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Transformer son exploitation individuelle en société

Même pour un agriculteur qui travaille seul, passer d'un statut d'exploitation individuelle à une société peut avoir un intérêt. Cette manœuvre peut par exemple permettre d'optimiser sa fiscalité ou de transmettre plus facilement sa ferme. La procédure reste toutefois complexe.

Transformer son exploitation individuelle en société permet d'amortir de nouveau son parc de matériels et ses bâtiments.
© S. Leitenberger

Réduire ses impôts ou faciliter la transmission de son exploitation, voici les deux raisons principales qui peuvent pousser à changer le statut de son exploitation individuelle pour celui d'une société. De fait, une telle transformation ouvre la possibilité de profiter de l'impôt sur les sociétés, ce qui peut être intéressant pour les grosses structures. « Il faut savoir que ce choix est irrévocable, remarque toutefois Thomas Nonciaux, expert-comptable au cabinet Nonciaux. Il n’est donc pas anodin et doit être bien calculé. » Avec l’impôt sur les sociétés, l’agriculteur perd les avantages fiscaux liés à l’activité agricole comme les dotations pour l’investissement, les dotations pour aléas ou encore la possibilité de souscrire au micro BA (bénéfice agricole). La décision est donc à peser finement. Plus classiquement, le changement de statut peut aussi être l’occasion d’amortir les bâtiments ou le matériel à nouveau. La transformation d’une exploitation individuelle en société est considérée comme la cession de l’une au profit de la création de l'autre. Les bâtiments et le parc de matériels apparaissent alors comme vendus par l'exploitation individuelle et rachetés par la société, créant ainsi de nouveaux amortissements.

Amoindrir son résultat grâce à davantage d’amortissements

« Ce montage n’est pas possible entre deux sociétés civiles », remarque Pascal Donet, responsable développement au cabinet Altonéo. Passer d’une EARL (Exploitation agricole à responsabilité limitée) à une SCEA (Société civile d’exploitation agricole) ou à un Gaec, par exemple, n’offre donc pas cette souplesse. Reste qu'il faut faire attention car l’évaluation des biens de l’exploitation individuelle peut être vérifiée par des commissaires aux comptes. Il s’agit donc de ne pas sous-évaluer ces derniers dans l’idée de payer moins de plus-values. « Cette transformation n’est utile que si l’exploitation individuelle est exonérée de plus-values, rappelle Pascal Donet. Pour cela, elle doit avoir un chiffre d’affaires inférieur à 250 000 euros, subventions comprises. » Avec davantage d’amortissements, le résultat de la société est amoindri et les assiettes prises en compte pour payer les cotisations sociales et les impôts sont réduites. « Mais il ne faut pas oublier que si l’on économise à court terme des cotisations MSA, on cotise moins pour les droits à la retraite, rappelle Michel Hardouin, avocat du cabinet Terrésa, spécialisé dans le droit rural. Les pensions seront moins élevées par la suite. » Il faut avoir des arguments pour justifier ce montage en cas de contrôle fiscal car il peut être considéré comme un abus de droit fiscal. « Il faut savoir que le gouvernement actuel a prévu de renforcer les contrôles fiscaux », signale l’avocat. 

Transmettre sa ferme de façon progressive

Le changement de statut peut aussi intervenir en amont d’une transmission d’exploitation. « En créant une société avant la transmission, l’exploitation est dissociée en parts sociales qui peuvent être cédées progressivement », explique Thomas Nonciaux. Ce choix est d’autant plus avantageux que selon les statuts et le type de société, l’exploitant peut n’avoir que 50 % des parts. La totalité du capital peut alors être reprise ultérieurement. Ce système peut faciliter la transmission du foncier. « C'est le cas si les baux ruraux sont au nom de la société ou mis à sa disposition, ajoute Michel Hardouin. La personne qui s’installe n'est pas obligée de reprendre la totalité du foncier à titre personnel. Ce qui n’est pas le cas pour une exploitation individuelle. » La mise à disposition des baux ruraux à la société se fait souvent à titre onéreux. Les montants sont fixés dans les statuts et représentent des charges pour l’exploitation, déductibles du bénéfice agricole. Considérées comme un revenu foncier, ces sommes sont intégrées dans l’assiette sociale. Pour celui qui s’installe, le fait d’être en société présente des avantages puisque les aides aux jeunes agriculteurs et les exonérations de MSA ne sont pas proportionnelles aux parts qu'il détient mais s'appliquent à toute l'exploitation. « Elles sont liées à la surface totale de la ferme », rappelle Thomas Nonciaux. La création d’une société peut intervenir également lorsque le chef d’exploitation souhaite travailler avec d’autres personnes. « Pour un jeune qui a un projet entrepreneurial, s’installer en société a du sens puisque cela permet d’anticiper l’avenir et l’arrivée de nouveaux associés », précise l’avocat.

