ZNT : le projet de décret soumis à consultation renvoie la balle aux acteurs locaux
Le gouvernement avait été sommé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel de revoir sa copie sur plusieurs points, dont l’information des résidents avant toute application de phyto. Le nouveau texte soumis à consultation n’apporte guère de précisions.
Le gouvernement avait été sommé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel de revoir sa copie sur plusieurs points, dont l’information des résidents avant toute application de phyto. Le nouveau texte soumis à consultation n’apporte guère de précisions.
Des modalités d’information des riverains laissées dans le flou total, la gestion du cas des produits CMR2 transférée à l’Anses… Ceux qui espéraient que le nouveau décret encadrant les chartes et les ZNT close le feuilleton qui dure depuis deux ans en seront pour leurs frais. Le texte mis à consultation du public par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique prend soin de botter en touche sur ce sujet inflammable, à quelques mois de l’élection présidentielle.
La rédaction de cette nouvelle mouture du décret qui cadre le rôle des chartes d’engagement départementales, notamment concernant les zones non traitées (ZNT), était motivée par les demandes du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État en mars puis en juillet 2021. Ces institutions exigeaient que le gouvernement revoie sa copie sur quatre points :
- revoir les modalités de consultation du public des chartes ;
- renforcer l’information des riverains et des personnes qui peuvent se trouver à proximité des zones d’utilisation des produits phyto ;
- prévoir des mesures de protection des personnes travaillant à proximité des zones d’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;
- fixer des distances de non-traitement plus importantes pour les produits suspectés d’être les plus dangereux (CMR2, à savoir les substances suspectées d’être cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques).
Pas de définition des modalités d'information des riverains
Les ajustements apportés par le projet de décret laissent une grande latitude. Concernant l’information des riverains ? Le texte se contente d’ajouter que les chartes doivent inclure « des modalités d’information des résidents et des personnes présentes préalables à l’utilisation des produits ».
Ce qui est loin de régler la question sur les modalités d'information acceptables : alors que le syndicalisme majoritaire plaide pour une information généraliste (mettre en valeur les BSV, publier un calendrier indicatif des principales périodes de traitement sur les cultures…), les associations environnementales exigent des informations délivrées aux riverains avant chaque traitement (SMS, utilisation d’applications géolocalisées…).
L’État laisse donc aux acteurs locaux le soin de se mettre d’accord, comme l’indique le communiqué gouvernemental : « Les acteurs signataires de cette charte dans chaque département devront définir ensemble les meilleurs moyens de procéder à cette information qui peut prendre plusieurs formes. Elle ne prévoit pas systématiquement une information « individuelle » des riverains et des personnes présentes, et encourage chaque territoire à choisir la solution la plus adaptée. » La validation d la méthode serait ensuite à la libre appréciation des préfets.
Sur les CMR2, le gouvernement se garde d’opter pour la règle incompressible de 10 mètres, suggérée par le Conseil d’État. Au nom d’une approche « fondée sur l’évaluation scientifique », les ministères annoncent que les firmes commercialisant des CMR2 pourront déposer un dossier à l’Anses jusqu’au 10 octobre 2022, afin que l’agence fixe la ZNT nécessaire pour chaque produit. Faute de dépôt de dossier, les 10 mètres s’appliqueront. Avec quelque 300 produits CMR2 sur le marché, les procédures pourraient traîner en longueur.
Discussion renvoyée dans les départements
Dernier point, plus formel : la consultation sur les chartes départementales avant approbation par le préfet devra respecter l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, assurant que toute personne, et pas seulement les riverains, puisse y participer. Une condition qui était déjà largement remplie, puisque les consultations se sont tenues majoritairement via internet.
Pour Christian Durlin, en charge de ce dossier à la FNSEA, le gouvernement « renvoie la discussion dans les départements ». Le syndicaliste salue la confirmation du rôle des chartes, qui ont permis selon lui « de poser le débat et de mettre tout le monde autour de la table » mais conteste la volonté initiale de « gérer la protection des riverains par une approche des distances ». Chez France Nature Environnement, on considère que l’État « fuit l’injonction du Conseil d’État » sur la question de l’information des riverains, tout en regrettant le risque d’une approche disparate d’un département à l’autre, soumise à « la libre appréciation des préfets ».