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La luzerne arrive en force au Gaec Combette

Au Gaec Combette, les surfaces en luzerne sont passées de 0 à 24 hectares en trois ans. Plusieurs raisons expliquent l’arrivée de cette culture. Les sécheresses à répétition en font partie.

Quand on arrive sur l’exploitation du Gaec Combette à Augy-sur-Aubois, dans le Sud du Cher, on longe une grande et longue parcelle de luzerne. Cette légumineuse a fait une arrivée en force dans l’assolement. Les surfaces sont passées de 0 ha en 2016, à 8,5 ha en 2017 puis 24 ha en 2018. Cette plante a accompagné le fort agrandissement de l’exploitation, passée de 120 ha et 80 vaches en 2014 à 435 ha et 245 vaches l’an dernier. Cette rapide évolution est la conséquence logique des installations successives de Maxime et Thomas en 2015 puis Adrien en 2017, aux côtés de leur père Olivier.

Améliorer l’autonomie en protéines

L’arrivée de la luzerne répondait d’abord à la volonté d’améliorer l’autonomie en protéines. Jusqu’en 2016, la ration quotidienne des vaches suitées reposait en fin de période de vêlage sur un enrubannage d’herbe (4,6 kg de MS/jour) et du foin (9,1 kg de MS/jour). Cette ration était complétée par 2,4 kg de céréales et 500 g d’un complémentaire à 25 %. Associé à de la paille en permanence disponible dans un râtelier, cela se traduisait par un coût de ration journalier de 1,67 €/tête pour des vaches d’un poids moyen de 800 kg. Cet hiver, leur ration reposait sur 4 kg de MS de luzerne enrubannée, 4,6 kg de MS de RGI enrubanné, 5,1 kg de MS de foin de prairie permanente et 1,2 kg de céréales. Soit un coût de ration quotidien de 1,38 €/tête. « En 2016, on avait acheté pour 10 000 euros de concentré pour l’hivernage de 180 vaches suitées. La luzerne nous a permis une belle économie, même si bien entendu les surfaces occupées par la luzerne n’ont pas pu l’être par des céréales ou du colza », reconnaît Olivier Combette.

Plus d’herbe et moins de Scop

« J’avais fait de la luzerne il y a un peu plus de vingt ans. Mais à l’époque son intérêt était moins évident dans la mesure où la luzerne en bouchon était plus accessible que maintenant. Il n’y avait pas non plus à l’époque cette même recherche d’autonomie pour l’alimentation de nos animaux. À l’époque, la ration hivernale de mes vaches reposait sur de la paille à volonté additionnée de six kilos de concentré dont trois kilos de bouchons de luzerne », se souvient Olivier Combette.

À l’inverse de ce qui se passe actuellement dans le Cher où la tendance lourde est à la « végétalisation des surfaces », le Gaec Combette a capitalisé dans le bétail. L’installation des trois frères s’est accompagnée par la remise en herbe ou en surface fourragère de 75 ha de Scop en 2017, dont une bonne part au profit de la luzerne. Ces deux dernières années ont aussi permis d’apprécier tout le potentiel de cette légumineuse pour continuer à produire quand le manque d’eau fait que bien d’autres espèces arrêtent de pousser.

« L’an dernier, c’est grâce à cette plante que nous avons pu être autonomes en fourrage. En achetant comme à l’accoutumée 100 ha de paille en andain pour compléter nos besoins en paille de litière. Cela correspond aux mêmes quantités que d’habitude », précise Maxime Combette. Et son père d’ajouter que ces évolutions du système fourrager n’ont pas été réalisées « au doigt mouillé. On a bien analysé les différents travaux et essais mis en place par le groupe 'herbe et fourrage' en région Centre. Les références acquises à ce sujet nous ont été précieuses pour faire évoluer notre système fourrager vers davantage d’autonomie et de résilience face à des printemps et des étés de plus en plus compliqués côté climat. » Et d’ajouter : « je pressentais aussi que compte tenu de la nature des parcelles que nous exploitons, la luzerne pourrait être un atout ».

