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Colza : bien utiliser la résistance variétale face aux maladies

Phoma, cylindrosporiose, hernie et bientôt sclérotinia : l’utilisation de variétés avec des gènes de résistance permet de contrôler ces maladies et contribue à réduire la facture fongicide. Mais les pathogènes peuvent contourner ces gènes.

Le phoma (taches sur feuilles ici) est discret depuis plusieurs années en parcelle grâce aux variétés TPS et malgré le contournement par le pathogène de certains gènes de résistance. © Terres Inovia
Le phoma (taches sur feuilles ici) est discret depuis plusieurs années en parcelle grâce aux variétés TPS et malgré le contournement par le pathogène de certains gènes de résistance.
© Terres Inovia

La résistance variétale peut être utilisée contre la plupart des maladies du colza, avec une efficacité plus ou moins importante. Contre le phoma, maladie pour laquelle il n’existe pas de moyens de lutte chimique, elle constitue le seul rempart, même si elle n’est pas à l’abri des contournements de gène de résistance. La preuve avec le gène Rlm7 présent dans de nombreuses variétés de colza.

« Depuis 2015, nous assistons à une accélération de ce contournement depuis la région Centre où cela a commencé, signale Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation des variétés chez Terres Inovia. En cinq ans, ce contournement s’est généralisé à toutes les zones de production du colza. Pour autant, cela ne se traduit pas par des explosions de phoma en parcelle. La raison vient des gènes quantitatifs de tolérance que contient la plupart des variétés de colza. L’empilage de gènes apporte une résistance globale. »

Pour continuer à maîtriser le phoma, Arnaud Van Boxsom conseille d’utiliser des variétés avec des types de résistance différents. « En région Centre plus particulièrement, on préférera des colzas avec d’autres gènes spécifiques de résistance comme Rlm3 ou RlmS. » RlmS est un gène apporté tout récemment par la génétique de KWS avec la variété Feliciano KWS. On le retrouve depuis deux ans chez quelques autres variétés et il se montre très efficace contre le phoma. Quant à Rlm3, ce gène ancien présent dans plusieurs variétés retrouve une certaine efficacité.

Des colzas TPS au phoma dont le comportement peut évoluer

Terres Inovia surveille de près l’évolution du contournement des résistances. Le comportement de sensibilité au phoma est évalué au champ dans un réseau multilocal sur une ou deux années. Il est possible qu’une variété comportant le gène Rlm7 classée TPS (très peu sensible) au phoma au début de son développement puisse avoir un comportement différent aujourd’hui.

Pour chaque variété, Terres Inovia précise l’année d’évaluation. Plus celle-ci est récente (moins de trois ans), plus l’information est fiable pour le caractère de faible sensibilité au phoma. Le travail des sélectionneurs continue donc pour maintenir le phoma sous l’éteignoir. Il est valorisé au moment de l’inscription des variétés, avec un bonus à la cotation attribué pour tout caractère de tolérance.

Les autres maladies aériennes du colza sont plutôt bien contrôlées par des traitements fongicides. Certaines peuvent néanmoins être combattues par la tolérance variétale. En ce qui concerne le sclérotinia, les conditions de développement sont très variables chaque année. Son fort pouvoir destructeur et la difficulté de la prédire incitent à réaliser des traitements d’assurance. Les sélectionneurs travaillent à obtenir des variétés avec au moins une résistance partielle au sclérotinia. Corteva a ainsi annoncé lancer une variété tolérante au sclérotinia.

Les variétés de colza sont notées sur leur comportement face à la cylindrosporiose, même si cela n’est pas pris en compte dans les bonifications à l’inscription, contrairement au phoma. Très peu de variétés montrent un classement TPS (très peu sensible) vis-à-vis de ce pathogène. Beaucoup sont PS (peu sensibles) à la cylindrosporiose et plusieurs autres sont sensibles (S) à assez sensibles (AS), un classement qui a disparu pour le phoma.

Éviter les variétés sensibles à la cylindrosporiose dans les régions à risques

« La maladie n’est pas présente dans toutes les régions mais elle est signalée régulièrement dans certains secteurs de l’Est ou dans les départements de l’ex-Haute-Normandie. Le pathogène se développe à la faveur d’une météo humide à la sortie de l’hiver et au printemps. Ensuite, si elle passe sur les siliques, l’impact sera important sur le rendement », signale Arnaud Van Boxsom.

« Depuis deux ans, nous observons des taches de cylindrosporiose relativement tôt en sortie d’hiver, en lien avec la météo humide de ces deux derniers hivers, remarque Jean Liéven, ingénieur régional Terres Inovia Normandie – Île-de-France Ouest. Outre le climat, la présence forte dans les départements normands est à associer aussi à la culture de colza érucique, dont la plupart des variétés sont vulnérables à cette maladie. »

Dans ce contexte, il vaut mieux éviter d’utiliser des variétés sensibles chez les colzas conventionnels. Des différences variétales s’observent sur les premiers symptômes de sortie d’hiver : de nombreux colzas sont touchés, mais quelques variétés montrent clairement une faible sensibilité comme LG Aviron, LG Ambassador ou Amplitude.

