« Je suis très exigeante sur l’élevage des veaux »
En Ille-et-Vilaine, après avoir eu de gros problèmes de diarrhée sur ses veaux, Nelly Aubry a mis en place un protocole très rigoureux axé sur la prévention. Ses résultats se sont fortement améliorés.
En Ille-et-Vilaine, après avoir eu de gros problèmes de diarrhée sur ses veaux, Nelly Aubry a mis en place un protocole très rigoureux axé sur la prévention. Ses résultats se sont fortement améliorés.
Quand je me suis installée, dix ans après mon mari, j’ai commencé à m’occuper des veaux, explique Nelly Aubry. Mais il y a eu de gros soucis de cryptosporidiose. Le travail était très pénible. J’ai alors cherché comment prévenir les diarrhées. Aujourd’hui, je fais beaucoup de prévention et la situation s’est nettement améliorée ». Éleveuse avec son mari et un salarié à Saint-Armel (35), avec 85 vaches Normandes et Holstein, Nelly Aubry a mis en place un protocole très rigoureux pour l’élevage des veaux, mâles et femelles. « Mon objectif est de ne plus avoir de diarrhée. Or, si un mâle en a, il peut contaminer les autres veaux mâles et femelles. » Les veaux sont pris en charge à la naissance, sauf de 23 h à 6h30, la prise en charge se faisant alors à 6h30. Le nombril est désinfecté. Puis le veau reçoit du colostrum, en général dans les deux à quatre heures après le vêlage. « J’analyse systématiquement le colostrum avec un pèse-colostrum ou avec un réfractomètre, précise Nelly Aubry. S’il contient plus de 75 g/l d’immunoglobulines, j’en donne au veau 10 % de son poids. Et s’il en reste, je le congèle dans une banque de colostrum. »
De gros soucis de cryptosporidiose
Quand une vache n’a pas de lait, une mammite ou un colostrum de mauvaise qualité, l’éleveuse lui donne un litre du colostrum de la mère, complété par du colostrum de la banque. L’apport se fait au biberon ou parfois par intubation, pour éviter les risques d’ingestion de bactéries contaminantes via les trayons de la mère (bouse). Au deuxième soin, le veau ne reçoit en général rien, il n’a pas faim. Et le lendemain, il passe au lait de mélange distribué au seau avec tétine. « Au-delà de 12 h, les immunoglobulines ne passent plus dans le sang. Il n’y a donc pas nécessité à continuer le colostrum. »
De l’hygiène et de la rigueur
Les veaux sont d’abord logés en cabane individuelle. Les cabanes sont nettoyées et désinfectées avant l’arrivée des veaux et comportent un tapis pour prévenir les contaminations par le sol. Chaque veau a son seau numéroté et les seaux ne sont jamais emboîtés pour éviter les contaminations croisées. Le matériel est brossé et rincé à l’eau chaude après chaque buvée. L’éleveuse fait aussi très attention à la régularité de l’alimentation. « Si la température, la qualité ou les quantités de lait distribuées varient trop, l’équilibre alimentaire des veaux est perturbé et cela se traduit par des diarrhées. » Le lait est distribué à 42-45°C, au pot doseur. Il s’agit toujours de lait de mélange et non du colostrum de la mère, trop riche et dont la composition varie. Les quantités sont augmentées progressivement jusqu’à 8 l/j pour les femelles, 7 l/j pour les mâles Holstein et 8-9 l/j pour les veaux croisés. Un plan d’alimentation est affiché dans la pièce de préparation de la buvée.
Vers 4 semaines, les veaux passent dans des cases de transition de cinq places puis, quand ils sont trop gros, en case collective. « Cela permet d’augmenter progressivement le volume d’air et d’éviter les problèmes respiratoires », explique Nelly Aubry. L’éleveuse est aussi très attentive aux mouches, qui peuvent entraîner des contaminations croisées. Et elle veille à l’alimentation des vaches taries, qui sont au pâturage et à la paille pendant cinq semaines, puis deux à trois semaines en ration de préparation au vêlage. Tous les protocoles sont détaillés dans une fiche de consigne. « Tout le monde sait que je suis très exigeante sur l’élevage des veaux. Pour chaque consigne, j’explique sa raison et je la donne aussi par oral en plus de l’afficher. » L’éleveuse a par contre abandonné certaines pratiques comme de désinfecter les box de vêlage, d’avoir des pédiluves…, mesures qu’elle juge aujourd’hui inutiles.