Mieux séparer ses biens professionnels et personnels

En rythme de croisière, transformer une exploitation individuelle en société présente un intérêt plus modeste. « Le seul avantage qui peut apparaître, c’est la distinction entre le patrimoine privé et professionnel », constate Thomas Nonciaux. En dehors d’une SCEA, les associés ne sont responsables du passif social, des dettes de la société, qu’à la hauteur de leurs apports. Les biens personnels sont donc protégés. Mais sur le terrain, les banques demandent la caution du chef d’exploitation, ce qui engage aussi sa responsabilité personnelle. Entrer dans ce type de démarche avec ce seul objectif est d’autant moins intéressant qu’un exploitant individuel possède souvent deux comptes en banque et essaie de séparer son activité professionnelle de sa vie personnelle. Le changement de statut a par ailleurs un coût qui n’est pas négligeable, fonction de la complexité de l’exploitation. Les démarches sont importantes (voir encadré) et demandent du temps. Il est donc bon de réaliser une étude préalable. « On trouve souvent des conseils déconnectés de la réalité de l’exploitation. Il faut raisonner le projet dans sa globalité, martèle Michel Hardouin. Il est important de prendre en compte la disparition de l’exploitation individuelle avec toutes les conséquences qui en découlent comme les plus-values, le profit sur stock par exemple. Mais il y a aussi le risque de ne pas se voir transférer les DPB, ou de se voir refuser l’autorisation d’exploiter. Tous les effets collatéraux sont à évaluer. »

La transformation d’une exploitation individuelle en société est considérée comme la cession de l’une au profit de la création de l'autre

Des démarches tous azimuts

Les démarches pour transformer une exploitation individuelle en société sont longues et contraignantes. Voici une liste pour vous orienter.

1 Prévenir le centre de formalités des entreprises situé dans les chambres d’agriculture. Des documents sont à transmettre à ce centre, qui se charge ensuite de transférer les éléments au greffe du tribunal de commerce, aux impôts et à la MSA.

2 Faire appel à un commissaire aux apports. Ce commissaire aux comptes indépendant est chargé d’évaluer les apports en nature au capital d’une société. L’étape est indispensable lors de l’évaluation des biens de l’exploitation individuelle et selon le type de société.

3 Publier la création de sa société dans une revue d’annonces légales.

4 Actualiser son dossier PAC. Si les surfaces de l’exploitation ne sont pas modifiées, il n’y a pas besoin d’avertir la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer). Mais il faut modifier les futurs dossiers PAC et demander le transfert des DPB sur le site Télépac.

5 Demander l’autorisation d’exploiter. Cela peut être nécessaire dans certains cas.

6 Effectuer toutes les formalités bancaires. Un nouveau compte bancaire est créé. Les apports et garanties sont transférés. S’il y a de nouveaux achats de terres, les prêts sont restructurés. Avec un nouveau compte bancaire, il ne faut pas oublier d’envoyer le nouveau RIB aux partenaires (téléphone, assurances, eau, électricité, etc.). Il faut avoir en tête qu’une facture n’est déductible que si elle est adressée à la bonne personne.

7 Réaliser une convention de mise à disposition des baux ruraux.

Adapter son statut de société à sa situation

Il est important de choisir son type de société en fonction de ses besoins. Une EARL peut être constituée avec un seul exploitant. Dans ce statut, les agriculteurs doivent détenir au moins 50 % des parts. Pour un Gaec, une SARL ou une SCEA, il faut au moins deux associés. Dans les deux derniers cas, ceux-ci ne sont pas obligatoirement exploitants. En SCEA ou EARL, seuls les associés exploitants sont assujettis à la MSA tandis qu’en Gaec tous les associés le sont. Par ailleurs, créer un Gaec exige un agrément qui doit être délivré par l’administration. « Il ne faut pas oublier qu’en société, une assemblée générale doit être tenue chaque année, précise Thomas Nonciaux, du cabinet Nonciaux. Ce n’est pas insurmontable mais c’est à prendre en compte lors de ce montage. »

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