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Bien amer ce début 2005 entre catastrophe naturelle en Asie du Sud-Est avec un bilan macabre qui ne cesse de s’alourdir, et en Europe les commémorations d’une catastrophe humaine : la tragédie de la Shoah qui s’est déroulée il y a une soixantaine d’années et dont les rescapés, témoins oculaires de l’horreur, vont désormais se faire de plus en plus rares.
A l’instar des derniers poilus de la boucherie de 14-18 encore vivants. Images insoutenables de toutes ces victimes du tsunami et ses destructions massives, comme ce rappel de l’innommable au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, symbole de la folie humaine et de la monstruosité poussées à leur paroxysme. On en conviendra, c’est donc vraiment un impératif, que de s’échapper de cette oppressante et insoutenable Actualité avec une capitale. A nous d’essayer de glaner dans l’actualité, mais celle-ci sans majuscule, pour ce billet —dont l’objet est de dérider nos lecteurs— un sujet qui fasse friser l’œil.
On pourrait parler de la grande semaine de la haute couture printemps-été 2005 avec ses défilés sur podiums de mannequins anorexiques qui, une fois de plus, ont fait de Paris le phare mondial de la mode avec sa débauche de modèles aux étoffes et broderies précieuses, mais aussi délirants les uns que les autres. Et bien souvent, proprement immettables, sinon par quelques richissimes excentriques. On pourrait aussi parler de la cinquième édition de la remise des «Big Brother awards» qui a récompensé toujours à Paris, les meilleurs représentants de la surveillance en tout genre, qui usent et abusent des nouvelles technologies, rivalisant d’imagination et d’ingéniosité, —selon ses promoteurs— pour porter atteinte à la vie privée. Une manifestation pour le moins originale, émanation de l’ONG britannique Privacy International, soutenue en France par le Syndicat de la magistrature, Act Up, la FIDH, le syndicat CNT et le collectif «Souriez vous êtes filmés».
Parmi les lauréats 2005, les initiateurs du fichier d’empreintes génétiques Fnaeg ou encore les concepteurs du bracelet électronique équipé d’un GPS pour délinquants hors prison, etc. Mais nous préférons parler de la neuvième édition du salon Religio qui vient de se tenir au Parc floral de Paris. Un salon, que les humoristes nomment «le salon du prêtre-à-porter», voire pour les plus caustiques «le salon des marchands du temple». La plupart voit dans Religio une sorte de BHV ou plutôt pour rester dans le contexte spirituel «de Samaritaine du religieux». C’est un fait, prêtres et laïcs engagés y viennent de tout l’Hexagone et des pays voisins par centaines faire leur marché, et on y trouve de tout : goupillons clinquants, calices et ostensoirs en laiton doré à l’or fin, vitraux résolument modernes voire kitsch, bénitiers aux formes bizarres, ambons, médailles de vierges, croix d’argent ou d’or, petites ou grandes, sculptures de marbre ou en stuc, de bon ou de mauvais goût. Côté mode, pour un clergé qui se veut canoniquement correct et «good looking» : chasubles en pure laine vierge, ordinaire (blanche) ou festive (bleue ou verte), aubes avec cordons de couleur (violet, rouge, blanc, vert) qui serviraient de grade comme au judo —selon la publicité d’un stand— «pour motiver les enfants de chœur». Section célébration : toute une panoplie de vins de messe, sachets d’hosties et custodes. Côté équipement, la vedette de cette édition 2005 a été, outre un système de chauffage des églises qualifié de «révolutionnaire», un moteur linéaire adaptable aux cloches. Succès aussi pour le tronc sécurisé qui empêche les pièces d’être crochetées par des esprits malins, etc. Et oui, en ce XXIe siècle que Malraux prophétisait comme devoir être religieux ou ne pas être, si la foi reste un mystère impénétrable, c’est aussi pour certains un marché comme un autre, où l’on achète et l’on vend contre espèces sonnantes et trébuchantes le meilleur comme le pire.
Après tout, «honni soit qui mal y pense !», comme on le dit outre-Manche. Mais pour d’autres raisons.