Mildiou : la pomme de terre perd le mancozèbe et gagne un produit de biocontrôle
Le mancozèbe disparaît de la gamme de produits anti-mildiou sur pomme de terre, rendant indispensable l’alternance des matières actives face au risque de résistance. Et l’on peut désormais compter sur un produit de biocontrôle.
Le mancozèbe disparaît de la gamme de produits anti-mildiou sur pomme de terre, rendant indispensable l’alternance des matières actives face au risque de résistance. Et l’on peut désormais compter sur un produit de biocontrôle.
Après plusieurs dizaines d’années de service, le mancozèbe est poussé vers la sortie. « On retire une matière active à action multisite sur le mildiou. Il ne reste plus que des molécules unisites (à part le métirame, Polyram). Utilisées de manière plus fréquente dorénavant, elles risquent de faire naître des populations du pathogène résistantes à certains de ces fongicides. » Pour Victor Cuisiniez, ingénieur conseil au Gitep (Groupement d’intérêt technique et économique de la pomme de terre) dans la Somme, les retombées négatives du retrait du mancozèbe sont plus techniques qu’économiques.
Les produits à base de mancozèbe étaient connus pour leur coût modique, jusqu’à l’application d’une taxation élevée avec la redevance pour pollution diffuse (RPD). « Le produit devenait de moins en moins intéressant d’un point de vue économique. On arrivait à des spécialités à base de mancozèbe pur à 15 €/kg pour une utilisation à 2 kg/ha. Ces produits sont devenus aussi chers que certains fongicides récents », observe Victor Cuisiniez.
Comment remplacer le mancozèbe dans les programmes anti-mildiou ? « Les produits à base de mancozèbe étaient utilisés en début de campagne quand le risque mildiou était encore modéré. Pour une culture de pomme de terre en croissance active, il reste des produits comme Revus, Infinito, Zampro Max, Ranman Top… », énumère Denis Gaucher, spécialiste des maladies de la pomme de terre chez Arvalis. « Nous saurons faire pour le remplacer en début de cycle avec des produits comme Leimay ou Ranman Top, précise Victor Cuisiniez. Mais ces spécialités sont plus intéressantes en fin de cycle car elles sont efficaces sur mildiou du tubercule. »
Utiliser un fongicide différent à chaque traitement
Le mancozèbe est souvent mentionné pour son efficacité sur alternaria. Cette maladie tardive de la pomme de terre reste marginale dans l’Hexagone et, avec le suivi de parcelles réalisé en France et en Belgique, Arvalis a établi qu’elle n’avait pas d’impact significatif sur le rendement.
Pour Pierre Diagouraga, responsable technique de l’ATPPDA (Association technique des producteurs de pomme de terre du département de l’Aube), le mancozèbe était déjà peu utilisé en programme ces dernières années dans le département de l’Aube. « Avec les produits qui nous restent, il faudra éviter de ne pas trop simplifier les programmes fongicides et veiller à utiliser un fongicide au mode d'action différent (code Frac) à chaque traitement. » Cette alternance de fongicides et de modes d’actions des molécules est la meilleure arme pour empêcher le développement de résistance chez le mildiou.
La France est pour le moment assez épargnée par ce phénomène. Denis Gaucher fait le point : « la prudence est de mise avec le fluazinam. Il y a une dérive de sensibilité d’un clone de mildiou (37A2) mais il était en régression en France en 2021 parmi les différentes souches du pathogène. Pour autant, il vaut mieux éviter de mettre trop de fluazinam dans les programmes fongicides et placer cette molécule plutôt en fin de cycle de la culture, associée avec d’autres produits », conseille le spécialiste d’Arvalis.
Il note également que le mode d’action de l’oxathiapiproline (produit Zorvec) est particulièrement favorable à l’apparition de résistance du mildiou. « Le produit est proposé en pack avec de l’amisulbron via Zorvec Enicade. Il faut conserver son utilisation ainsi et ne surtout pas le 'dépacker' car il y a un risque réel d’émergence de résistance en utilisant Zorvec en solo, même si cela n’a pas été décelé en France pour le moment. »
Le produit de biocontrôle limité dans son nombre d’applications
Le produit Pygmalion (phosphonate de potassium) est la nouveauté de l’année en produit phyto sur pomme de terre. Il s’agit d’un produit de biocontrôle conseillé à 2 l/ha en association avec un fongicide à demi-dose pour baisser l’IFT tout en préservant l’efficacité. « Il est limité à trois applications par an et c’est un point faible car on ne peut gagner que 1,5 d’IFT au maximum. Il est dommage de ne pas pouvoir aller au-delà de ce nombre d’utilisations par campagne », juge Denis Gaucher. Autre défaut : son prix de 21 €/ha à 2 l. « Associé à une demi-dose de fongicide comme Ranman Top, on arrive à une application à 33 €/ha alors que le coût de Ranman Top est de 24 €/ha à sa pleine dose d’utilisation. Avec Pygmalion, on ajoute donc un tiers de coût pour une application, calcule Victor Cuisiniez. C’est malgré tout un produit de biocontrôle intéressant dans des programmes engagés en agroécologie imposés par certains cahiers des charges. »
Pierre Diagouraga prévoit l’utilisation de Pygmalion avec un produit haut de gamme de type Revus ou Infinito à pleine dose pour renforcer leur efficacité sur les organes néoformés. « Si l’on a pour objectif de baisser les IFT, l’outil d’aide à la décision Miléos est plus utile », souligne-t-il. Lancé en 2020, l’adjuvant LE 846 permet également de réduire une dose de fongicide de moitié tout en gardant une bonne efficacité. Arvalis le conseille seulement avec le produit Revus sur des variétés assez peu sensibles de pomme de terre.
Le mancozèbe jugé trop toxique
Les autorités européennes ont classé le mancozèbe parmi les substances actives toxiques pour la reproduction. En outre, des effets de perturbateurs endocriniens ont été mis en évidence pour l’être humain. Ces éléments, parmi d’autres, ont conduit au non-renouvellement de l’approbation de cette matière active en Europe, acté fin décembre 2020. L’interdiction d’utilisation de fongicides à base de mancozèbe a suivi pour la campagne 2021-2022.
Des variétés tolérantes pour pallier le retrait de produits
La palette de fongicides anti-mildiou s’amenuise. « Nous n’avons que des produits qui sont limités en nombre d’applications par campagne, ce qui constitue un risque en année de forte pression mildiou. Si l’on enlève encore une ou deux molécules dans les années à venir, cela risque de ne pas tenir sur des variétés de pomme de terre très sensibles comme Agata, observe Denis Gaucher, Arvalis. Des variétés tolérantes existent pour moins dépendre des fongicides. Elles ont connu le baptême du feu en 2021, année de forte pression maladie. Cette tolérance variétale a été validée dans les essais avec des baisses d’IFT et des économies de fongicides à la clé. » Pour l’expert, c’est la solution pour continuer à cultiver de la pomme de terre dans dix ans avec moins de molécules et en préservant mieux l’environnement.
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