États-Unis : le filet de sécurité des soutiens contracycliques toujours opérationnel
Avec ses paiements contracycliques à la carte depuis 2014, le dispositif américain de soutien aux farmers fait souvent envie aux producteurs européens. Si le Farm Bill est actuellement en renégiociation, les grands principes aujourd'hui en vigueur ont des chances d'être maintenus.
Les États-Unis n’en font pas mystère : ils protègent leurs farmers des mauvais coups du marché mondial. Le filet de sécurité paraît aujourd’hui moins important que dans les années 80 : selon l'OCDE, l’estimation des soutiens aux producteurs n’a représenté que 9 % de la valeur des recettes agricoles brutes contre 21 % en 1986-1988. Mais il ne faut pas se laisser tromper par les chiffres : « Depuis 2002, ce déclin s’explique surtout par la hausse des cours mondiaux des produits de base, car nombre de programmes de soutien agricole sont contracycliques par rapport aux prix du marché », souligne le rapport 2017 de l’OCDE sur l’évaluation des politiques agricoles dans le monde. Et il est fort possible que les toutes dernières campagnes changent la donne.
Des couvertures pour la perte de revenus ou pour la baisse des prix
Selon les rapports de l’office du budget du Congrès américain, le Farm Bill a coûté 90 millions de dollars de moins que prévu sur la période 2014-2018… Mais c’est grâce à une baisse des dépenses dans les programmes d’aide alimentaire. Car sur le volet des commodités agricoles, le budget réel a augmenté de 16,7 millions de dollars. Or c’est dans cette catégorie que se trouvent les programmes ARC (Agriculture risk coverage) et PLC (Price loss coverage), les deux principaux outils d'aide aux farmers.
L’ARC protège les exploitants d’une baisse de leur revenu si celui-ci descend sous un seuil de réference. Dans le Farm Bill 2014, plusieurs formules étaient proposées mais les agriculteurs ont le plus souvent opté pour l’ARC Comté : la couverture intervient lorsque le revenu moyen de l’année sur le comté pour une culture donnée est inférieur à 86 % de la référence pour cette même culture, toujours au niveau du comté. Les cultures en sec et en irriguées sont séparées. L’indemnité est versée en fonction de la surface qu’occupe la culture sur la ferme, dans la limite de 10 % de pertes. Le PLC ne tient pas compte de l’évolution des rendements sur l’année, seulement des prix. L’agriculteur est indemnisé si le prix moyen pour l’année calculé au niveau national passe sous un prix de référence fixé par la loi. Le calcul du soutien intégre la surface de la culture sur la ferme et son rendement historique. Dans le dernier Farm Bill (2014-2018), signé après une période de cours très fastes, les prix de références ont été fortement relevés : + 32 % pour le blé à 217 dollars la tonne, + 40 % pour le maïs à 146 dollars et + 87,5 % pour l’orge à 195 dollars la tonne. Plutôt enclins à croire à la bonne santé des prix, les farmers, qui devaient choisir entre les deux systèmes, ont souvent privilégié l’ARC Comté, en particulier pour le maïs et le soja. Mais cela risque de changer dans le prochain Farm Bill.
Pas de changements fondamentaux annoncés dans le prochain Farm Bill
A priori, l’office du budget du Congrès table sur une forte hausse des budgets liés aux PLC pour la prochaine période : de 2,1 milliards de dollars sur 2017 contre près de 6 milliards pour le programme ARC, les dépenses passeraient respectivement à 5 milliards et 413 millions de dollars en 2022. La nouvelle mouture du Farm Bill est actuellement en renégociation. Une première copie adoptée début avril par la commission agriculture de la Chambre des représentants a proposé de renforcer ces filets de sécurité, en particulier le PLC. Les prix de référence seraient ajustés en cas d’amélioration des marchés. Et les agriculteurs affectés par des sécheresses sévères entre 2014 et 2018 se verraient autorisés à modifier leurs rendements de référence. Cette première version a été pas mal chahutée depuis mais les défenseurs des farmers vont mettre en avant des baisses des revenus de 52 % depuis les plus hauts de 2013.
Néanmoins, les soutiens contracycliques ne sont pas du goût de tous. Tout en reconnaissant la pertinence d’aider les exploitants à mieux gérer leurs risques, une organisation comme l'OCDE reste critique sur ces dispositifs. Selon elle, « ces instruments de gestion des risques devraient être évalués pour que les risques qui devraient être pris en charge par les agriculteurs ne soient pas transférés au budget public ».
Du soutien aux primes d’assurance
L’État a également développé des soutiens aux primes d’assurance, subventionnées à hauteur de 60 % en moyenne comme le rappelle une note publiée en octobre 2014 par le centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture. Celles-ci couvrent en général 75 % de la récolte ou du chiffre d’affaires, le programme ARC servant à gérer la différence. Là aussi, cette enveloppe devrait être maintenue dans la prochaine loi : comme le dit la commission agriculture de la Chambre des représentants dans son document de présentation, « le Farm Bill honore l’un des messages les plus forts et les plus cohérents recueillis dans les campagnes : ne faites pas de mal aux assurances récolte ». Toujours présents dans la panoplie des outils de soutien du gouvernement américain, les marketing loans n’occasionnent quant à eux quasiment plus de dépenses compte tenu des taux fixés par le Congrès.