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Moisson 2023 : à quoi s'attendre pour le prix des céréales ?

Le marché des céréales est orienté à la baisse depuis plusieurs mois, provoquant l’effet de ciseau redouté par les agriculteurs. L’extrême volatilité des prix reste d’actualité sur fond de guerre en Ukraine et d’incertitudes climatiques.

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Après la flambée des prix provoquée par la guerre en Ukraine, les prix des matières premières agricoles sont orientés à la baisse depuis septembre 2022.
© J.-C. Gutner

(Mis à jour le 17 juin 2023)

Un contexte extrêmement volatil. C’est ainsi que Sébastien Poncelet, directeur du développement chez Agritel, résume la situation sur le marché des céréales. Après plusieurs mois de baisse des cours, c’est l’incertitude qui domine concernant l’évolution des prix des matières premières agricoles. Pour les agriculteurs, l’effet de ciseau vient entacher la campagne 2023 avec, pour certains d’entre eux, des coûts de production qui vont être supérieurs aux prix de vente des productions.

Pour Sylvain Jessionesse, cofondateur de Piloter sa ferme, les charges avoisinent 250 €/t pour cette campagne 2023 (elle était de 200 €/t en 2022 et de 165 €/ en 2021). C’est désormais le volume récolté et le prix de vente qui vont déterminer le revenu des agriculteurs. « Ceux qui ont engagé entre 30 et 50 % de leur récolte dès l’automne dernier, avant la forte baisse des prix, ont sécurisé une bonne partie de leur marge », estime Sylvain Jessionesse, également agriculteur dans le sud de l’Aube.

Les prix des matières premières agricoles orientés à la baisse depuis plusieurs mois

Pour les agriculteurs qui ont engagé moins de 30 % de leur récolte, est-il urgent d’attendre pour se décider à vendre ? S’il est sans doute trop tard pour espérer couvrir ses charges, il reste encore possible de limiter la casse. « Vaut-il mieux se couper un doigt maintenant ou attendre une hypothétique hausse des prix et risquer de se couper un bras dans quelques mois, interroge-t-il. Quoi qu’il en soit, les choix pour son exploitation se font en fonction de sa situation et de ses objectifs ».

Dans ce contexte, tour d’horizon des éléments à surveiller dans les prochaines semaines pour tenter d’anticiper l’évolution des prix et de sécuriser autant que possible le revenu.

En avril, le blé tendre s’est replié en dessous de 250 € la tonne (221 € pour le blé tendre meunier standard rendu Rouen au 9 avril). Le maïs est redescendu à 250 € la tonne, soit 100 € de moins qu’il y a un an (cotation rendu Bordeaux, La Dêpeche-Le petit meunier). Le colza, lui, est revenu dans une fourchette de 400-420 € la tonne, après avoir tutoyé les sommes aux alentours de 1 000 € il y a tout juste un an (marché à terme Euronext).

 

Hausse des taux d’intérêt qui ont engendré une tendance baissière

Beaucoup d’éléments pèsent sur les cours. Depuis juin 2022, la hausse des taux d’intérêt lancée par la banque centrale américaine, suivie par les autres banques centrales, a entraîné un changement de dynamique sur les prix des matières premières déclenchant une tendance baissière. « Les matières premières étaient attractives pour les investisseurs de la mi-2020 à la mi-2022. Depuis, c’est l’inverse qui se produit. Les fonds sont dans une position de vente », explique Sébastien Poncelet. Sur le plan monétaire, le renforcement de l’euro face au dollar joue aussi en faveur de la baisse des cours européens et notamment français.

Des stocks attendus très élevés

En outre, la campagne de commercialisation 2022-2023 est marquée par des récoltes exceptionnelles en Russie, en Australie et au Brésil, se traduisant par une forte concurrence du blé russe sur le marché mondial. L’Australie a battu des records en colza : sa production se déverse à l’import en Europe. En Amérique du Sud, la production de soja du Brésil atteint des sommets et on se dirige vers une récolte record en maïs.

En Europe, les stocks vont finir au plus haut depuis quatre ans en blé tendre, et depuis dix ans en colza. D’autres problématiques spécifiques à notre continent pèsent également sur la situation. Notamment l’engorgement de céréales en Europe centrale en provenance d’Ukraine.

Des risques qui perdurent

Toutefois, les facteurs géopolitiques et climatiques restent en embuscade et peuvent changer la donne. « On est sur un marché qui s’est montré très complaisant face à tous les risques qui perdurent, estime Sébastien Poncelet. Les acteurs se comportent comme si rien ne pouvait arriver. »

La mise en place du corridor en mer Noire en juillet 2022 a bien fonctionné jusqu’à présent et a permis à l’Ukraine d’exporter sa production aussi bien par voie maritime que terrestre (30 Mt). Un ultimatum avait été fixé unilatéralement par les Russes au 18 mai. L'accord céréalier vient d'être prolongé de deux mois, a annnoncé Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, le 17 mai. L'enjeu de sa prolongation au-delà de ces deux mois reste toutefois entier, notamment à l'issue des récoltes européennes, ukrainiennes et russes à la fin de l'été.

Interrogations sur les récoltes à venir

En plus des problématiques géopolitiques, le risque climatique reste présent même si les cultures sont en très bon état en Europe, à l’exception de l’Espagne. « En France, le potentiel de rendement est plutôt bon mais il y a tout de même une petite inquiétude sur le manque de lumière et les pluies persistantes », tempère Sylvain Jessionesse. Les cultures d’hiver sont également en bon état en Russie et en Ukraine.

Des zones restent à surveiller comme aux États-Unis où la situation de sécheresse, qui perdure au centre du pays malgré les dernières pluies, est très préjudiciable aux blés d’hiver. Cela pose aussi des interrogations pour le maïs. En outre, on rentre dans un phénomène météorologique El Niño qui crée généralement des problèmes de sécheresse en Australie.

Face à ces incertitudes, Sylvain Jessionesse invite les agriculteurs à déjà se projeter sur la campagne 2024 alors que les coûts de production tendent à diminuer. Par rapport à octobre 2022, le poste engrais recule de 16 %, le poste gaz de 6 % et le GNR de 17 % (source : Chambres d’agriculture de France). En parallèle, les prix, bien qu’en forte baisse, restent élevés au regard de la moyenne des 15 dernières années. « Il ne faut pas oublier que l’objectif reste de réaliser une marge et de dégager un revenu », considère-t-il.

Pression baissière pour le colza

En colza, le contexte de marché largement approvisionné et de gros stocks de report pèse aussi sur les cours. C’est d’autant plus vrai en Europe où les surfaces sont en augmentation et où la récolte australienne record se déverse à l’import. Le salut de la graine oléagineuse ne pourra venir que d’une augmentation de prix d’autres produits, du côté des autres huiles ou encore du soja. « Le colza devrait suivre le cours des autres productions oléagineuses », estime Sébastien Poncelet. Enfin, le biodiesel de colza européen est fortement concurrencé par les biodiesels à base d’huiles usagées importées d’Asie.

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