Des argilo-calcaires favorables

Cette arrivée en force de la luzerne a, il est vrai, été favorisée par des sols très favorables. Une partie des parcelles en Scop sont des argilo-calcaires superficiels où la roche mère affleure parfois à guère plus de 20 cm. Des terres au potentiel modeste, autour de 55 qx en céréales, mais dont le pH naturellement basique, le plus souvent compris entre 7 et 8, est un sérieux atout pour permettre à cette plante d’exprimer tous ses atouts. « Nos parcelles de luzerne étaient les seules à être encore vertes sur le secteur à l’automne dernier », se souvient Thomas. « Les racines de luzerne descendent sans problème à plus de 1,5 m de profondeur », ajoute Yvan Lagrost, spécialiste de l’herbe et des fourrages à la chambre d’agriculture.

Désormais cette plante répond à trois objectifs : autonomie en protéine, faire du stock même quand il fait sec et allonger les rotations. « On ressent sur le secteur la nécessité d’allonger la classique rotation colza-blé-orge qui a eu tendance à se généraliser ces quarante années », estime Olivier Combette. Et en cela, l’introduction de la luzerne dans l’assolement est un atout.

Culture à part entière

« Dans l’idéal, il nous faudrait arriver à 30 ha de luzerne. Ce serait un optimum tant pour la constitution des stocks que pour l’assolement, avec la possibilité de faire revenir la luzerne sur une même parcelle tous les 7 à 8 ans. Cela nous permettra aussi de l’utiliser plus généreusement pour la finition des femelles », estime Thomas Combette. Les luzernières sont raisonnées comme des cultures à part entière. « Il n’est pas prévu de les associer à des graminées. Il n’est pas non plus prévu de les faire pâturer », ajoute Adrien.

L’objectif est de réaliser une coupe toutes les six semaines dont la première fin avril. « Trois coupes ont été réalisées en 2017, puis quatre en 2018. La première et la dernière en enrubannage et les deux autres en foin. L’an dernier le rendement annuel moyen a été de 8,9 TMS, précise Yvan Lagrost. Il y avait surtout de superbes valeurs alimentaires. L’enrubannage de première coupe était selon les parcelles entre 18 et 20 % de protéines avec des teneurs en énergie de 0,8 à 0,9 UFL/kg de MS. La seconde coupe a décroché en qualité car un poil trop tardive compte tenu de la météo : huit semaines après la première coupe. »

L’objectif sera de maintenir les luzernières quatre ans. Ce n’est qu’un objectif. Il n’est pas forcément exclu de les conserver une année supplémentaire tant que les parcelles resteront productives et si les conditions météo ne sont pas favorables pour permettre d’implanter de nouvelles parcelles dans de bonnes conditions.
Côté dates de semis, père et fils s’en sont pour l’instant tenus à des semis de fin d’été derrière une céréale à paille ou un méteil. « Notre volonté est de semer uniquement si la météo est favorable. La semence coûte cher. Par exemple, l’an dernier on n’en a pas semé. On n’exclut pas d’essayer des semis de printemps sous couvert de tournesol. »

La fertilisation repose sur 100 kg/ha de chlorure de potassium complété à l’automne par 12 t/ha de fumier bien décomposé. "Quand nous serons arrivés en principe cet automne à notre objectif de 30 ha en luzerne, il faudra idéalement renouveler 6 à 8 ha chaque année selon la dimension des parcelles qui seront retenues."

L’exploitation en bref

435 ha de SAU dont 25 de blé, 19 d’orge d’hiver, 5 d’avoine, 46 de colza, 8 de tournesol, 19 de méteil fourrage, 8 de maïs ensilage, 24 de luzerne, 10 de RGI et le reste en prairie ;

245 vêlages centrés sur le début de l’hiver avec quelques retardataires jusqu’en début de printemps et à terme un objectif de 260 vêlages/an ;

Finition de toutes les femelles et vente des mâles en broutards lourds à partir de la fin de l’été, complété par la vente de quelques reproducteurs.

Chiffres 2018.

