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Des projets en houblon partout en France

Les surfaces de houblon progressent à la faveur d’une consommation en hausse et d’une offre française au rendez-vous. Pour assurer sa croissance, la filière se structure.

Le houblon est une plante grimpante gourmande en eau et en nutriments. © Agra nova
Le houblon est une plante grimpante gourmande en eau et en nutriments.
© Agra nova

Le houblon revient de loin. En 2010, une crise sans précédent divise par deux les surfaces cultivées, concentrées en Alsace. Les pays concurrents de la France (Allemagne et USA en tête) conquièrent les marchés. Dix ans plus tard, la filière française connaît un véritable regain et les producteurs replantent, depuis 2015. On reste loin des 800 hectares de l’époque mais la progression est à deux chiffres. Les surfaces approchaient les 450 hectares en 2018. La raison de cette nouvelle success story ? En premier lieu, le boom des microbrasseries et la multiplicité des nouvelles variétés de houblon.

Les houblons étrangers en masse

« Le marché des bières artisanales utilise davantage de houblon que le marché traditionnel », commente Jacqueline Lariven, chez Brasseurs de France. Couplé à la hausse de la consommation de bière, ce phénomène entraîne une pénurie de certaines variétés de houblon dans le monde. Car il est l’ingrédient indispensable à la fabrication de la bière. « Aujourd’hui, de nombreux projets voient le jour en France », confirme Antoine Wuchner, secrétaire général de l’Association générale des producteurs de houblon de France (AGPH). « Des brasseries n’hésitent pas à planter elles-mêmes leurs propres variétés », indique Jacqueline Lariven.

La production sort désormais de son berceau historique, l’Alsace, pour gagner la plupart des régions françaises où cette culture n’existait pas : Bourgogne, Auvergne, Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Normandie, Bretagne… L’Alsace concentre encore l’immense majorité des surfaces françaises (95 %), suivie de très loin par le Nord (4 %) avec une quarantaine d’hectares. « Les brasseurs recherchent des matières premières produites localement. En France, la demande des brasseries est globalement plus forte que l’offre des producteurs », souligne Antoine Wuchner. Pour les producteurs français, c’est un boulevard : 80 % des bières produites en France sont réalisées avec des houblons étrangers.

L’acide Alpha, la clé du succès français

Les variétés cultivées par les Français ont un atout : elles sont aromatiques et leur palette d’arômes est diversifiée. À l’inverse des houblons amérisants, les houblons aromatiques français permettent de répondre aux nouvelles tendances de consommation. Leur teneur en acide Alpha, l’indicateur de l’amertume du houblon, est relativement faible. Cela permet en revanche d’exprimer des arômes spécifiques recherchés des biérologues, en particulier pour les bières spéciales et les bières de spécialité. « Cet atout permet à nos clients brasseurs de produire des bières uniques et se différencier sur un marché fortement concurrencé », note Antoine Wuchner. Les notes florales, épicées, de menthe ou de citron que l’on découvre en buvant une bière sont l’expression des houblons aromatiques, pas d’un arôme rajouté ! Élément d’importance : les bières spéciales et de spécialités représentent 67 % des bières françaises en volume.

Si l’offre française est ainsi adaptée au marché, c’est grâce à un plan de recherche variétal lancé en 2000, qui a permis de mettre sur le marché les variétés ad hoc. La variété Aramis a été inscrite en 2012, rapidement suivie par Triskel, qui se distingue par des touches florales et d’agrumes, et Barbe rouge, qui dégage des arômes de fruits rouges. Une autre variété, Mistral, développe des notes de fruit de la passion. La toute dernière issue de ce plan de recherche, Elixir, est très prometteuse. « Historiquement, l’Alsace cultivait une unique variété, le Strisselspalt, reconnue pour son arôme doux et équilibré, explique Antoine Wuchner. Aujourd’hui, on dénombre quinze variétés. L’enjeu est de convaincre les houblonniers de planter ces nouvelles variétés. Certaines sont moins performantes que d’autres et une plantation représente un niveau d’investissement important, alors qu’il faut deux ans avant une première production. Il faut trouver des systèmes qui permettent aux houblonniers de ne pas trop souffrir de cette situation et de pérenniser par la suite leur revenu. » 85 % de la production alsacienne fait l’objet d’une contractualisation. Mais la plupart des nouveaux houblonniers ne sont pas en Alsace. À l’instar de Benoît Lamy, agriculteur à Mézidon Vallée d’Auge dans le Calvados, ils doivent faire certifier et commercialiser leur production eux-mêmes. Ce producteur de grandes cultures vient de planter un peu plus d’un hectare de houblon bio. Il n’est pas inquiet pour les débouchés. « Je suis contacté par des brasseurs locaux, qui me laissent des messages tout le temps », se réjouit-il.

