« J'ai fait évoluer mes couverts vers des méteils valorisables par mes vaches laitières »
En Vendée, l’adaptation au changement climatique et la recherche d’un fourrage complémentaire riche en protéines a amené Vincent Durand à utiliser des méteils comme couverts végétaux avant maïs.
En Vendée, l’adaptation au changement climatique et la recherche d’un fourrage complémentaire riche en protéines a amené Vincent Durand à utiliser des méteils comme couverts végétaux avant maïs.
Il y a six ans, Vincent Durand a commencé à semer du trèfle incarnat en dérobée avant son maïs ou son sorgho. Puis il y a ajouté du seigle commun. Depuis deux ans, il teste des couverts à base de vesce velue, trèfle incarnat et trèfle squarrosum. Installé à Saint-Georges de Montaigu, en Vendée, Vincent Durand exploite 105 hectares et 72 vaches pour 760 000 litres de lait. Les vaches, qui produisent 10 500-11 000 kg de lait par an avec de bons taux, sont nourries en ration complète toute l’année, avec une base d’ensilage de maïs, ensilage de sorgho et désormais ensilage ou enrubannage de couverts végétaux. « Autrefois, je semais du ray-grass italien en dérobée entre le blé et le maïs, ou parfois rien quand il n’y avait pas l’obligation de couvrir les sols, explique-t-il. Puis j’ai semé de la moutarde, qui a un bon effet structurant, mais qui ne se mange pas et qu’il fallait détruire au moins deux mois avant de semer le maïs pour éviter de la phytotoxicité. »
Des couverts à base de vesce velue et trèfle incarnat
Dans le cadre du groupe Fourrages de Seenovia, il a donc réfléchi à faire évoluer ses couverts vers des mélanges de céréales et légumineuses valorisables en alimentation et qui constituent un bon précédent pour le maïs dans un contexte de changement climatique. L'intérêt des méteils comme couverts végétaux est en effet de fournir un fourrage complémentaire, qui améliore l’autonomie protéique et sécurise la ration de maïs ensilage en apportant de la cellulose. Ils améliorent aussi beaucoup la structure du sol, ce qui permet des façons culturales simplifiées et donc moins coûteuses en matériel, temps et carburant.
Un autre intérêt est qu’ils préservent la réserve hydrique des sols. « Le réchauffement climatique est une réalité, insiste Jean Tourneux, spécialiste Fourrages à Seenovia. Il faut en tenir compte dans le choix des précédents au maïs. Le ray-grass italien pousse vite et est peu coûteux. Mais après la fauche, si on ne peut semer le maïs immédiatement, il repart et pompe encore de l’eau qui va manquer au maïs. Les méteils préservent la réserve hydrique des sols jusqu’au moment de la fauche, puis après en ne repartant pas en végétation. » Autres avantages : ils permettent de limiter les intrants, peuvent pour certains servir de surfaces d’intérêt écologique (SIE) et comme ils couvrent très bien le sol, ils laissent la parcelle propre pour la culture suivante.
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Attention, il faut récolter tôt
Les dates de semis et récolte sont importantes. « La culture principale reste le maïs, souligne Jean Tourneux. Il ne faut pas la compromettre en récoltant le couvert trop tard. Une récolte tardive, si elle permet plus de rendement pour la dérobée, peut aussi entraîner une chute de sa valeur alimentaire. L’idéal est de semer tôt pour récolter tôt. »
Chez Vincent Durand, l’objectif est de récolter les couverts début avril, voire au 15-20 mars s’il y a du vent du nord permettant de sécher le fourrage rapidement. « Les SIE ici doivent être semées avant le 19 août, précise l’éleveur. En 2019, j’ai semé le seigle-trèfle incarnat (40 kg seigle +15-20 kg trèfle incarnat) en SIE le 26 juillet, après une pluie, et le mélange seigle-trèfle incarnat-vesce le 18 septembre. En 2020, j’ai semé les SIE le 17 août. Et comme les conditions étaient favorables, j’ai implanté les autres couverts dans la foulée, du 24 au 28 août. »
Les couverts sont semés à la herse rotative et au semoir à blé après un passage de cultivateur. « Un semis précoce permet au système racinaire de se développer avant l’hiver, résume Jean Tourneux. Il peut parfois y avoir des adventices, mais pas avec la vesce velue qui couvre rapidement le sol. Le rendement peut ainsi être augmenté tout en gardant une date de récolte précoce et donc une bonne valeur alimentaire et de bonnes conditions pour le semis du maïs.»
