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La sécheresse va peser lourd sur les trésoreries

L’Est et le Centre de la France, ainsi qu’une partie du Massif central sont particulièrement impactés. La facture s’annonce salée et se répercutera sur 2019.

« De mémoire d’anciens, on n’a jamais vu une sécheresse aussi longue, la situation est très grave », souligne Christophe Léger, vice-président de la chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc. Dans les régions de l’Est et du Centre, le manque d’eau depuis la mi-juin a fortement compromis la production d’herbe estivale et automnale. « Depuis mi-juillet, les animaux reçoivent un régime hivernal et bon nombre d'élevages ont déjà consommé plus de la moitié des stocks de foin engrangés pour l’hiver ", regrette Philippe Clément, président de la FDSEA des Vosges, qui s’attend à un manque de stocks pour passer l’hiver et pointe des prix de fourrages élevés en raison de la spéculation et d’une forte demande. « Cette sécheresse s’avère pire que celle de 1976. Non seulement elle a fortement limité les rendements d’herbe et de maïs, mais elle a pénalisé aussi les semis de cultures d’automne et amputé la capacité de régénération des prairies permanentes… », indique Yannick Fialip, président de la FDSEA de Haute-Loire.

Sur le terrain, les pertes fourragères ont été évaluées en vue d’activer le fonds de calamités agricoles. Dans le Grand Est, les pertes en herbe sont conséquentes, de l’ordre de 45 à 50 % en Meurthe-et-Moselle, en Moselle et dans les Vosges. « Nous avons fait une première coupe normale et de bonne qualité, mais il nous manque la moitié du stock de regain », témoignent Philippe et Alain Limaux, installés à 350 mètres d’altitude dans les Vosges, avec 100 vaches laitières et leur suite. Les maïs se limitent à 10 tMS/ha, contre 13 tMS habituellement. « Nos prairies permanentes sont grillées, on espère que ça pourra repartir au printemps prochain. Le blé est en train de lever mais il y a énormément de trous. Les génisses sont toujours affouragées sur les prairies et nous sommes encore obligés d’alimenter les parcs en eau car les sources sont taries ! »

La crainte de manquer de stocks pour passer l’hiver

" En dessous de 700 mètres d’altitude, la situation s’avère compliquée, indique Pierre-Etienne Brunet, de la FDSEA du Jura. On constate plus de 30 % de pertes sur l’herbe en Bourgogne Franche-Comté. Il manque deux à trois mois de stocks. »

En région Auvergne-Rhône-Alpes, le Cantal, l’Allier, le Puy-de-Dôme, la Haute-Loire et la Loire figurent parmi les départements les plus touchés. « La majorité des élevages du département affichent un déficit de plus de 40 % sur la pousse de l’herbe », avance Caroline Amilhaud, à la FDSEA du Cantal. Les premières coupes ont été globalement correctes en volume, mais la qualité n’est pas au rendez-vous partout, suite à de mauvaises conditions de récolte. Quant au maïs ensilage, il manque 30 à 50 % du rendement dans les régions les plus impactées, et ils sont pauvres en amidon.

Un risque de décapitalisation avec des trésoreries tendues

Les éleveurs achètent des fourrages, de paille ou de coproduits, en tentant de gérer les surcoûts. « Nous avons réussi à trouver 30 tonnes de paille à 80 euros par tonne départ ferme, avancent Philippe et Alain Limaux, alors que les tarifs annoncés (plus de 140 €/t) frisent désormais l’indécence. " Les associés ont aussi acheté 90 tonnes de pulpes de betteraves humides et de pommes de terre (50 €/t) en septembre et viennent de rentrer 90 tonnes brutes de maïs ensilage (46 €/t livré), plus du maïs épi pour compenser les pertes de rendement. « Nous économisons le foin pour les génisses ; elles reçoivent une ration moitié foin, moitié paille avec de la mélasse. Heureusement que nous avions deux mois de stocks d’hiver d’avance...  En tout, nous en avons eu pour 18 000 euros. »