Bilan fourrager 2018

Foin et enrubannage de luzerne sur 24 ha : quatre coupes avec au total une moyenne de 8,9 TMS/ha, soit un total de 214 TMS.
• Enrubannage de prairies temporaires sur 31 ha : 10 ha de RGI récoltés fin avril avec 4,7 TMS/ha et 21 ha de prairie multiespèce récoltés fin mai avec 5,7 TMS/ha. Soit un total de 166 TMS.
Foin récolté fin juin sur 97,7 ha, dont 34,9 ha de prairie multiespèce (7,1 TMS/ha), 52,8 ha prairie permanente (4,2 TMS/ha) et 10 ha de RGI en seconde coupe (2,5 TMS/ha). Soit un total de 496 TMS.
Ensilage : 8 ha de maïs (non irrigué) récolté fin août avec un rendement de 9,45 TMS/ha et 22 ha de méteil récolté mi-mai avec un rendement moyen de 7,4 TMS/ha. Soit un total de 237 TMS d’ensilage.

Les différents fourrages récoltés en 2018 ont permis d’obtenir un total de 1113 tonnes de matière sèche avec un printemps favorable à la végétation, mais un été puis un automne calamiteux. Le Gaec disposait en réserve de 100 tonnes de stock de l’année précédente.

Un total de 250 TMS ont été distribuées en cours d’été et d’automne pour pallier à l’absence d’herbe en pâture. Le Gaec disposait donc de 950 TMS en début d’hivernage 2018-2019. Les besoins nécessaires pour l’hivernage des 245 vaches, 103 génisses d’un an, 81 génisses de deux ans, 70 vaches à l’engrais et 44 mâles (broutards en repousse et taureaux) sont de pratiquement 850 TMS en tablant sur une durée moyenne d’hivernage de 5 mois avec de petites nuances selon les catégories. Il restait donc ce printemps pratiquement 100 TMS.

Avis d’expert, Yvan Lagrost, chambre d’agriculture

"Un résiduel de pratiquement 100 TMS au printemps"

« Malgré la redistribution en cours d’été et d’automne 2018, l’exploitation disposait d’un résiduel de pratiquement 100 TMS ce printemps. En 2018, les associés du Gaec ont récolté l’équivalent de 130 % des besoins, soit près de 2,8 TMS/UGB.

Cette situation était la bienvenue compte tenu de la sécheresse. Elle s’explique d’une part car l’objectif de 260 vêlages par an n’était pas encore atteint l’an dernier ce qui a permis d’avoir un chargement modéré (1,12 UGB/ha de SFP). D’autre part, la bonne productivité de la luzerne, des méteils et du RGI est venue sécuriser la production des prairies temporaires et permanentes. En plus de jouer sur l’autonomie en protéines, la luzerne a été un sérieux atout pour conforter l’autonomie fourragère de cette exploitation l’an dernier avec un rendement de 7 TMS/ha pour les 15,5 ha en première année de production et 12,5 TMS/ha pour les 8,5 ha semés en fin d’été 2016. »

Interrogations pour l’après-méteil

Les stocks reposent aussi pour partie sur un méteil fourrage. C’est un mélange composé de 60 % de triticale, 20 % d’avoine et 20 % de pois fourrager semé en octobre à 190 kg/ha. « On en sème une petite vingtaine d’hectares. C’est un fourrage qui n’est pas trop pénalisé par les sécheresses dans la mesure où il y a toujours eu un peu d’eau en hiver pour qu’il pousse en début de printemps. Mais nos surfaces en méteil sont principalement sur des parcelles aux sols superficiels, similaires à ceux utilisés pour la luzerne." Les interrogations du moment sont de savoir que semer après la récolte de ce méteil. "Souvent on ne sème rien du tout, car on récolte fin mai et avec des sols bien maigres et souvent déjà secs c’est un peu tard pour tenter quoi que ce soit." Récolter un peu plus tôt (début mai) puis semer un mélange pois et avoine de printemps en limitant les façons culturales et en utilisant des semences fermières pour réduire au maximum les frais d’implantation est une éventualité. Le sorgho en est une autre. « Mettre du sorgho, pourquoi pas, mais cela fera encore un fourrage différent supplémentaire. En hiver, le cheptel est réparti sur trois sites et nos stocks sont déjà composés de huit fourrages différents (foin de prairie ou de luzerne, paille, enrubannage de luzerne, de ray-grass ou de multiespèce, ensilage de maïs ou de méteil.) Cela fait déjà beaucoup. Attention à ne pas compliquer encore un peu plus la situation ! »

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