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Une grosse économie de concentré
En moyenne, Vincent Durand récolte 18-20 tMS/ha en maïs irrigué. « Et les couverts me rapportent 3,5 à 4 tMS/ha supplémentaires », apprécie-t-il. Le couvert seigle commun-trèfle incarnat est enrubanné et distribué notamment aux génisses et vaches taries. Le couvert seigle commun-vesce velue-trèfles est ensilé et destiné aux vaches laitières.
En 2020, avec 15-20 t/ha de fumier à l’automne et une récolte le 2 avril, le couvert seigle-vesce-trèfle (25 kg/ha seigle commun, 12,5 kg/ha vesce velue, 10 kg/ha de trèfle incarnat) analysé par deux fois contenait 22,5 % et 24,6 % de MAT, sans apport d’azote autre que 15-20 t de fumier, pour 33,5 % de MS. «La vesce sèche facilement, constate Vincent Durand. Il vaut mieux toutefois récolter avec un lamier pour ne pas faire de trop gros andains. J’obtiens un fourrage très riche en azote qui permet une grosse économie de concentré. »
En 2020-2021, Vincent Durand va encore tester un nouveau couvert en réintroduisant un peu de ray-grass italien non alternatif avec la vesce velue, l’idée étant de remonter la valeur énergétique du mélange tout en gardant un effet intéressant sur la structure du sol et la réserve hydrique.
Le choix des espèces et variétés est essentiel
« Le triticale, souvent utilisé, a peu de feuilles, beaucoup de tiges creuses avec peu de sucre et est difficile à sécher et tasser, estime Jean Tourneux, spécialiste Fourrages à Seenovia. Le seigle offre beaucoup plus de feuilles, a un bon effet structurant et entraîne peu de repousses, ce qui n’épuise pas le sol pour la culture principale à suivre. » Le spécialiste fourrages préconise par contre d’utiliser du seigle commun et non du seigle forestier souvent conseillé. « Le seigle forestier a de grandes tiges creuses, de faible valeur alimentaire, ce qui entraîne des refus à l’auge, et il étouffe le trèfle. Le seigle commun, beaucoup moins coûteux, a plus de feuilles et n’étouffe pas le trèfle. » L’avoine a encore un meilleur rapport feuilles/tiges et est souple d’exploitation, mais elle est moins productive et peut geler l’hiver. De plus, en sans labour, on peut avoir du mal à s’en débarrasser.
Un intérêt de la vesce velue
Le choix des légumineuses est également crucial. « La féverole a un bon effet structurant, mais présente de grosses tiges, souvent malades, ce qui rend le fourrage peu appétent. Le pois fourrager a un bon rapport feuilles/tiges, mais son rendement est aléatoire.»
Une grande évolution a été l’introduction de la vesce velue. « La vesce velue a un excellent rapport feuilles/tiges, est souple d’exploitation, plus facile à sécher qu’un trèfle. Elle a une très bonne valeur MAT, elle couvre très vite le sol et cela pour un coût très raisonnable. » Le trèfle incarnat a un bon rapport feuilles/tiges et une très bonne valeur alimentaire, mais il fleurit tôt et perd ensuite rapidement de la valeur. Le trèfle squarosum a une valeur alimentaire moindre mais la pérennise car il fleurit tard et est une valeur sûre au niveau du rendement. Le trèfle de Micheli a un mauvais rapport feuilles/tiges, une floraison très précoce mais il convient bien aux sols humides. « Le plus prudent est de ne pas tout miser sur une espèce ou un mélange », conclut Jean Tourneux.