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Connaître la vie de son sol pour améliorer ses pratiques culturales

Plusieurs groupes d’agriculteurs participent au projet Reva de mesure de la qualité biologique des sols. Les résultats peuvent amener des producteurs à adapter leurs pratiques pour améliorer le fonctionnement du sol.

Un test bêche permet d'observer la structure d'un sol et également d'y prélever les vers de terre. © Inrae
Un test bêche permet d'observer la structure d'un sol et également d'y prélever les vers de terre.
© Inrae

À quoi peut bien servir une analyse biologique de ses sols ? Agriculteur à Marsannay-le-Bois associé à cinq autres producteurs (SAS MLGG), Vincent Lécuret participe depuis quelques années à un projet de mesure de la qualité biologique des sols dénommé Reva (Réseau d’expérimentation et de veille à l’innovation agricole). « Sur les sols de l’exploitation, des analyses physico-chimiques sont réalisées régulièrement. Mais je trouvais qu’il manquait quelque chose à la connaissance du sol. Celui-ci peut être bien pourvu en éléments nutritifs mais il peut y avoir un blocage d’assimilation par les plantes s’il y a un dysfonctionnement des microorganismes. Une analyse classique ne décèle pas ce type de problème. » Vincent Lécuret fait partie des agriculteurs sensibilisés à la préservation des sols. « Parfois, des pépins sur les productions peuvent venir de mauvaises pratiques. Il me paraît important de comprendre comment fonctionne ce sol et orienter les pratiques en conséquence. »

À l’initiative de l’OFSV (Observatoire français des sols vivants), le projet Reva a pris la suite d’Agrinnov (Inrae) en 2018, avec la constitution de groupes d’agriculteurs aux pratiques culturales différentes (labours, TCS, semis direct, bio…) dans plusieurs départements. « En Côte-d’Or, nous avons neuf producteurs adhérents de Geda et déjà sensibilisés à la vie du sol. Chacun gère son sol différemment et recherche des réponses sur l’évolution de son système, explique Victoire Le Moing, de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Chaque agriculteur saisit l’historique des pratiques culturales de la parcelle à analyser. Puis, tous les deux ans, nous procédons à plusieurs types de mesures. » (voir encadré)

Un plan d’actions pour rectifier le tir

Les résultats font l’objet d’une restitution sur une journée aux agriculteurs qui peuvent positionner l’état de leur sol sur chaque indicateur biologique mesuré. « Nous proposons un plan d’actions comme la restitution de paille ou l’apport d’amendements pour remonter un taux de matière organique (MO) ou la réduction des fongicides pour améliorer la situation des champignons du sol », précise Victoire Le Moing.

« Sur nos surfaces, un tiers de nos sols sont de texture argilo-limoneuse, avec de bons potentiels mais un taux de MO bas, proche de 2 %. C’est une parcelle avec ce type de sol que j’ai choisie pour les analyses dans le cadre de Reva car on peut y connaître facilement des problèmes de structure avec des tassements », explique Vincent Lécuret.

« Les analyses effectuées ont bien montré le manque de matière organique, ce qui me conforte dans ma stratégie d’apporter du compost et du fumier. Elles ont décelé également un rapport champignons/bactéries un peu bas. Cela aurait pu être expliqué par les labours qui occasionnent ce type de problème, mais la parcelle n’a pas été labourée depuis six ans. Cette information m’incite à limiter mon usage de fongicides. » L’agriculteur a pu réduire fortement ses doses de produits grâce au climat qui n’a pas favorisé les maladies.

Bouleverser le sol le moins possible

Le reste des sols de l’exploitation est constitué d’argilo-calcaires superficiels (10-30 cm). « Avec des taux de MO de 3 à 5 %, ces sols ne montrent pas de problème de structure, observe Vincent Lécuret. Au final, les analyses ont montré un bon état global sur la plupart des indicateurs, ce qui a le mérite de me rassurer sur la façon dont nous gérons nos sols sur l’exploitation. »

Les agriculteurs pratiquent le semis direct, des techniques culturales simplifiées et le labour occasionnellement. « Nous considérons qu’il n’y a pas une pratique culturale idéale mais nous les adaptons en fonction des conditions de sol et du climat. Et nous ne nous interdisons pas le labour, non pas pour restructurer le sol mais pour détruire les graminées adventices telles que les vulpins, ray-grass, bromes… Mais nous faisons en sorte de bouleverser le sol le moins possible », souligne l’agriculteur.

Un service payant d’analyse de la biodiversité des sols à terme

« Le projet Reva influence les pratiques culturales en espérant plus de bénéfices que d’inconvénients. Par exemple, le conseil de réduire les fongicides n’aurait pas été possible s’il y avait eu une forte pression parasitaire. J’aurais réalisé ce qu’il faut en protection pour ne pas risquer des pertes de rendement trop importantes. » L’agriculteur reste pragmatique. Il relève des limites à ce type d’analyse qui doit s’effectuer vers la mi-mars. Les conditions climatiques influencent les résultats. « En 2018, nous avions eu un début d’année très humide suivi d’une période de sécheresse. Les résultats ont été un peu biaisés, comme la dégradation des pailles dans le Levabag qui s’est avérée médiocre à cause de ces conditions. » L’agriculteur note « les nombreux échanges constructifs entre les acteurs du terrain et ceux de la recherche des laboratoires partenaires pour que les objectifs du projet soient atteints en intégrant les contraintes des deux mondes ».

Le projet doit donner lieu à un référentiel des sols. L’idée à terme est de proposer un service payant d’analyse de la biodiversité des sols ciblé sur des parcelles qui ne fonctionnent pas bien. Les analyses sont coûteuses, plus de 2000 euros. Dans le cadre du projet Reva, elles sont prises en charge par des fonds comme le Feader en Côte-d’Or. Les agriculteurs ne déboursent rien mais ils s’engagent à être assidus sur le projet sur six ans. Quel prix seraient-ils prêts à mettre dans une analyse biologique du sol ? « Je pourrais faire appel à un tel service sur des parcelles où je soupçonne un problème de fertilité. Quand une parcelle décroche sur certaines productions, l’investissement peut être rentabilisé, estime Vincent Lécuret. Mais il faudrait obtenir un prix plus accessible des analyses, de l’ordre de 500 euros. » C’est un objectif du projet.

EN CHIFFRES

Bouleverser le sol le moins possible

Vincent Lécuret associé à 5 autres agriculteurs dans la SAS MLGG

1 000 ha dont 450 en blé tendre, 200 en orge d’hiver, 80 en colza, 140 en moutarde brune condiment, 50 en orge de printemps, 40 en tournesol…

50 à 85 q/ha en blé entre argilo-calcaires superficiels (10-30 cm) et argilo-limoneux plus profonds

La moitié des surfaces en semis direct (pour le blé tendre surtout)

30 à 40 % en TCS avec faux semis

1 labour tous les quatre ans en moyenne

Une demi-journée pour une batterie de mesures

Dans le cadre du projet Reva, quelques heures à deux personnes sont consacrées à des mesures sur le terrain. Des échantillons de terre sont prélevés à la tarière et à la bêche pour plusieurs mesures : analyse physico-chimique, observation de la structure du sol en cherchant par exemple des signes de compaction, et prélèvements des vers de terre. Les nématodes, bactéries et champignons sont analysés également, sur leur abondance et leur diversité spécifique comme les lombrics. Pour évaluer l’activité biologique du sol sur la dégradation de résidus de culture, un petit sachet à mailles espacées est enterré, contenant de la paille (système Levabag). Il est laissé quatre mois puis les pailles sont pesées pour en mesurer le niveau de dégradation.

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