Produits phytosanitaires
La protection des cours d´eau passe par de bonnes pratiques
Produits phytosanitaires
Des expérimentations indiquent qu´il est possible d´améliorer la qualité des eaux par des pratiques réduisant les risques de transfert des produits phytosanitaires.
L´application des produits phytosanitaires peut engendrer une contamination des eaux. Au-delà de 0,1 microgramme par litre de pesticide (0,5 microgramme par litre si on est en présence de plusieurs molécules), l´eau est considérée comme non potable. Il est donc important d´essayer de limiter les risques de pollution. A différentes échelles, des groupes de travail essaient de proposer des solutions. C´est le cas de l´équipe d´Arvalis Institut du végétal, basée à La Jaillère, en Loire-Atlantique. « Nous travaillons à l´échelle de l´exploitation agricole, pour quantifier les risques de pollution diffuse par les produits phytosanitaires et proposer des solutions aux agriculteurs pour réduire ces risques. » explique Alain Dutertre d´Arvalis. « Les parcelles sont cultivées avec du matériel agricole classique. Nous conduisons les parcelles comme le ferait un agriculteur de la région », poursuit-il.
L´efficacité des bandes enherbées sur les flux des produits phytosanitaires est de l´ordre de 85 % lorsqu´elles font 6 m et 95 % lorsqu´elles font 12 m. ©E. Bourgeais |
Des conduites culturales représentatives
Les conduites culturales sont représentatives des systèmes de polyculture élevage avec des successions de prairies temporaires, du maïs et du blé. « Le transfert des produits phytosanitaires dans l´eau à l´échelle parcellaire est relativement faible au regard des quantités appliquées mais des pics de concentration sont observés dans les semaines qui suivent l´application », précise Alain Dutertre. Pour limiter ces risques de pollution, l´équipe de La Jaillère propose des solutions. En période de drainage, mieux vaut éviter de traiter juste avant un épisode pluvieux. Juste après une application, une pluie drainante génère un pic de concentration élevé. En 1999, dans les conditions d´expérimentation de La Jaillère, des mesures ont montré que si une pluie intervient quatre jours après l´application, la concentration d´isoproturon atteint 220 microgrammes par litre, alors que si elle intervient 22 jours après l´application, elle est de 2 microgrammes par litre.
De plus, l´expérimentation montre que la réduction des doses permet une forte réduction des transferts par drainage. En 1999 une application d´isoproturon à demi-dose a entraîné dix fois moins de pertes par drainage que la dose pleine. Le remplacement d´une molécule mobile, comme l´isoproturon, par une molécule moins mobile permet une diminution des transferts. En 2001, l´utilisation du prosulfocarbe conduit à un flux cinq fois plus faible que celui de l´isoproturon dans les eaux de drainage et deux fois plus faible dans les eaux de ruissellement. L´expérimentation montre aussi qu´un semis perpendiculaire à la pente réduit les volumes ruisselés de 60 à 80 % par rapport à un semis dans le sens de la pente. Enfin, les bandes enherbées apparaissent efficaces pour piéger et épurer les eaux de ruissellement. « Grâce aux bandes enherbées, on peut réduire considérablement les transferts, surtout sur des parcelles non drainées. L´efficacité des bandes enherbées sur les flux de produits phytosanitaires est de l´ordre de 85 % lorqu´elles font six mètres de large et 95 % lorsqu´elles font douze mètres de large » poursuit Alain Dutertre.
Réduire les risques à plus grande échelle
Si, à l´échelle de l´exploitation, les solutions proposées par La Jaillère semblent efficaces, il est intéressant également de vérifier s´il est possible de réduire les risques à plus grande échelle. Dans cette optique, le Cemagref de Bordeaux et la Fredon Poitou-Charentes, syndicat professionnel agricole, se sont intéressés de près au bassin versant du Ruiné, depuis 1991. Des enquêtes réalisées auprès des agriculteurs ont permis de définir les pratiques phytosanitaires du bassin versant. Deux matières actives herbicides prédominent et représentent plus du tiers des apports : le glyphosate et l´atrazine, interdite depuis 2003. Les mesures et les relevés effectués montrent que la pluviométrie est un facteur prépondérant de l´entraînement des molécules phytosanitaires vers les eaux superficielles. En 1994, la pluviométrie était de 1198 millimètres et 0,54 % de l´atrazine apportée s´est retrouvée dans l´eau alors qu´en 1996, la pluviométrie était de 730 millimètres et 0,05 % de l´atrazine apportée a été exportée, soit dix fois moins.
Cette année, sept agriculteurs du bassin versant ont signé des CAD. Ainsi, dès l´année prochaine il sera possible de quantifier l´impact des pratiques culturales sur la qualité des eaux.
Autre bassin versant, celui de la Fontaine du Theil, en Ille-et-Vilaine. Ce bassin versant est situé dans une région de polyculture élevage où des résidus de produits phytosanitaires et de fertilisants sont retrouvés dans les eaux de surface. Depuis 1998, de nombreuses actions visant à améliorer la qualité des eaux ont été mises en place sur ce bassin versant : reconstitution des talus et des haies, création de locaux de stockage des produits et aires de remplissage, travail du sol perpendiculaire à la pente, installation de cuve de rinçage sur les pulvérisateurs. Un travail d´accompagnement a permis aux agriculteurs de diminuer les doses de certains produits, comme l´atrazine. Les résultats sont très encourageants.
Les flux de triazines et d´acétanilides ont très nettement baissé depuis le début de l´action et sont devenus très faibles. Les flux de glyphosate ont légèrement augmenté mais ils semblent globalement corrélés à des utilisations ponctuelles et à des pratiques liées à la substitution d´autres substances actives.
Dans l´ensemble, les quantités appliquées ont diminué et en 2003, dans 37 % des échantillons, les produits phytosanitaires n´ont pas été retrouvés au-delà du seuil de détection. Ces résultats prouvent que l´investissement et les efforts des agriculteurs, impliqués et motivés, ont largement porté leurs fruits.