Crédits carbone en grandes cultures : les étapes pour se lancer
La démarche de certification bas carbone est complexe. Pour les agriculteurs, cela suppose de contractualiser avec les bons partenaires et d’accéder aux outils qui simplifient la saisie fastidieuse de ses pratiques.
La démarche de certification bas carbone est complexe. Pour les agriculteurs, cela suppose de contractualiser avec les bons partenaires et d’accéder aux outils qui simplifient la saisie fastidieuse de ses pratiques.
Vous avez décidé de valoriser vos pratiques économes en gaz à effet de serre ou propices au stockage de carbone ? Il vous faut dans ce cas vous familiariser avec un écosystème complexe afin de faire reconnaître vos efforts environnementaux. La démarche pour vendre des crédits carbone peut être intimidante : le référentiel Label bas carbone grandes cultures, l’une des voies possibles, comprend 130 pages…
En réalité, pour les agriculteurs, la démarche est relativement simple. « Les agriculteurs n’effectueront pas la certification bas carbone individuellement, c’est trop complexe, explique Baptiste Soenen, en charge du dossier chez Arvalis. À peu près toutes les chambres d’agriculture, les coopératives, les négoces, les centres de gestion et les Ceta sont en train de mettre en place un service autout des démarches de crédit carbone pour porter des projets collectifs. »
Un diagnostic pour identifier le potentiel de chaque ferme
Pour ces organismes, la démarche s’inscrit dans le prolongement de leur rôle de conseil et de service. Pour les OS, elle constitue un relais de croissance bienvenu face à la baisse attendue des ventes de phytos. Depuis plusieurs mois, toutes ces structures forment leurs conseillers sur le sujet et ses outils. Car pour les porteurs de projets, la démarche est lourde. Première marche : le diagnostic de l’exploitation agricole. Il implique de renseigner des centaines, voire des milliers de données. Il prend en compte le détail de toutes les rotations, les données météo, les analyses de sol sur les trois dernières années… Les transferts de données simplifient la tâche.
Il faut ensuite identifier les leviers disponibles pour améliorer le bilan carbone et le stockage de carbone dans le sol. « L'optimisation de la nutrition azotée des cultures (forme d’engrais, réduction des doses, insertion de légumineuses) et de la consommation de carburant (travail du sol, irrigation) permettent d’améliorer le bilan carbone. Les leviers pour augmenter le stockage de carbone sont la mise en place de couverts végétaux, la gestion des résidus de cultures, les apports de produits résiduaires, l’insertion de prairies temporaires », détaille Baptiste Soenen.
Toutes les exploitations ne disposent pas du même potentiel. « D’une exploitation à l’autre, les résultats sont très différents. Les meilleurs dégagent 1,5 tonne de CO2 par hectare et par an, mais certains sont en négatif », prévient Étienne Lapierre, responsable numérique chez Terrasolis et coordinateur du projet Carbonthink, qui teste les pratiques bas carbone sur une centaine d’exploitations du Grand Est. Tout dépend des actions que l’agriculteur peut engager.
Valoriser les progrès ou les pratiques déjà vertueuses
Si, en théorie, chaque exploitation peut générer des crédits carbone, le diagnostic va évaluer l’intérêt de se lancer. « Tout agriculteur en grandes cultures peut être potentiellement rémunéré à travers un programme Label bas carbone », commente François Thierart, PDG de MyEasyFarm. Il faut distinguer deux profils : les exploitations avec de grosses marges de progrès, et celles qui sont déjà bien avancées. Ces dernières comptent notamment les agriculteurs qui ont abandonné le labour, implantent déjà des couverts en nombre et pratiquent l’agriculture de conservation.
« Pour ces précurseurs, on compare les résultats de l’exploitation avec un scénario générique basé sur la moyenne du département, via des données publiées par les pouvoirs publics », développe François Thierart. Second profil : les exploitations qui doivent modifier leurs pratiques. Celles-ci adopteront plutôt un « scénario spécifique », dont le principe est d’évaluer l’impact des améliorations des pratiques sur la ferme. On mesure pour cela la dynamique créée entre la photo de départ et la photo finish.
Dans tous les cas, pour décider quel levier actionner, les agriculteurs et leurs conseillers s’appuieront sur l’un des outils de diagnostic du marché. En grandes cultures, le seul déjà opérationnel est celui de Soil Capital, qui utilise la méthode CoolFarmTool. D’autres outils sont en développement, notamment CarbonExtract, MyEasyCarbon, Rize Ag, Carbonfarm et Simeos AMG. Ces logiciels en phase d’élaboration reposent tous sur le seul référentiel reconnu par les pouvoirs publics français en grandes cultures : le Label bas carbone.
Parmi ces outils intégrant le Label bas carbone, Sysfarm est le premier outils certifié mais ses concurrents sont dans les starting-blocks. Tous réunissent déjà plusieurs dizaines, voire centaines d’agriculteurs, pour des projets annoncés pour 2022. « Notre objectif est de faire économiser 1 million de tonnes équivalent CO2 d’ici à 2025 », annonce François Thiérart, pour MyEasyCarbon. L’Apad annonce 200 000 crédits carbone sur la période 2022 – 2027. À ce rythme et à raison d’un potentiel moyen d’une tonne par hectare et par an, les projets bas carbone devraient vite se multiplier sur le territoire.
Mesurer l’effet des changements
Une fois le projet démarré (et labellisé, dans le cas du Label bas carbone), l’enregistrement des pratiques est crucial. C’est là qu’intervient la dernière étape : la vérification des pratiques mises en œuvre. Elle permettra de calculer au fil des ans, durant les cinq ans de l’engagement, l’effet des changements effectués. Des audits de terrain vérifieront que les pratiques déclarées ont bien été appliquées. Pour retracer toutes les interventions effectuées dans les parcelles, MyEasyCarbon et Rize innovent en utilisant des données satellites et celles enregistrées par le matériel agricole.
Les audits permettront également de compléter le paiement des crédits carbone à l’issue des cinq ans, par exemple si les couverts ont stocké plus de carbone que prévu. Ces vérifications sont cruciales pour le succès et la crédibilité de la démarche. « Le marché du carbone est immatériel et le prix que les entreprises sont prêtes à payer dépend de la robustesse des cadres de certification », rappelle Baptiste Soenen.