« On s’interroge sur l’impact de ces taches foliaires sur le rendement final, notamment sur des colzas peu développés en surface foliaire en sortie d’hiver, observe Jean Liéven. D’autre part, d’importants symptômes sur feuilles ne sont pas forcément corrélés à de fortes contaminations en fin de cycle sur tiges, comme on peut le voir avec Feliciano KWS ou ES Capello. »

Une catégorie spéciale pour les variétés résistantes à la hernie

Troisième maladie bénéficiant d’un classement variétal par le Geves : la hernie des crucifères. Les variétés montrant une résistance à cette maladie sont classées dans une catégorie spéciale. Ce caractère spécifique s’accompagne souvent d’un léger déficit de rendement en conditions saines. La maladie fait l’objet d’importants travaux de recherche dans le monde, d’autant plus qu’elle touche aussi des cultures légumières comme le chou, le navet… Elle ne concerne pas de grands secteurs de production en France – la Bretagne est la région la plus touchée - mais elle est problématique en Europe et outre Atlantique.

« Chaque année, des variétés sont proposées à l’inscription avec le caractère de résistance à plusieurs pathotypes de la hernie évalué par le Geves. Provoquée par un organisme du sol (Plasmodiophora), la hernie tire parti de conditions humides, de sols hydromorphes, de températures douces, explique Arnaud Van Boxsom. Problème, aucune variété à ce jour ne résiste à l’ensemble des pathotypes mis en test par le Geves. » L’utilisation de variétés partiellement résistantes reste malgré tout intéressante dans les situations à risques. Elles sont souvent utilisées en mélange avec des variétés classiques.

Oïdium, Mycosphaerella, Verticillium, Pseudocercosporella… le colza ne manque pas d’autres maladies touchant les parties aériennes. Pour certaines, il existe une différence variétale importante mais compliquée à évaluer sur le terrain du fait de la présence parfois ponctuelle et irrégulière de ces pathogènes.

Un arsenal de gènes efficaces contre le phoma

 
Les variétés sont en grande majorité TPS (très peu sensibles) au phoma en France, à l’exemple de celles évaluées par Terres Inovia en 2020.
Deux mécanismes sont à la base de cette faible sensibilité : la résistance quantitative gouvernée par plusieurs gènes et les gènes de résistance spécifique dits « Rlm ».
Les résistances quantitatives sont efficaces contre toutes les souches de phoma et durables dans le temps.
Trois gènes Rlm se montrent efficaces contre le phoma dans les variétés de colza actuelles. La résistance conférée par les gènes Rlm7 et Rlm3 est contournée par des populations du champignon. Elle est devenue variable selon les territoires et les années.
Nouveau, le gène RlmS apparaît dans quelques inscriptions récentes de variétés de colza, avec un très bon niveau de résistance sur tout le territoire.
Selon les variétés, on trouvera des gènes de résistance spécifiques associés ou non à un bon niveau de résistance quantitative. Quelques variétés sont classées TPS sur une résistance quantitative exclusive.

Variétés TPS cylindrosporiose contre fongicides

Parmi les semenciers, LG met en avant sa génétique colza contre la cylindropsoriose avec plusieurs variétés présentant la mention TPS cylindrosporiose. « La sélection en Angleterre et au Danemark, complétée par un important réseau d’essais sur l’ouest de l’Europe, permet à LG de scruter de près cette maladie, communique le groupe semencier. Une bonne tolérance variétale préserve le potentiel de rendement et limite l’utilisation de fongicides. » La gamme de fongicides disponibles pour des traitements dès mars-avril permet de bien contrôler nombre de maladies comme la cylindrosporiose, mais aussi l’oïdium, le sclérotinia…

« Dans un secteur à risques, si l’agriculteur a affaire à une variété assez sensible à la cylindrosporiose, il se posera la question d’appliquer un fongicide. Le recours à un colza TPS apportera plus de confort sur ce plan », remarque Jean Liéven, Terres Inovia. Actuellement, le traitement souvent programmé contre le sclérotinia au stade G1 fait barrière à la cylindrosposiose en même temps. Un printemps sec freine autant la maladie qu’un fongicide, et c’est ce qu’il s’est passé ces dernières années. Mais il suffit d’une année pluvieuse pour voir ressurgir le pathogène…

Des colzas résistants à tous les pathotypes de hernie à terme

« Les évaluations variétales portent sur les pathotypes principalement présents en France, dont deux pour lesquels on connaît des populations contournant les gènes de résistance présents dans les variétés actuelles, explique Régine Delourme, directrice de recherche à Inrae. En utilisant des ressources génétiques d’espèces voisines du colza comme le chou, l’objectif à terme est d’obtenir des variétés avec une résistance à tous les pathotypes. »

C’est ce qui est promis par une société comme Corteva Agriscience. « Nous arrivons avec de nouveaux gènes de résistance à cette maladie pour la capacité des colzas à résister à tous les pathotypes pour les prochaines années », annonce Maxence Fauvin, responsable produits et marchés oléagineux chez Corteva Agriscience.

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