Dans le quart nord-est, l’impact financier lié à l’achat de fourrages est estimé entre 20 000 et 30 000 euros par exploitation, soit 200 à 300 €/UGB. « Nous tablons entre 10 000 et 20 000 euros pour un élevage moyen du Massif central », indique Yannick Fialip. Sans compter les effets collatéraux sur la production et la reproduction qui sont à craindre cet hiver. « Nous observons une baisse de 2 kilos de lait par vache par jour sur la région Bourgogne Centre-Est ", signale Jean-Claude Chupin, d’Alysé. « Certains éleveurs ajustent leur cheptel en fonction des stocks et commencent à décapitaliser en conséquence, et cette tendance risque de s’amplifier », alerte Corinne Vanverte, à la FRSEA Grand Est.

 

Des aides bienvenues mais…

Le panel de mesures enfin annoncé par le gouvernement (dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, report ou allègement du paiement des cotisations sociales, etc.) ainsi que le soutien des départements et régions vont donner un peu d’air aux exploitations, mais ils ne couvriront que partiellement le préjudice subi. Des problèmes de trésorerie vont se poser et cet épisode risque de déstabiliser un peu plus encore les élevages les plus fragiles.

 

« L’hiver va être long… »

Nicolas Dupuis est installé en Gaec dans le Sud du Jura. « Nous n’avons pu faire aucun regain cette année, raconte-t-il, alors que nous en récoltons 120 tonnes d’habitude. Heureusement, notre récolte de foin a été correcte. Mais il va quand même nous en manquer car nos 110 Montbéliardes sont affouragées en foin dès la mi-juillet, au lieu de novembre d’habitude. » Comme le Gaec ne disposait pas de stocks d’avance, les associés se sont mis en quête de fourrage. « Cela n’a pas été simple, mais nous avons pu réserver sur internet, dès septembre, 120 tonnes de foin de luzerne séché en bottes en provenance du Poitou, indique l’éleveur. Cela nous a coûté 300 euros par tonne livrée ferme, soit le double du prix habituel ! Nous avons aussi fait rentrer 36 tonnes d’un mélange déshydraté de pulpes et de luzerne (240 €/t). Cet hiver, nous en distribuons 2 kg/VL/j, avec 11 kilos de foin et 6 kilos de regain. Cela nous permet d’économiser du foin pour tenir jusqu’à la mise à l’herbe. »

Mi-novembre, les génisses étaient encore affouragées en foin dans les prairies. Elles ont tourné sur les paddocks tant bien que mal. « Nous allons les maintenir dehors le plus longtemps possible pour économiser de la litière. Habituellement, elles sont sur aire paillée, mais cet hiver nous préférons garder la paille pour les nourrir en complément du foin, et recourir plutôt à de la poussière de ponçage en litière (750 € les 90 m3). » Les éleveurs n’ont pas trouvé de sciure, faute de disponibilité. 

La fécondité du troupeau s’est dégradée

La sécheresse incite aussi à ajuster le nombre de bouches à nourrir aux stocks de fourrage. « Nous avons anticipé quelques départs à la réforme. On envoie les bêtes à l’abattoir sans les engraisser. Et certaines vaches sont également taries plus précocement. » Par ailleurs, les associés craignent pour la fertilité des animaux. « Avec les fortes températures de l’été, on a eu beaucoup de retours de chaleur. »

Aux 45 000 euros d’achat de fourrage viennent se greffer des coûts indirects liés au fioul, à l’eau que les éleveurs ont dû charrier ces derniers mois, et à l’achat de semences fourragères. « Les couverts d’avoine-pois-vesce semés en dérobée après maïs n’ont pas du tout levé. Et seulement la moitié des 17 hectares de prairies semées en août ont poussé. En plus, nous n’avons pas eu de chance, les sangliers ont fait des dégâts sur les parcelles dès qu’il a plu… Une bonne partie des surfaces sera à resemer au printemps. »

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