Grippe aviaire : « Il faudrait échelonner les indemnisations économiques des éleveurs»
Jeune éleveur de canards et de poulets en Vendée, Sylvain Boisseau constate l’inadaptation du dispositif indemnitaire et le manque d’informations sur les remboursements de la deuxième vague.
Jeune éleveur de canards et de poulets en Vendée, Sylvain Boisseau constate l’inadaptation du dispositif indemnitaire et le manque d’informations sur les remboursements de la deuxième vague.
« J’ai 29 ans et j’élève du poulet et du canard à La Jaudonnière (Vendée). Il y a un bâtiment de 1 000 m² en poulet et un bâtiment poulet-canard de 1 000 m² avec caillebotis amovibles, ainsi que 18 hectares en cultures de vente. Je travaille aussi en appoint dans d’autres exploitations.
Vidé fin février 2022, l’élevage a été bloqué par la première vague du 11 mars au 21 juin. Dès que cela a été possible, j’ai redémarré en poulet, faute de canetons disponibles, mais j’ai été foyer le 7 décembre. J’avais enfin reçu des canetons pour la quatrième rotation d’après redémarrage. Le 10 décembre, jour de l’euthanasie, il restait 1 500 survivants sur les 15 000 mis en place. »
Tous les projets sont suspendus
« Le dispositif des indemnisations économiques – un acompte et un solde après la date de clôture du guichet unique — n’est pas du tout adapté aux longues périodes d’inactivité. L’État devrait faire des avances échelonnées pour éviter de plomber les trésoreries des éleveurs et de bloquer toutes leurs initiatives. Personne n’ose plus rien entreprendre. J’espère que cela se passera autrement s’il devait y avoir une troisième vague.
Mon cas personnel illustre assez bien l’impact sur les trésoreries. À la première vague, la MSA a reporté la cotisation de fin mars à fin novembre. Groupama a aussi reporté l’assurance de trois mois, mais la réduction est symbolique. J’ai voulu continuer à payer les 1 500 euros par mois des prêts de rénovation. Mais en juin, j’ai dû contracter un court terme de 21 000 euros, dont les intérêts ont été pris en charge par la région. La banque n’a pas fait de geste particulier.
Le montant de mon indemnisation économique sera d’environ 25 000 euros, mais je n’ai reçu que 9 500 euros d’acompte mi-octobre. J’ai été obligé de bloquer les paiements des fournisseurs, sauf l’eau, le gaz et l’électricité prélevés automatiquement. Les projets de maintenance ou d’améliorations techniques ont également été gelés.
À la seconde vague, je n’ai rien obtenu du côté de la MSA et je ne m’attends pas à une réduction significative avec Groupama. Tandis que je rembourse toujours l’emprunt, mon groupement fait la banque jusqu’au paiement du solde de la VMO (1). Les 56 000 euros d’avance VMO reçus en février 2023 ont été injectés dans la trésorerie, mais la majeure partie devra être rendue au groupement. En attendant, la banque me demande de rembourser le court terme arrivant à échéance en juin. C’est assez surprenant… »
Incertitudes malgré la vaccination des canards
« Je ne sais pas quel sera le montant du solde de la VMO (normalement réactualisée) et quel sera le calendrier de versement des indemnités. Avec des taux abaissés à 90 % pour les I1 et à 50 % pour les I2, je vais sûrement avoir besoin d’un second prêt court terme.
Je ne vais pas redémarrer au mieux avant la seconde semaine de mai, après six mois d’arrêt. En effet, La Jaudonnière est une des dernières communes vendéennes levées en avril. S’ajoute le temps d’attente pour intégrer le planning. Comme le groupement ne sait pas si les vides prolongés entre lots seront indemnisés, les éleveurs ayant rechargé sont prioritaires. Ce manque de clarté est un problème de plus.
Je n’ai pas l’intention d’arrêter l’élevage, vu mon âge et des bâtiments rénovés en bon état. Mais à partir de l’automne, j’aimerais ne pas élever de canard pendant la période à risques élevés. Pour me redonner confiance, il faudrait que l’efficacité du vaccin promis en septembre par l’État soit démontrée.
Ce que je retiens de positif dans cette crise, c’est que les agriculteurs ont été très réactifs et que les structures impliquées (DDPP, vétérinaires, groupements privés et coopératifs, chambre d’agriculture) ont bien collaboré. »