Des veaux mieux valorisés
Avec ces pratiques, les résultats et l’état sanitaire du troupeau se sont fortement améliorés. Le prix de vente des veaux est bon (210 € en 2018, intégrant 30 % de veaux croisés, contre 128 € en Holstein et 148 € en Normand pour la moyenne Cogedis des 25 meilleurs). Et, selon les calculs de l’éleveuse, le coût de l’élevage des veaux, aujourd’hui de 13€/veau, atteindrait 26 €/veau si elle n’avait pas ces pratiques, du fait du surcoût des soins vétérinaires et du temps supplémentaire passé à soigner les veaux malades. Elle observe également une amélioration de l’état sanitaire du troupeau et une marge de progression sur l’âge au premier vêlage. « Et il y a aussi moins de stress et de pénibilité, avec un élevage qui répond aux attentes sociétales et valorise l’image de l’agriculture », conclut Nelly Aubry.
À retenir
Le veau naît sans anticorps et n’en fabrique qu’à partir de 7 jours. Il doit donc ingérer ceux de sa mère via le colostrum pour être protégé les premiers jours. Ces anticorps diminuent ensuite dans son sang, tandis que les siens augmentent. À 15 jours, il y a un « trou » immunitaire, les anticorps maternels ayant beaucoup diminué, alors que ceux du veau sont encore limités. Or le veau doit alors gérer de nombreux changements (alimentation, logement, vaccination, allotement…). Et quand les stress sont multiples, il peut y avoir des lésions des tissus.
Pour des veaux de 0 à 15 jours plus robustes
L’Institut de l’élevage a conduit une étude multipartenariale(1) sur les pratiques des éleveurs pour avoir des veaux robustes.
Un recensement des pratiques a été fait en ligne auprès de 1814 élevages. Puis des études qualitatives ont été réalisées sur 58 élevages. Globalement, l’atelier veaux est important pour les éleveurs, la priorité restant toutefois la production laitière. La plupart ont plaisir à s’en occuper. La robustesse du veau est jugée à son comportement, sa conformation et des aspects santé. La prise colostrale est le point essentiel. « Le taux d’immunoglobulines dans le colostrum chute très vite dans les premières heures après vêlage, souligne Aurore Wache, de l’Institut de l’élevage. Et leur capacité à passer de l’intestin du veau dans le sang diminue aussi très rapidement dans les six heures après vêlage. De plus, pour un transfert d’immunité passive réussi, le veau a besoin de 200 g d’immunoglobulines dans le sang. La qualité et la quantité distribuée doivent être vérifiées. »
Du plaisir à s’occuper des veaux
Sur 1814 réponses, 80 % donnent le colostrum dans les six heures et 10 % vérifient systématiquement sa qualité. 26 % le donnent au biberon, 14 % uniquement sous la mère, 10 % au seau, 8 % uniquement à la sonde et 42 % de façon mixte. Le logement est essentiel. « Il faut loger les très jeunes veaux en case individuelle, veiller à la température, la taille du logement, l’humidité, les courants d’air et limiter la densité dans les logements collectifs. » Sur 1789 réponses, 85 % offrent un logement individuel aux veaux, 11 % un logement collectif. 55 % sont en bâtiment, 29 % en extérieur, 10 % les deux. La période sèche est aussi capitale. « La durée de tarissement, le choix du père, l’alimentation, le logement, le traitement des mammites, la vaccination, le déparasitage sont importants pour limiter les problèmes au vêlage, avoir un colostrum de qualité et pour la vitalité et la performance du veau. » Enfin le lieu, la surveillance et les interventions au vêlage doivent permettre de limiter les traumatismes de la mère et du veau et la contamination du veau à la naissance. Sur les 58 élevages, la durée de la période sèche est de 50 à 60 jours (recommandations : 6-8 semaines). Des adaptations individuelles sont souvent faites selon l’animal ou pour des raisons économiques.