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Cultures dérobées : quelles conditions réunir pour les implanter ?

Soja, tournesol, sarrasin, maïs, sorgho… ces espèces peuvent se cultiver en dérobé après la récolte précoce d’une culture d’hiver. Plusieurs conditions doivent être réunies pour leur réussite : disponibilité en eau, température et temps de travail.

En culture dérobée, le soja réussit bien à condition de pouvoir l'irriguer du semis au début de l'automne.
En culture dérobée, le soja réussit bien à condition de pouvoir l'irriguer du semis au début de l'automne.
© T. Devulpillières

Ressource en eau abondante, températures douces : les conditions météo seraient-elles idéales pour le semis d’une culture dérobée ? « Nous avons 10 à 15 jours d’avance par rapport à des cycles végétatifs normaux, constatait courant avril Sylvain Hypolite, responsable recherche et développement chez Agro d’Oc. C’est très favorable aux doubles cultures dans notre secteur du Sud-Ouest. » Une récolte précoce des cultures d’hiver est à prévoir, propice pour semer tôt une culture dérobée. Mais la disponibilité en eau durant l’été conditionne la réussite de ce genre de culture.

Le Sud-Ouest concentre la quasi-totalité des cultures de vente en dérobé (hors Cive et fourrage). Outre l’eau, il faut suffisamment de degrés jours pour permettre un cycle court et rapide de végétation et une récolte pas trop tardive à l’automne. Soja, tournesol, voire maïs, sorgho, millet, sarrasin ou encore cameline : plusieurs espèces à cycle court peuvent se prêter à la culture en dérobé. Mais le soja est majoritaire, particulièrement dans le Sud. « Pour le soja, la somme de température nécessaire à l’atteinte du stade de maturité physiologique n’est pas obtenue chaque année au nord de la Nouvelle-Aquitaine comme nous avons pu le constater dans l’étude 3C2A(1) », observe cependant Nicolas Ferrand, de la chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine.

Après une culture récoltée suffisamment tôt

Quel précédent cultural est le plus favorable à une culture dérobée ? « Dans les parcelles que nous avons suivies dans le cadre de 3C2A, plus d’un tiers était cultivé en orge d’hiver avant le semis de la culture dérobée », remarque Nicolas Ferrand. Cette céréale a l’avantage de pouvoir être récoltée tôt. « Le colza semences présente également cet atout, ainsi que le pois qui, en outre, apporte de l’azote à la culture qui suit. » Mais le protéagineux est de moins en moins cultivé. Il est moins choisi qu’une orge d'hiver, car il est souvent positionné avant un blé ou un colza dans une rotation culturale. Malgré tout, pour Sylvain Hypolite, « le pois d’hiver est un excellent précédent à tournesol pouvant être semé à la mi-juin. Des agriculteurs cultivent aussi du blé de force très précoce (variété Izalco CS…), propice à la culture de soja ensuite. »

De l’eau au moins à la levée et à la floraison

Une autre exigence évidente pour la réussite d’une culture en dérobé est le besoin d’eau en plein été, en particulier pour la levée et la floraison, comme pour le tournesol. « Avec 80 mm apportés en deux ou trois tours d’eau, on peut approcher le rendement d’un tournesol en conventionnel », assure Nicolas Ferrand. Plante rustique, le tournesol peut être mené sans irrigation, mais dans les faits, il y a souvent des échecs.

Le soja est plus exigeant encore en eau. « L’irrigation est le facteur clé de sa réussite en dérobé, davantage que la date de semis, souligne Nicolas Ferrand. Dans notre étude, plusieurs parcelles semées fin juin à début juillet ont pu être récoltées avec peu d’exemples d’échecs. »

Des variétés précoces pour une récolte avant fin octobre

Les semis de dérobés doivent être réalisés de juin à début juillet. Les variétés devront être choisies en conséquence, comme des très précoces à précoces en tournesol, (SY Arco, P62LL109…). En soja, le choix variétal est plus large pour une culture en dérobé. « Les variétés 000 (précoces) sont les plus utilisées, mais la durée du jour pèse de manière importante chez des variétés 00 (plus tardives) pouvant être récoltées avant des 000 », remarque Nicolas Ferrand. Les variétés les plus tardives donnent les meilleurs rendements, mais elles se doivent d’être semées très tôt (début juin) et attention à l’humidité à la récolte. Les variétés des groupes I et 0 peuvent générer des frais de séchage pour la bonne conservation des graines récoltées.

