Jean Mineur a créé une unité de méthanisation dans les Ardennes
« Mon objectif est l’autonomie énergétique »
Jean Mineur, agriculteur dans les Ardennes, est l’un des premiers
agriculteurs à avoir installé une unité de biogaz en France. Il ne
regrette pas son choix même s’il a connu quelques « galères ».
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«Pour moi la méthanisation n’est pas une fin en soi, c’est un moyen de développer mon exploitation. » Jean Mineur, agriculteur à Étrépigny, dans les Ardennes, insiste beaucoup sur cette notion. En ce mois de juin pluvieux, il reçoit un groupe d’agriculteurs du Cher, éleveurs mais aussi céréaliers, qui s’intéressent à la méthanisation et suivent une formation avec la chambre d’agriculture du Cher. Pour Jean, l’aventure a commencé en 2000 « en lisant un article de Réussir Lait Élevage ». Après maintes péripéties et nombreuses « galères » administratives, les travaux ont commencé en avril 2005 et la mise en service a eu lieu en décembre 2006. Il bénéficie des nouveaux tarifs de rachat de l’électricité par EDF(1). « L’unité de méthanisation de 77 kilowatts (kW) a été conçue en même temps que la mise aux normes des bâtiments d’élevage », poursuit-il.
RETOUR SUR INVESTISSEMENT DE QUATRE ANS
En Gaec avec son frère Jean-Louis, il produit 360000 litres de lait et exploite 143 hectares. Il a investi 600000 euros dont 370000 euros pour l’unité de méthanisation. L’installation procure un revenu annuel de 80 000 euros alors que les charges annuelles s’élèvent à 39000 euros. Le temps de retour sur investissement est de quatre ans. « Une grande part des travaux a été faite en auto-construction. Nous avons obtenu 50 % de subvention sur l’ensemble des travaux, dont la majorité provient de l’Ademe, la région Champagne-Ardenne et le département des Ardennes », préciset- il. C’est le privilège des pionniers pour une nouvelle technologie : les subventions sont encore élevées. Mais il y a un revers de la médaille : « Il faut tout défricher du point de vue administratif, r é torque - t - i l , amer. J’ai dû avoir l’aval de six ministères différents pour faire aboutir le projet ! »
RÉSIDUS DE SILOS À CEREALES
Jean Mineur alimente le digesteur avec le lisier de ses 60 vaches laitières, de la paille hachée, de l’ensilage de maïs produit sur jachère industrielle (4 ha) et 100 tonnes de résidus de silos à céréales provenant de Champagne Céréales. « Nous n’avons que les issues humides, les issues sèches servant à fabriquer de l’aliment », regrette Jean Mineur qui aimerait en avoir une plus grande quantité. « Aujourd’hui, les co-substrats ont une valeur. Il faudra bientôt payer pour les obtenir. Malheureusement, nous n’avons pas d’industrie agroalimentaire près de l’exploitation. »
Quant au maïs, on dit qu’étant donné le prix d’achat de l’électricité en France(1), ce n’est pas rentable de produire une culture pour fabriquer du biogaz, contrairement à l’Allemagne. « Moi, je n’ai pas le choix : j’ai trois maisons à chauffer ; il faut donc alimenter le digesteur tous les jours », souligne Jean Mineur. Le projet a, en effet, été conçu dans l’objectif de valoriser la chaleur, ce qui peut donner droit à une prime à l’efficacité énergétique. La chaleur sert à chauffer la laiterie et le digesteur.De plus, un réseau de chaleur a été installé dans trois pavillons à proximité de la ferme. « J’ai emmené les voisins voire des installations en Belgique, ils ont été très vite convaincus. Je pourrais chauffer quatre autres maisons », ajoute-t-il. Ce dernier étudie la possibilité de cultiver un mélange de céréales et protéagineux plutôt que du maïs pour la production de biogaz.
REMPLACER LE PÉTROLE ET L’AZOTE
Devant les agriculteurs du Cher, Jean souligne les avantages: « Le digestat, sans odeur, me sert à fertiliser mes terres. Je n’achète jamais d’engrais PK et j’ai réduit les achats d’azote. » Son but est de passer à l’agriculture bio. Ce qui a changé, c’est le regard de son entourage : « Mes voisins me disent ‘c’est génial ton truc’. Quant aux voisins agriculteurs, ils pensaient que je n’y arriverai jamais. Aujourd’hui, ils constatent que j’ai le potentiel pour remplacer à la fois le pétrole et l’azote. Bientôt, ils vont m’envier. Le regard de mon banquier, lui aussi, a beaucoup changé ! » Il faut dire que la vente d’électricité apporte une sécurité de trésorerie appréciable. !
(1) Tarif d’achat : 7,50 à 9 centimes par kilowatt heure (c/kWh) selon la puissance + 2 c/kWh de prime de méthanisation + 0 à 3 c/kWh de prime à l’efficacité énergétique).