Commerce des engrais
Les distributeurs d’engrais dans la tourmente
Il en va des engrais comme des matières premières : leur prix
s’envole. Les distributeurs d’engrais adaptent leur stratégie
commerciale et les fabricants instaurent des quotas de vente.
Mais que se passe-t-il donc dans le secteur des engrais ? « Le prix au producteur a augmenté de 54 % depuis un an sur les trois éléments », commentait Gilles Poidevin, directeur de l’union des industries de la fertilisation (Unifa) début juillet à partir des données s’arrêtant à mai 2008. La situation n’a cessé de s’aggraver depuis cette date. Selon les distributeurs, on constatait mi-juillet une hausse de 80 % du prix de l’ammonitrate en un an et une multiplication par 2,5 à 3 pour le Super 45 et le chlorure de potassium. « Les agriculteurs n’ont pas encore totalement ressenti la hausse des prix car, pour l’instant, ils ont acheté les engrais issus des approvisionnements de début 2008. Ils vont s’en rendre compte sur leurs achats d’azote qui prend actuellement 20 euros par mois », souligne Laurent Pasquier, directeur des appros de la Cavac, en Vendée. Pour l’heure, « nous sommes dans une situation très tendue car les agriculteurs veulent anticiper leur commande, craignant de nouvelles hausses des prix, ce qui créée des ruptures de stock, alors que les stocks de début de campagne sont au minimum, tant chez les producteurs que chez les distributeurs », poursuit Gilles Poidevin.
RÉPARTIR SES ACHATS
« Pour la nouvelle campagne, nos fournisseurs n’ont rien livré d’avance. C’est une situation inédite, explique Fabrice Gaillard, directeur appro pour le groupe Cérégrain (Ain, 69). Ils ne veulent pas anticiper sur les marchés étant donné l’explosion des prix. » Les fabricants d’engrais azotés avaient l’habitude de mettre en marché dès l’été un volume plus important qu’ils n’étaient capables de produire physiquement à cette date, avec des délais de livraison allongés. « Dans un tel contexte haussier, les fabricants ne veulent plus prendre ce risque et vendent désormais au fur et à mesure qu’ils produisent, justifie Nordine Dridi, responsable Nord- Pas-de-Calais du fabricant d’engrais Agriva. Toutes les usines ont leur site de stockage bondé de matières premières. Nous ne pourrons pas en rentrer avant octobre, mais à quel prix ? »
Dans ce contexte, difficile de proposer des prix morte-saison. « Les disponibilités sur le marché physique des engrais sont contingentées. Nous ne maîtrisons pas les volumes et encore moins les prix, se désole Fabrice Gaillard. Notre politique à Cérégrain est de répartir ce volume contingenté auprès de nos adhérents, de sorte que chacun couvre, pour ce début de campagne, 20 % de ses besoins. Nous limitons ainsi le risque et orientons le prix vers une moyenne. » C’est d’ailleurs le conseil que donneFabrice Gaillard aux agriculteurs: « Achetez 20 % de vos besoins dès aujourd’hui et répartissez vos achats sur la campagne. Le prix des engrais pourrait connaître un revirement de situation. » Pour lui, ces prix très élevés vont engendrer une baisse de la consommation d’engrais phosphopotassiques de 20 à 30 %, d’où peut-être un fléchissement des prix à moyen terme. « Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel », rappelle-t-il.
DÉPENDANCE VIS-À-VIS DES IMPORTATIONS
Tout le monde ne partage pas cette analyse. « Aujourd’hui, l’offre mondiale est inférieure à la demande. Et le marché des engrais souffre d’un sous-investissement chronique: pas d’ouverture de mines, pas d’installation de gazoduc », explique Gilles Poidevin.De plus, l’Europe a fermé une grande partie de ses capacités de production d’engrais. Ainsi en France, pour une consommation annuelle de 10 millions de tonnes, les fermetures d’usines des trois dernières années ont réduit la capacité de production d’1 million de tonnes, pour se situer désormais à 5 millions de tonnes. Nous sommes très dépendants de l’import.
PLAN DE FUMURE RESPECTÉ
Nul doute que chacun va être plus attentif aux préconisations indiquées dans les plans de fumure et autres outils d’aide à la décision. Au prix du phosphore et de la potasse, les analyses de sol seront vite rentabilisées ! De plus, les substituts aux engrais chimiques, tels que les effluents d’élevage, les boues, les résidus de culture vont retrouver de l’intérêt. « Il y aura des impasses mais aussi un regain d’intérêt pour les produits qui optimisent les fertilisants en favorisant la vie microbienne du sol », souligne Laurent Pasquier. À commencer par l’amendement calcaire pour corriger l’acidité. ! Nicole Ouvrard (1) 9 % de hausse de livraison pour l’azote, 23 % pour les phosphates et 13 % pour la potasse.