Jusqu’à 3 heures à l’hectare de travail avec une culture dérobée

Le temps de travail est à considérer avec un semis et une récolte supplémentaires, sans compter l’irrigation et parfois une fertilisation et un désherbage. C’est presque une culture à part entière qui se rajoute sur l’année. « Avec le logiciel Systerre, nous avons mesuré à 1,5 heure à l’hectare le temps de travail moyen hors irrigation sur l’ensemble des cultures dérobées de soja, tournesol et sarrasin, avec une variation de moins d’une heure à 2 ou 3 heures par hectare », précise Nicolas Ferrand. Les semis en particulier peuvent tomber pendant la récolte de la culture principale. Il faut bien s’organiser.

Quel impact de la double culture sur les sols et les éléments nutritifs ?

« Avec les récoltes de graines, on exporte des éléments minéraux qu’il faut compenser par de la fertilisation les années suivantes en PK, en prenant en compte la richesse du sol. Pour autant, un rendement moyen de 14 quintaux par hectare en tournesol en dérobé exporte 17 kg par hectare de P2O5 et 15 kg par hectare de K2O, ce qui reste modéré, » selon Nicolas Ferrand. Par contre, le soja exporte beaucoup de potassium, à considérer si le sol est limité en cet élément.

Quant à l’azote disponible dans le sol, selon les résultats de l’étude 3C2A il a été consommé par le soja dérobé qui laisse un reliquat faible à moyen dans le sol à la récolte. Pour les autres cultures dérobées, le reliquat est également faible. Elles remplissent donc autant que les cultures intermédiaires le service de diminution des pertes d’azote.

Nicolas Ferrand préconise de peu travailler le sol, pour limiter les pertes d’eau par assèchement et assurer la réussite du semis et de la levée de la culture dérobée. « Dans ce contexte, le soja accepte mieux le semis direct après céréale dans un gros volume de paille qu’un tournesol », précise Sylvain Hypolite. Il met en garde « sur les sols argileux (à plus de 20 % d’argile) dont la structure peut pâtir de la double culture systématique avec de forts arrosages. Il y a moins de soucis avec des sols de type boulbène, à faible taux d’argile. »

Il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur l’évolution de la matière organique : beaucoup de matière végétale est restituée au sol en double culture. « Le résultat est meilleur que de laisser un sol nu l’été ou avec un couvert d’interculture moins suivi et non arrosé, qui produira moins de biomasse qu’une culture dérobée, remarque Sylvain Hypolite. Parmi les légumineuses, le soja est l’espèce qui recharge le mieux le sol en carbone. »

(1) Trois cultures en deux ans : projet Casdar.

Le sarrasin, une culture d’opportunité peu exigeante

 

 
Cultures / sarrasin en fleurs / blé noir / culture traditionnelle bretonne
Le sarrasin en culture dérobée peut se cultiver comme une culture intermédiaire. © G. Deloison

Si le débouché est là et les cours rémunérateurs, le sarrasin en culture dérobée peut être une opportunité. Plusieurs agriculteurs ont été suivis à ce titre dans le projet 3C2A. Sans irrigation, sa réussite est conditionnée à une disponibilité en eau en particulier à la floraison (30 mm). La plante doit être semée avant le 10 juillet pour une levée avant le 25 juillet et une récolte en octobre. Les exigences sont moins importantes que pour le soja et le tournesol en matière d’irrigation, de fertilisation et de désherbage, surtout si le précédent cultural est un protéagineux. Ses charges de mécanisation et d’intrants sont minimisées. En fait, le sarrasin peut se cultiver comme une culture intermédiaire avec peu de temps de travail supplémentaire. Inconvénient : les repousses de sarrasin après récolte peuvent être compliquées à détruire dans la culture suivante.

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