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Pommes de terre : la pire récolte de ces 20 dernières années

Après une récolte 2022 jugée catastrophique, les représentants des producteurs de pommes de terre font état d’un manque de visibilité inquiétant pour la filière en 2023.

Les représentants des producteurs  estiment que "la culture de la pomme de terre ne pourra se faire sans une réelle gestion de l’eau dans les territoires".
Les représentants des producteurs estiment que "la culture de la pomme de terre ne pourra se faire sans une réelle gestion de l’eau dans les territoires".
© V. Marmuse

La récolte 2022 de pommes de terre s’établit à 6 millions de tonnes (Mt), soit un recul de 12 % par rapport à 2021. « C’est la pire récolte de ces 20 dernières années », témoigne Geoffroy d’Evry, président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) lors d’une conférence de presse le 11 janvier.

Les rendements s’établissent à un niveau historiquement bas en pommes de terre de consommation (frais et industrie) à 39 tonnes par hectare (t/ha) contre 45 t/ha en 2021. Le recul est encore plus important en pomme de terre féculière avec une production de 800 000 t (39,5 t/ha) en recul de 28 %. Les surfaces, elles, sont restées quasi stables à 154 000 ha. La campagne se caractérise par une très grande hétérogénéité de rendements entre les régions et les variétés et l’utilisation ou non de l’irrigation.

Pour autant, le responsable professionnel se veut rassurant : « Nous n’allons pas manquer de pommes de terre, même si la situation peut se tendre un peu entre la fin de cette campagne et l’arrivée des premières pommes de terre de la campagne suivante ».

Explosion des coûts de production

La campagne est également marquée par une très forte hausse des coûts de production, de l’ordre de 30 % par rapport à 2021. « C’est la double peine pour les producteurs entre l’explosion des coûts et la baisse de production », déplore Geoffroy d’Evry.

La hausse a été en partie amortie par celle des prix de contrat négociés avec les industriels fin 2021. Mais c’était sans compter la survenue de la guerre en Ukraine en février dernier avec pour conséquence l’explosion du prix des matières premières et de l’énergie.

Le coup est particulièrement rude pour les producteurs stockeurs qui sont nombreux à réfrigérer leur bâtiment de stockage depuis l’arrêt du CIPC. « Pour un stockeur en groupe froid relié à une puissance supérieure à 36 kVa, c’est, en moyenne, un coût de stockage à la tonne qui passerait de 9 à 42 €/t », estime-t-on à l’UNPT.

Pour le syndicat, le bouclier tarifaire instauré par le gouvernement pour les installations inférieures à 36 KVa n’est pas suffisant. La filière demande une extension du bouclier pour les stockages de pommes de terre destinées à l’alimentation humaine, quelle que soit la puissance électrique de l’installation.

Crainte pour les surfaces

Malgré une demande industrielle qui devrait rester forte, les représentants professionnels s’inquiètent des arbitrages d’assolement qui pourraient se faire au détriment de la pomme de terre au printemps prochain. Pour garantir au moins un maintien des surfaces, l’UNPT estime que certaines conditions sont nécessaires. Le syndicat attend notamment des garanties concernant l’accès à l’eau pour irriguer et sécuriser la production. Les producteurs s’inquiètent aussi des perspectives de baisse de surfaces en production de plants. « Nous avons la chance d’avoir une filière plants forte et de qualité, avance Geoffroy d’Evry. Il faut la conserver ».

Côté rémunération, le président de l’UNPT se félicite de la forte revalorisation des prix payés aux producteurs pour le débouché industriel contractualisé à près de 80 %. Pour le marché du frais, où la contractualisation est moins systématique, les producteurs espèrent un effort de la grande distribution « pour mieux rémunérer les producteurs sans pour autant faire exploser le prix des pommes de terre pour les consommateurs ».

« Il faut accompagner les producteurs de pommes de terre qui ont des besoins de trésorerie pour acheter leurs plants, leurs intrants, payer la main-d’œuvre, récolter leurs pommes de terre… conclut Geoffroy d’Evry. Pour ceux qui stockent, il peut se passer jusqu’à 18 mois entre ses dépenses et la vente de la production ».

Les usines féculières menacées de fermeture

Le débouché féculier est celui qui suscite le plus d’inquiétudes. « La filière est en danger de mort », alerte Geoffroy d’Evry. Le secteur de la pomme de terre fécule a fait les frais d’une crise conjoncturelle postcovid et subit maintenant de plein fouet la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine.

Les surfaces ont reculé de 12 % en un an à 20 000 ha et la production nationale de 28 %. Au regard des contrats triennaux signés entre les producteurs et les deux industriels du secteur, Roquette et Tereos, les surfaces devraient encore reculer de 4 000 ha d’ici 2024. « Les dernières usines féculières, dans la Somme et la Marne, sont directement menacées par ce décrochage des surfaces alors que leur rentabilité industrielle est déjà très fragilisée », indique l’UNPT.

Dans ce contexte, les représentants professionnels en appellent à une intervention politique pour sauvegarder la filière. Ils demandent notamment une revalorisation « massive » des aides couplées de la PAC en 2023 et 2024.

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