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Désherbage maïs : comment s’adapter aux restrictions d’usage du S-métolachlore ?

Les herbicides à base de S-métolachlore, très utilisés sur maïs, sont visés par des restrictions en raison de la présence de la molécule dans les eaux. Cela impose d’adapter sa stratégie de désherbage.

Les produits de post-levée sont des alternatives à l'utilisation du S-métolachlore, mais avec davantage de risque de résistance des graminées.
Les produits de post-levée sont des alternatives à l'utilisation du S-métolachlore, mais avec davantage de risque de résistance des graminées.
© S. Leitenberger

« Pour protéger l’eau, nous demandons l’interdiction du S-métolachlore ! » L’association Eau & Rivières de Bretagne faisait cette requête en mai 2021 au préfet de région. Le S-métolachlore est une molécule à action racinaire à la base de plusieurs herbicides très utilisés, principalement sur maïs. Il présente l’atout d’être efficace sur des graminées délicates à contrôler. Revers de la médaille : la molécule ainsi que ses métabolites se retrouvent dans les eaux superficielles et souterraines.

Le Comité de suivi des autorisations de mise en marché (CSAMM) de l’Anses a émis un avis le 23 septembre 2021 proposant de réduire à 1 000 g/ha/an l’application de S-métolachlore pour les cultures de maïs, soja, tournesol, sorgho (au lieu de 1 250 g/ha). Autres recommandations : une ZNT de 20 mètres incluant un dispositif végétalisé permanent (DVP) pour protéger les eaux de surface et une interdiction sur les parcelles drainées en période d’écoulement des drains.

Le comité y ajoute la demande d’un renforcement des mesures d’atténuation des transferts hydriques, en particulier dans des périmètres spécifiques de protection des eaux comme les aires d’alimentation de captages. Dans la foulée, l’agence a modifié les AMM de différents produits à base de S-métolachlore en suivant les avis du CSAMM. « Les doses AMM de Dual Gold Safeneur et d’Infinor-S passe à 1,09 l/ha, celle de Mercantor Gold ou Amplitec à 1,04 l/ha et celle de Camix à 2,5 l/ha », indique Arvalis.

Problème : à 1 000 g/ha, la molécule perd de son efficacité sur les graminées estivales panic, sétaires et digitaires (PSD). « Une application de Dual Gold Safeneur à 1,09 l/ha s’avère insuffisamment efficace, confirme Arvalis. En prélevée ou post-levée précoce, son association avec Isard à 1,2 l/ha ou Adengo Xtra à 0,33 l/ha ramènera l’efficacité à un niveau satisfaisant. » L’institut met également en avant la bonne performance des mélanges Camix 2,5 l + Isard 1 l ou Dakota 3 l et d’Alcance Sync Tec 2 l + Merlin Flexx 1,7 l. « Mais ce dernier est insuffisant contre le ray-grass, contrairement aux autres mélanges », souligne l’institut.

 

 
Les graminées estivales comme la sétaire sont efficacement contrôlées par les produits à base de S-métolachlore.
Les graminées estivales comme la sétaire sont efficacement contrôlées par les produits à base de S-métolachlore. © C. Gloria

 

Syngenta est la société phytosanitaire commercialisant le plus grand nombre de produits contenant le S-métolachlore (Mercantor Gold, Dual Gold Safeneur, Camix…). La firme met en avant la capacité de la substance active à briser les résistances dans la rotation culturale. « Le S-métolachlore est efficace sur des graminées devenues résistantes à d’autres herbicides », confirme Didier Bruxelle, chef de produit herbicide maïs et cultures de printemps chez Syngenta en France. La firme avait devancé la décision de l’Anses en recommandant dès 2020 les pratiques rendues obligatoires en 2021 par l’agence sur les produits à base de S-métolachlore.

Désherbages post-levée ou mécanique comme solutions alternatives

« Le renouvellement de l’approbation de notre molécule au niveau européen est prévu pour 2023 ou 2024. Pour envisager une issue positive sur cette réinscription, il faut se donner les chances de diminuer les détections dans les eaux, souligne Didier Bruxelle. Dans les périmètres d’aires d’alimentation de captages prioritaires, nous recommandons de ne pas utiliser d’herbicides à base de S-métolachlore car nous savons que cette molécule pose des difficultés aux acteurs de l’eau pour respecter les normes en eau potable. Par ailleurs, notre outil Quali’Cible porte toutes ces recommandations. » Syngenta propose comme solution alternative le recours au désherbage mécanique ou des programmes à base d’herbicides de post-levée.

Avec son importante surface en maïs, l’Alsace fait partie des régions à risque pour la qualité de l’eau. « Le S-métolachlore est de plus en plus quantifié dans les eaux avec une détection dans 21 % des points de mesure alsaciens, précise François Alves, conseiller à la chambre d’agriculture d’Alsace et animateur captage. Avec de nombreux organismes, nous avons signé en juin 2019 une convention de partenariat qui définit des objectifs concrets. Elle inclut une réduction de 40 % de l’usage des herbicides d’ici fin 2022 sur les 19 aires d’alimentation de captage que compte l’Alsace. » Un plan d’actions a été défini et validé avec les agriculteurs pour la promotion de cultures peu ou pas consommatrices de S-métolachlore (blé, fourrage…), du désherbage mécanique, de l’agriculture biologique…

