Commercialisation des grains : comment choisir entre prix de campagne et prix ferme ?
Quelle part de votre collecte vendre à prix ferme et/ou au prix de campagne ? La réponse dépend de chaque exploitation, en soupesant les atouts et inconvénients de chacun de ces modes de commercialisation.
Quelle part de votre collecte vendre à prix ferme et/ou au prix de campagne ? La réponse dépend de chaque exploitation, en soupesant les atouts et inconvénients de chacun de ces modes de commercialisation.
La réussite de la commercialisation de sa production est un élément clé de la rentabilité de sa ferme, surtout à l’heure où la volatilité fait tanguer les cours. Mais entre le prix de campagne et le prix ferme, quelle est la meilleure solution ? Pas de réponse universelle : elle dépendra de la situation personnelle et professionnelle de chacun, avec une multitude de combinaisons possibles. « Lorsqu’un agriculteur confie la commercialisation de sa récolte à un ou plusieurs OS, la délégation peut être totale ou partielle, les deux modes ne s’opposent pas », souligne Laurent Gaonac’h, gérant et consultant chez Cerexpert, cabinet de conseil pour les acteurs de la filière céréales. On peut également raisonner l’approche culture par culture.
Avoir le goût des marchés et de la prise de risque personnelle est un prérequis indispensable pour prendre la main sur sa commercialisation. « Si l’envie n’est pas là, mieux vaut ne pas opter pour le prix ferme et aller au plus simple, estime Mikaël Juchet, en charge du service Mes Marchés à la chambre d’agriculture du Loiret. Piloter ses ventes donne lieu à des discussions sympas entre collègues, mais la partie opérationnelle exige de la méthode, de la rigueur, a un côté répétitif et peut être stressante. »
« C’est un état d’esprit, une philosophie du chef d’entreprise, abonde Sébastien Poncelet, à la barre de la société de conseil Captain Farmer. Vendre soi-même peut être une prise de risque ou bien une assurance, car quand les prix sont hauts, on peut préférer vendre tout de suite de gros volumes, afin d’avoir rapidement une vision de son revenu, plutôt qu’attendre le prix final lorsque l’on est au prix de campagne. »
Il faut aussi bien mesurer les enjeux. « Déléguer à l’OS, cela signifie reporter sur celui-ci l’ensemble des responsabilités : décider quand vendre, réaliser l’analyse de marché, la négociation avec les clients, porter le risque qualité et logistique… », rappelle Laurent Gaonac’h. Une partie de ces tâches vous reviendront si vous décidez d’appuyer vous-même sur le bouton.
Surtout, gérer ses ventes implique d’y consacrer du temps, et très assidûment. On peut y passer moins d’une heure par semaine si l’on s’abonne à un cabinet de conseil spécialisé, mais il est impératif de s’astreindre à un suivi très régulier tout au long de l’année : pas question de rester un mois sans s’y pencher, y compris quand les travaux des champs sont les plus chronophages.
L’organisation est donc capitale, car cette activité ne doit pas se faire au détriment des autres missions sur la ferme. « La commercialisation peut générer des écarts de revenu, mais pas aussi importants que ceux liés à l’agronomie, à la mécanisation, au foncier…, souligne David Totel, directeur général de l’union de coopératives Novagrain, basée dans la Marne. La commercialisation ne peut pas à elle seule sauver le modèle économique de l’exploitation. »
Si vous considérez que votre travail est avant tout dans les champs, le prix de campagne de votre OS sera certainement plus adapté… si ses prix moyens historiques sont en phase avec votre seuil de commercialisation. Car il faut accepter que le mandat confié à l’OS ne soit pas de vendre au plus haut. « On ne doit pas s’attendre à une performance au-delà d’une moyenne, même si l’OS met en œuvre un peu d’optimisation, précise Constant Thirouin, consultant chez Piloter sa ferme. L’OS ne va pas prendre de risque excessif, car l’objectif n’est pas d’atteindre une performance maximale. » Le prix de campagne va plus ou moins refléter l’évolution des cours sur la durée de la commercialisation. Il valorisera donc moins les fenêtres parfois étroites que l’on pourra aller chercher en prix ferme. Mais attention : plus on vise haut, plus on risque de vendre bas.
Les caractéristiques de l’exploitation influenceront également la stratégie : dispose-t-on de stockage ? Quels sont les besoins de trésorerie et le niveau d’endettement ? Les systèmes les plus fragiles (jeunes agriculteurs, endettement important) ont souvent intérêt à se reposer au moins en partie sur le prix de campagne. Et lorsqu’on décide de s’essayer à la gestion libre, il n’est pas inutile de se faire accompagner, le temps de se familiariser avec une logique et des outils à manier avec rigueur. Surtout si l’on souhaite aller au-delà du simple prix ferme pour bâtir des stratégies plus élaborées à base d’options, voire, pour les plus aguerris, en ouvrant un compte pour accéder au marché à terme.
Comparer les prix des OS locaux
Comparer les performances pluriannuelles des organismes stockeurs locaux est utile pour décider de la proportion à vendre à prix ferme et à déléguer en prix de campagne, d’abord pour vérifier si ces prix couvrent fréquemment votre seuil de commercialisation. On peut ensuite les comparer au Matif sur la même période (base locale déduite), ou avec les historiques des prix moyens payés aux producteurs, diffusés sur visionet.francagrimer.fr. Attention, ne jaugez pas le prix moyen de la coop sur la seule base des prix de fin de campagne, car ils ne sont pas représentatifs en cas de forte volatilité. De même, il est plus facile de faire de bons coups au prix ferme sur de petits volumes que de réitérer cette performance avec de gros tonnages. C’est à garder en tête avant de conclure que l’on surclasse les traders de son OS !