Le bio bouscule le marché

Le bio, c’est l’autre atout de la production française. En 2021, l’Alsace comptera 65 hectares de houblon bio et 80 hectares en 2022. « Fin 2021, les brasseurs ne pourront plus fabriquer de la bière bio avec du houblon conventionnel mais uniquement avec du houblon bio. Cela nous pousse aussi à nous reconvertir pour répondre à la demande, qui est déjà très forte, en particulier en France », indique Antoine Wuchner. Reste que le houblon bio nécessite une omniprésence et une main-d’œuvre accrue – 450 heures par hectare au lieu des 250 en conventionnel. Le houblon est une plante fragile. C’est pour cela que la rémunération du producteur est au rendez-vous. « Le rendement en bio est inférieur de 20 % environ mais le prix de vente est le double. » Suite au succès français, les Allemands et les Américains, qui représentent les trois quarts du marché mondial, emboîtent le pas, avec une surface dédiée au bio de 350 hectares.

Pour préparer l’avenir, une interprofession vient d’être mise sur pied. Baptisée InterHoublon, elle réunit producteurs, négociants et transformateurs. Objectif ? « Construire et pérenniser la filière houblon dans l’intérêt commun de ses membres. » Il s’agit de maîtriser le développement de la filière, et surtout éviter les écueils qui ne manqueront pas de se dresser sur le marché du houblon. Les producteurs historiques les connaissent bien ! « Le houblon répond à la loi de l’offre et de la demande. Le marché reste donc très volatil et le marché français n’influe pas, ou peu, sur le marché mondial. La production française ne représente que 0,7 % du marché mondial, rappelle Antoine Wuchner. À nous de mettre en place des mécanismes qui permettraient aux acteurs du marché de se développer de manière pérenne. » Le développement des productions et leur contractualisation seront les premiers chantiers de la nouvelle interprofession.

En chiffres

870 t de houblon français en 2019 (moins de 1 % de la production mondiale)

1,5 t/ha de rendement en moyenne durant 15 ans

8 millions d'€ de chiffre d’affaires estimé pour la filière

12 000 €/ha minimum comme objectif de revenu pour un coût de revient de 7 000 à 8 000 €/ha selon les niveaux d’investissement. Ceux-ci avoisinent les 90 000 €/ha.

Avis de producteur : Patrigh Korneg, un des artisans du renouveau de la production hexagonale, vient de créer une houblonnière à Pont-l’Abbé en Bretagne

« Du houblon en Bretagne »

 
« Les projets de houblonnières sont très longs à monter. Ça fait deux ans que je suis sur mon projet. Les investissements sont importants, entre 15 000 et 25 000 euros par hecatre, en fonction de la hauteur et des équipements. Pour travailler le sol le moins possible — je suis en production bio — j’ai semé un mélange ray-grass anglais/fétuque/trèfle blanc/trèfle hybride/chicorée, sur lequel j’ai implanté mes rangs de houblon. Ce couvert sera entretenu par des broyages. Fin 2019, j’ai planté 2 hectares et j’en replante 2 autres ce printemps. En 2020, je table sur une récolte de 150 kilos. En rythme de croisière, la production devrait atteindre 1 tonne. Compte tenu de la proximité de la mer et de la force du vent, j’ai choisi de monter les plants à 5 mètres de hauteur et j’ai sélectionné les variétés en conséquence. J’ai retenu des variétés françaises alsaciennes, qui possèdent des qualités aromatiques recherchées : Barbe rouge, Mistral, Kristel, Bouclier. Ces variétés sont développées par Comptoir agricole, avec qui j’ai signé un contrat de production. Les brasseurs sont demandeurs de variétés qui permettent d’obtenir des bières de saveurs différentes, mais aujourd’hui 80 % des bières produites en France sont réalisées avec des houblons étrangers. Mon idée est de proposer du houblon bio produit en Bretagne aux brasseurs bretons. La Bretagne est la troisième région brassicole de France, avec 180 brasseries. L’identité y est particulièrement importante et l’estampille Made in Bretagne est un atout. Les brasseurs recherchent des approvisionnements locaux. C’est déjà possible avec le malt breton. Pour le houblon, une filière régionale se constitue. Deux autres collègues ont déjà démarré leur production. »