Des stratégies de substitution plus coûteuses

« Sur l’aire de captage de Jebsheim, à l’est de Colmar, les agriculteurs se sont engagés à se passer du S-métolachlore sur maïs pour opter plutôt pour des stratégies de désherbage de post-levée avec des produits au grammage de substances actives moins élevé (Monsoon Active/Mondine, Elumis, Capreno…), précise François Alves. Mais ces alternatives au S-métolachlore ont un coût plus élevé à l’hectare. »

Le conseiller annonce une forte baisse d’usage de cette molécule sur les 1 330 hectares concernés par le captage de Jebsheim : « nous sommes passés d’une quantité de substance active de 786 kg en 2017-2018 à 143 kg en 2020-2021 pour le S-métolachlore (1 367 kg à 660 kg pour le tonnage total d’herbicide) ». Dans cette zone de plaine, cette évolution a été permise par le développement du désherbage mécanique ainsi que par le changement d’herbicides et le développement des surfaces de fourrage. « Dans d’autres aires de captage au relief accidenté, le désherbage mécanique est difficile à mettre en œuvre. En revanche, la culture du blé a davantage sa place dans les assolements que dans la plaine d’Alsace », précise le technicien.

Le dmta-p également soumis à des restrictions d’usage

La présence de S-métolachlore dans l’eau est également prise en compte dans les Pays de la Loire. « Dans les zones prioritaires de captage, nous suivons déjà les recommandations de la firme de ne pas l’utiliser. C’est important pour préserver la matière active de restrictions plus fortes ou d’interdiction, explique Jérôme Jacq, référent maïs fourrage à la chambre d’agriculture régionale. Des solutions alternatives de prélevée ou de post-levée existent. Mais l’Isard (dmta-p) est lui aussi soumis à des recommandations de la firme (BASF) fixant une dose plafond à ne pas dépasser sur deux ans. Par ailleurs, nous mettons en avant le désherbage mécanique. L’offre en équipement devient très large et de plus en plus d’exploitations conventionnelles s’équipent. »

Un document Ecophyto sur les alternatives et solutions pour un meilleur usage du S-métolachlore relaie le témoignage d’agriculteurs comme Jean-Philippe Maillard, polyculteur-éleveur à Pornic (Loire-Atlantique). « Depuis 2004, nous faisons du binage sur maïs systématiquement, à 8-10 feuilles juste avant que le sol soit bien couvert. Avant ce binage, au stade ‘4 feuilles’, un désherbage chimique est réalisé à base de nicosulfuron et mésotrione. Nous prêtons beaucoup attention à cet unique passage chimique afin qu’il soit réussi. »

Malheureusement, la façade océanique est confrontée à la présence de populations de sétaires et de digitaires sanguines résistantes aux herbicides inhibiteurs de l’ALS, parmi lesquels le nicosulfuron. « Vis-à-vis des graminées estivales, le levier le plus puissant consiste à couper la succession de cultures d’été en intercalant au moins une à deux cultures semées à l’automne entre deux maïs, conseille Arvalis. Un labour occasionnel, tous les quatre ans, positionné avant maïs contribuera aussi à réduire le stock semencier en enfouissant les graines de panic, sétaires et digitaires. »

CHIFFRES CLES

Un usage concentré sur le maïs

11 % des surfaces de grandes cultures reçoivent des produits à base de S-métolachlore, chiffre stable depuis trois ans.

70 % du S-métolachlore est utilisé sur maïs. En grandes cultures, des produits sont autorisés sur tournesol, sorgho, soja et betterave.

Depuis 2018, des herbicides génériques (Déluge 960C, S-Metolastar, Amplitec C…) contenant cette molécule sont commercialisés par d’autres sociétés que Syngenta.

Entre 1 200 et 1 300 g/ha : c’est la dose moyenne de S-métolachlore utilisée (hors betterave où la dose maximale autorisée est de 576 g/ha).

Le S-métolachlore appartient à la famille des chloroacétamides, qui a déjà vu l’interdiction d’autres herbicides sur maïs comme l’acétochlore.

Données Syngenta

Une présence dans l’eau trop fréquente

 

 
Le S-métolachlore et ses métabolites se retrouvent en quantité dans les eaux superficielles.
Le S-métolachlore et ses métabolites se retrouvent en quantité dans les eaux superficielles. © D. Poilvet
Le S-métolachlore est une substance active soluble dans l’eau et avec un faible coefficient d’absorption sur les sols, d’où sa présence régulière dans les eaux superficielles des régions où le maïs est largement cultivé. C’est l’une des principales molécules retrouvées dans les nappes parmi celles encore utilisées sur les cultures. De fortes quantités de molécules de dégradation du S-métolachlore sont également détectées. Deux de ces métabolites se placent ainsi à la deuxième et quatrième place des molécules phyto retrouvées dans les eaux superficielles en 2017 dans les Pays de la Loire. Ces produits sont persistants dans l’eau, ce qui pose problème pour les filières de traitement de l’eau.

 

Restrictions d’usage et interdictions pour trois molécules

Pour limiter les risques de transfert vers les eaux, BASF recommande une dose maximale de 864 g/ha par an de dmta-p (= 1,2 l/ha d’Isard ou 4 l/ha de Dakota) ou de 1152 g/ha sur deux années consécutives sur les aires d’alimentation de captages prioritaires. Couramment utilisé dans des associations d’herbicides pour lutter contre des dicotylédones, le bromoxynil disparaît définitivement du marché. Quant à la mésotrione, la révision de son classement se traduit par une modification des AMM pour de nombreux produits, avec des usages qui évoluent vers davantage de restrictions, notamment en matière de possibilité de mélanges avec d’autres spécialités.

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