Commerce international
Le blé OGM argentin joue son sort au Brésil
Les autorités brésiliennes doivent donner leur avis sur la demande d’autorisation de mise sur le marché du blé transgénique faite par la société argentine Bioceres, qui le cultive déjà en plein champ en Argentine.
Les autorités brésiliennes doivent donner leur avis sur la demande d’autorisation de mise sur le marché du blé transgénique faite par la société argentine Bioceres, qui le cultive déjà en plein champ en Argentine.
Pour la troisième et sans doute dernière fois, il y va de sa crédibilité : la Commission technique nationale de biosécurité brésilienne (CNTBio) tiendra séance le 3 août, à Brasília, pour donner son feu vert – ou rouge –, à la consommation humaine du blé OGM, dit HB4. Ce dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché de ces variétés de blé dotées d’un gène de tournesol qui leur conférerait une certaine tolérance à la sécheresse est porté par la société de biotechnologie argentine Bioceres, qui en cultive à grande échelle en Argentine (6 000 ha en 2020/2021 avec ses partenaires agriculteurs actionnaires). La CNTBio a botté en touche, les 22 octobre et 10 juin derniers, le dossier étant potentiellement explosif.
Pour que le blé OGM soit mis sur le marché brésilien et sur le marché mondial, vu le rôle de l’Argentine du côté de l’offre, une décision politique devra aussi être prise par le gouvernement de Jair Bolsonaro. Un groupe interministériel a été formé par les ministères de l’Agriculture, des Sciences, de l’Économie et des Affaires étrangères. « En cas de verdict favorable de la CNTBio, notre syndicat des industriels du blé (Abitrigo) demandera l’avis de ce groupe interministériel sur les “risques et opportunités” liés à l’importation de ce blé OGM », anticipe Rubens Barbosa, le président exécutif de l’association Abitrigo. Or, le gouvernement de Jair Bolsonaro est ouvertement pro-OGM, tout comme l’est le syndicat majoritaire agricole brésilien qu’est la Confédération nationale agricole (CNA), soutien sans faille du président ultralibéral sud-américain. On imagine bien celui-ci faire un pied de nez à l’Europe anti-OGM en introduisant de facto le blé OGM sur le marché mondial.
Quid des meuniers brésiliens
La posture des meuniers brésiliens est plus ambiguë. À travers Abitrigo, ils sont contre le blé OGM par prudence. « On ignore comment réagiront les consommateurs, admet Rubens Barbosa. Certaines ONG vont faire beaucoup de bruit si le dossier de Bioceres passe. Et quel serait son impact sur la consommation de farine de blé au Brésil ? » Mais, selon l’analyste senior Paulo Molinari, de l’agence Safras & Mercado, les meuniers brésiliens « sont tout à fait prêts à acheter de ce blé OGM comme n’importe quelle autre commodité », assure-t-il.
En cas d’avis défavorable de la CTNBio, la récolte issue des 6 000 ha de blé OGM HB4 semés en Argentine devra être détruite. Car le décret argentin d’autorisation de culture de ce blé conditionne celle-ci à l’acceptation de cet aliment de la part du Brésil.
Dans cette campagne sud-américaine où les contrôles sont rares, on n’exclut pas un scénario identique à celui du « soja Maradona », le soja Roundup-ready de Monsanto baptisé ainsi par les agriculteurs brésiliens. Autorisées en Argentine en 1996, ces variétés ont fait irruption au Brésil, via la contrebande, avant leur approbation locale.
Y aura-t-il un « blé Messi » qui mettra le monde devant le fait accompli ? Une seule certitude, il jouera (très gros) le 3 août à Brasília.