Gare à l’invasion de biodiesel argentin
Pour se mettre en conformité avec l’OMC, Bruxelles va baisser les droits de douane sur le biodiesel argentin... Ce qui n’est pas du goût de la filière biocarburant européenne.
L’abaissement drastique des droits de douane appliqués au biodiesel argentin risque de faire mal à la filière biocarburant européenne. La décision a été prise le 7 septembre par le Comité de défense commercial européen. Elle fait suite à la mise en place depuis 2013 d'importants droits de douane (22 à 25 %) sur le biodiesel argentin, une mesure anti-dumping condamnée par un panel à l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Cette mesure s’était pourtant révélée salvatrice pour les industriels européens, puisqu’auparavant, l’Union importait 2,5 millions de litres de biodiesel par an (d’Argentine mais aussi d’Indonésie) contre 0,5 million de litres aujourd’hui. Conséquence : « cinq bateaux argentins déjà chargés vont arriver rapidement sur le territoire européen, a prévenu Arnaud Rousseau, président de la Fop (producteurs d’oléoprotéagineux) et d’Avril (spécialiste des huiles et protéines), en conférence de presse à Paris le 14 septembre. On va voir arriver du biodiesel à des prix inférieurs à celui de la graine en Europe ». Pour témoigner de l’unité des producteurs, le syndicat a pour l’occasion fait venir des représentants de l’Ufop, homologue allemand de la Fop : « Nous sommes bien d’accord avec la France pour que l’on empêche les importations de biodiesel étranger », a confirmé Wolfgang Vogel, son président.
Enclencher au plus vite une procédure « anti-subvention »
Les responsables sont d’autant plus agacés que les États-Unis ou le Pérou ont mis en place le même type de mesures… et les maintiennent. « Nous demandons une procédure fast-track anti-subvention », a expliqué Arnaud Rousseau. Elle servirait à dénoncer de façon plus acceptable pour l’OMC la politique de l’Argentine. En l’occurrence, le pays « pratique la différenciation de ses taxes à l’exportation, taxant plus les graines que l’huile et le produit fini (biodiesel) », décrit Claude Soudé, de la Fop dans une note. Le dispositif, qui encourage l’export du biocarburant, pourrait donc être considéré comme une subvention aux exportations.
Cependant, le dossier, qui nécessite d’être porté par Bruxelles, risque de ne pas être facile à monter. Or, « l’industrie européenne ne va pas pouvoir supporter longtemps ces arrivages », a signalé Arnaud Rousseau. Rappelons qu’en 2016, Avril a perdu 40 millions d’euros sur ses activités de trituration et d’estérification.