Biocarburants E85, les dix commandements de l’as du volant
Alain Prost a remis à Thierry Breton les conclusions du groupe de travail Flex-fuel 2010 pour l’essor du bioéthanol en France. L’état entend traduire au plus vite ces recommandations par des actes
« NOUS LANÇONS aujourd’hui, à grande échelle, le premier carburant de l’après pétrole pour les automobilistes Français» s’est enthousiasmé le ministre de l’économie et des Finances, Thierry Breton après qu’Alain Prost lui ait remis, mardi 26 septembre à Bercy, les conclusions du groupe de travail Flex-fuel 2010. Celui-ci s’est penché, ces trois derniers mois, sur les perspectives de développement de l’E85 en France. Thierry Breton, décidé à «soutenir sans réserve l’essor de ce carburant », y voit un atout économique de premier ordre, permettant de se soustraire de la dépendance vis-à-vis du pétrole qui pèse «sur le budget de l’état, comme sur le pouvoir d’achat des Français». Les consommateurs auront, à l’avenir, «la liberté d’arbitrer sans contrainte leur choix entre un carburant vert et fossile», a-t-il résumé avec satisfaction. L’ancien champion de Formule 1 a formulé dix propositions au gouvernement comme celle d’autoriser la vente d’E85 dès janvier 2007 et de fixer «une fiscalité incitative». Pour Thierry Breton, qui s’est déjà engagé à imposer «une taxation minimale sur l’E85», cette remise officielle constitue « un événement extrêmement important pour le gouvernement et pour la France » dans la mesure où «elle sera suivie d’actions» majeures. Ce plan sera formalisé dans une charte qui devrait être «finalisée dans les prochains jours».
En duplex d’Oulu, en Finlande, où se tenait un conseil des ministres de l’Agriculture européens, Dominique Bussereau a souligné le «facteur de développement essentiel» que représente le bioéthanol pour son secteur et salué cette «nouvelle étape qui donne de la visibilité au consommateur» et induit «une exigence de transparence». Il a réaffirmé la nécessité de se protéger vis-à-vis des importations, qui pourraient mettre à mal toutes ces belles espérances.
Tous les acteurs de la filière bioéthanol doivent s’engager sur des objectifs concrets
L’ancien champion automobile avait été chargé, en juin dernier, de coordonner les travaux du groupe Flex-fuel 2010 censé s’interroger sur la pertinence du développement du bioéthanol en France et de planifier la montée en puissance de la production. La difficulté de la commission, rassemblant de représentants de plusieurs filières, comme celles de l’agroalimentaire, de l’industrie automobile ou du monde pétrolier,… était de composer avec des acteurs aux intérêts parfois divergents. Selon Alain Prost, pour que le projet aboutisse, il faut « que chaque acteur s’engage à avoir une optique sur le long terme pour fournir au consommateur une bonne visibilité ». Ainsi, «cinq constructeurs au moins– PSA, Renault, Ford, Saab et Volvo – se sont engagés à fournir des Flex-fuel dès 2007» et notamment les deux enseignes françaises. Renault s’est déjà fixé un objectif : à savoir que, dès 2009, 50% de ses ventes portent sur des véhicules pouvant fonctionner à l’E85. Un chiffre qui pourrait être revu à la hausse « selon la vitesse de développement de la filière ». La distribution de l’E85 s’annonçait comme l’un des principaux freins à son essor. Là aussi, les distributeurs se sont engagés. «En 2007, 500 pompes(sur 1.300 ndlr) seront disponibles en France. Un objectif réalisable qui correspond à l’équipement du réseau autoroutier et des grandes villes» Il suggère aussi au gouvernement «d’accompagner les exploitants de stations services indépendants» pour qu’ils s’équipent de pompes vertes.
Quant aux disponibilités, l’agriculture française sera, selon Alain Prost, capable de fournir sans «aucun soucis» le bioéthanol demandé. Situation confirmée par Dominique Bussereau: les «400.000 ha sur 10 Mha cultivés en céréales et betteraves permettent de satisfaire l’objectif d’incorporation de 7% de biocarburants en 2010 pour la filière essence.» Le potentiel de production à partir de céréales, de betteraves «voire d’alcool vinique est très important et ne menace en rien nos besoins prioritaires pour l’alimentation humaine et l’export en dehors de l’UE», a-t-il poursuivi. Comme il le souligne, la part des biocarburants dans la distribution globale est passée de 1% en 2005 à 1,75% cette année. Elle atteindra 3,5% en 2007. «Soit une hausse de 250% sur deux ans! Un chiffre faisant rêver le ministre de l’économie!», a plaisanté Dominique Bussereau. Et, la capacité de production française devant être largement supérieure à ses besoins en 2010, «la compétitivité du bioéthanol devrait s’accroître». Se pose alors la question de l’intérêt de ce débouché pour les producteurs. Celui-ci est remis en cause par la Coordination rurale dans un communiqué du 26 septembre. Pour elle, «les prix de vente des matières premières ne permettront pas aux agriculteurs de tirer un revenu décent de cette activité». Pour pouvoir prétendre à un développement pérenne de la filière, il faudrait par ailleurs se prémunir contre les importations, notamment brésiliennes. Et pour la Coordination, cette concurrence «condamne les raffineries vertes européennes à tirer les prix des matières premières vers le bas». Dominique Bussereau a, à ce sujet, réaffirmé la nécessité de «fermeté dans les négociations» à l’OMC pour «se protéger» et «qu’il n’y est pas de détournement» du débouché, tout en respectant les règles de libre échange.
Fixer une fiscalité incitative
Pour Alain Prost, la priorité du gouvernement est de définir une norme pour l’E85 avant la fin de l’année de manière à l’ «autoriser à la vente sur tout le territoire dès le 1 er janvier 2007» . Il l’appelle aussi à mettre en place une «fiscalité incitative» tenant compte du niveau le plus bas autorisé par l’UE. Le coût au kilomètre de l’E85 doit être «bien inférieur à celui de l’essence et proche de celui du gasoil». Le prix à la pompe pourrait alors se situer autour de 0,80 E/l.
L’ex-pilote suggère également à l’état d’adopter des mesures à même de favoriser l’acquisition et l’utilisation de ces véhicules par les entreprises et les collectivités.
Thierry Breton a salué la vertu fédératrice, indispensable au lancement de «la dynamique», du travail mené par Alain Prost et son groupe. Le ministre voit en ce plan une vraie «chance»pour les différents acteurs de la filière, mais également pour les automobilistes. Le choix de leur carburant va leur permettre de «se protéger des chocs pétroliers». Lutte contre l’effet de serre, amélioration de la facture énergétique et de la balance commerciale, évolution du «rapport de force avec les pays producteurs de pétrole», création de «croissance et d’emploi», la France, elle-même, aurait, selon lui, beaucoup à y gagner. Assurant que l’état est «déterminé à aller de l’avant et à faire siennes ces recommandations», Thierry Breton s’engage: «Tout devra être opérationnel dès septembre 2007.»