Blé dur : bilan et perspectives du marché mondial en 2005
Selon l’Onic, les prévisions d’un stock de report volumineux et d’une production abondante ne militent pas en faveur d’une reprise des cours.
EN 2004, LE MARCHE du blé dur se distingue par une nette progression des exportations françaises. «C’est le résultat de la volonté constante de produire un blé dur de qualité et d’affirmer la vocation exportatrice de la France et de l’Union européenne, dans ce domaine aussi», indique Daniel Perrin, directeur général de l’Onic, en préface de son Cahier de janvier consacré au marché du blé dur.
2004, une récolte record
En dépassant pour la première fois le cap des 40 Mt, la production mondiale de blé dur atteint en 2004 pour la deuxième année consécutive un record historique. Cette hausse de production est principalement imputable à l’UE qui, après la forte sécheresse de 2003, a connu en 2004 des conditions très favorables au développement végétatif dans presque toutes les régions de production.
La production française de blé dur en 2004 atteint 2 Mt. Elle permet d’exporter des quantités importantes vers les autres pays européens mais aussi vers les pays tiers. Les résultats des enquêtes réalisées par l’Onic montrent que la qualité du blé dur récolté en France cette année, est en moyenne la meilleure d’Europe en dépit de l’abondance de la récolte. Au contraire de ce qui s’est produit en Espagne ou en Italie, la qualité n’a pas pâti d’une production en hausse de plus d’un tiers. «Ce succès est le fruit de la politique de qualité menée par toute la filière depuis des années», se félicite Daniel Perrin. Le blé dur français est ainsi en mesure de répondre aux besoins des semouliers français mais aussi italiens. Avec des exportations prévues à quelque 700.000 t à destination des pays tiers, la France renoue cette année avec une présence sur les marchés exports que la baisse de production consécutive à la réforme de la Pac de 1993 ne lui permettait plus d’assurer. La présence du blé dur français à l’exportation, en particulier vers les pays du Maghreb, est naturelle. La proximité géographique joue son rôle. Mais la France a aussi les moyens de dégager régulièrement un disponible exportable de bonne qualité qui en fait un fournisseur fiable du Sud de la Méditerranée, principal bassin de consommation et d’importation de blé dur au monde. «Cette vocation exportatrice peut aussi s’affirmer sur le marché communautaire, en raison des conséquences de la politique de découplage des aides directes aux producteurs», explique le directeur général.
Des cours qui resteront bas
La présente campagne devrait s’achever sur une forte hausse du stock de report des trois premiers exportateurs mondiaux (Canada, Etats-Unis, UE) : 4,8 Mt contre 2,6 Mt un an plus tôt. Le Canada devrait être très offensif sur tous les segments du marché pour éviter une trop forte hausse des stocks qui représentent 50% de la production annuelle moyenne. La concurrence canadienne devrait s’exprimer avec des prix agressifs dès le mois d’avril prochain, lorsque la navigation maritime reprendra entre les Grands Lacs et le St-Laurent, après le gel hivernal. Les premières indications concernant la récolte 2005 laissent entrevoir que les superficies dédiées au blé dur devraient décliner dans l’UE, notamment en Italie où les surfaces pourraient reculer jusqu’à 30%. En effet, la décision des autorités italiennes de découpler les aides directes dès 2005 a conduit de nombreux producteurs à se tourner vers d’autres céréales que le blé dur, en particulier dans la région des Fouilles. Par ailleurs, il apparaîtrait que les semis en Afrique du nord se soient déroulés dans de bonnes conditions. Les précipitations automnales ont été correctes et l’on envisage désormais pour la troisième année consécutive une moisson abondante, à condition que les précipitations de la fin de l’hiver et du printemps soient suffisantes. La perspective d’un stock de report volumineux chez les exportateurs et d’une production abondante chez les premiers importateurs mondiaux ne militent pas en faveur d’une reprise des cours mondiaux. Les prix du blé dur devraient rester assez bas au cours des prochains mois.
Et Daniel Perrin de conclure : «De nouveaux équilibres entre zones de production vont naître.» Il y aura certainement à l’avenir une place plus importante pour la production française à destination de l’Italie, premier consommateur au monde de pâtes alimentaires. «C’est une chance que la filière française doit saisir», souligne le dirigeant de l’Onic.