« S’assurer de la viabilité du modèle »

En région Nouvelle-Aquitaine, la demande en houblon est forte et une filière régionale a vu le jour sous l’impulsion d’une jeune entreprise, Hopen. Pour sa cofondatrice, Fanny Madrid, la culture pourrait s’étendre jusqu’à 100 hectares.

Pourquoi créer une filière houblon dans votre région ?

Fanny Madrid - « Le houblon est une culture à haute valeur ajoutée mais extrêmement technique. Nous observons une très forte appétence pour la culture, en particulier en bio. Pas une semaine ne se passe sans que nous soyons sollicités par des brasseurs et les prix de vente sont extrêmement élevés. Ils se situent en moyenne entre 20 et 25 euros le kilo à l’horizon cinq ans. Pour satisfaire la demande, nous estimons à 100 hectares la surface en houblon à l’horizon cinq ans. Notre entreprise, Hopen, accompagne les porteurs de projets et agriculteurs souhaitant planter du houblon. »

Comment cela se concrétise-t-il ?

F. M. - « Hopen s’assure de la viabilité du modèle et s’attache à diminuer le risque. Une Cuma dédiée au houblon vient de voir le jour dans le Lot-et-Garonne, qui permet de limiter les investissements matériels. Nous tentons également d’adapter les séchoirs à prunes ou à semences pour le houblon. Les premiers essais réalisés en 2019 sont prometteurs. Disposer d’un séchoir performant et d’un bon trieur mécanique est primordial pour la qualité du produit fini. Des essais variétaux sont également conduits pour confirmer l’adaptation des variétés au contexte pédoclimatique. Ce qui bloque aujourd’hui, c’est le financement des agriculteurs. Les banques sont encore frileuses et nous effectuons un vrai travail de lobbying pour les décider et débloquer des aides à l’installation. »

Que dites-vous à un porteur de projets ?

F. M. - « Nous conseillons une installation sur une surface minimale de 3 hectares car cette culture requiert du temps, des investissements importants et du matériel spécifique. L’investissement de départ varie entre 120 000 et 150 000 euros, dont un minimum de 80 000 euros pour le matériel : atomiseur, récolteuse, séchoir, chambre froide. Le reste correspond à la plantation et à l’irrigation. »

Propos recueillis par Charles Baudart

Pas de houblon, pas de bière

 

Le houblon est une plante herbacée vivace, grimpante, qui monte entre 2 et 5 mètres en s’enroulant dans le sens des aiguilles d’une montre. La plante est maintenue par des poteaux et une sorte de toile de fil de fer aux mailles très larges. Le houblon aime les sols meubles et frais, de pH neutre. C’est une plante gourmande en eau et en nutriments : en juin, sa croissance peut atteindre 30 centimètres par jour.

Les fleurs apparaissent sur les pieds femelles de juin à septembre et la récolte a lieu de fin août à début septembre. Les lianes sur lesquelles poussent les cônes sont coupées puis passées dans une récolteuse, en poste fixe. Les fleurs — appelées cônes — sont séchées et conditionnées, généralement en pellets, puis conservées au froid pour préserver leur qualité. Le houblon est un ingrédient indispensable au process de fabrication de la bière, utilisé à petite dose. 100 à 200 grammes de fleurs de houblon permettent d’aromatiser 100 litres de bière. Les huiles essentielles contenues dans les cônes vont apporter à la boisson son goût typique, un peu amer. Le houblon assure une longue conservation naturelle de la bière, grâce à ses facultés antioxydantes. C’est aussi lui qui donne son nom à la bière : sans houblon, la bière s’appelle une cervoise !

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