la société de négoce Agrenco en France. Pour lui l’augmentation des primes pour les produits tracés sera l’une des premières conséquences de cette loi autorisant la culture d’OGM, car la ségrégation des filières coûtera de plus en plus cher si les cultures transgéniques progressent. «L’Etat du Parana a l’intention de poursuivre son interdiction d’OGM mais ses producteurs augmenteront leur prix, donc il faut que la demande soit suffisante et qu’elle paie», explique-il, «mais l’évolution de la demande mondiale jouera aussi un grand rôle», conclu F. Humberg.
Pour l’association de défense de l’environnement Greenpeace le texte adoptée est «une mauvaise loi» mais «ce n’est pas une surprise», comme le déclare Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM en France. Concernant l’importation de produits non OGM, il considère que la campagne 2005/2006 sera «une année charnière pendant laquelle l’industrie européenne devra réellement faire pression sur ses fournisseurs». Mais encore faut-il qu’une volonté de la part des fabricants d’aliments du bétail se dégage clairement en faveur du non OGM. Et puisque la législation sur l’étiquetage des produits issus d’animaux ayant consommés des OGM ne prévoit pas une mention obligatoire, rien n’est moins sûr.