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Ces protéines végétales qui séduisent les consommateurs

Les protéines végétales sont « tendance ». D’un côté, les rayons des supermarchés s’enrichissent régulièrement de nouveaux produits à base végétale. De l’autre, la demande en viande issue d’animaux nourris avec des aliments d’origine française, voire locale, progresse. Autant d'opportunités pour les cultures françaises, de protéagineux comme de céréales.

Si elle reste encore limitée, l'offre des rayons traiteur en produits à base de protéines végétales se développe à grande vitesse.
© V.Noël

Une croissance de 40 % entre 2013 et 2018 et un chiffre d’affaires prévu à près de 10 milliards d’euros pour 2018 en France : voilà ce que représentent les protéines végétales pour l'alimentation humaine(1). Encore petit, puisqu’il ne dépasse pas 6 % du chiffre d’affaires du secteur agroalimentaire, ce marché est riche de perspectives. Car les protéines animales n’ont plus autant la cote chez un nombre croissant de nos concitoyens.

Commandée par le ministère de l’Agriculture, l’étude sur les comportements alimentaires en 2025 publiée en 2016 l’a bien relevé : les consommateurs « entrent dans une nouvelle phase nutritionnelle », marquée par une baisse de la consommation de viande de boucherie chez les jeunes générations, et plus globalement, par une réduction de la consommation de viande rouge ou de lait.

On ne parle pas ici des végétariens, végétaliens ou vegans, qui excluent les uns comme les autres les protéines animales de leur alimentation et représentent moins de 3 % de la population. Ce sont plutôt les « flexitariens », qui réduisent leur consommation de viande et de produits carnés, qui feraient la différence. « C’est là que se trouve la demande, estime Sandrine Raffin, présidente de la société de conseil en communication Link’up Factory. Ils forment aujourd’hui autour de 30 % du marché. » Selon une enquête de 2016 du CIV (Centre d'information sur les impacts sociétaux de l'élevage et des viandes), les protéines végétales représenteraient d'ores et déjà 30 % des protéines consommées en France.

Un marché pour les start-up mais aussi pour les industriels ayant pignon sur rue

Un certain nombre de start-up s’emparent de ces nouvelles tendances, à l’image des Nouveaux Affineurs qui proposent des fromages véganes, issus de la fermentation de protéines végétales. Mais les industriels ayant pignon sur rue sont tout aussi intéressés. « Ce monde du végétal les fascinent, même ceux que l’on attendait pas tels que les industriels de la viande, indique Olivier Katona, responsable recherche & développement au sein du groupe Mane et membre du GEPV (groupement d’études et de promotion des protéines végétales). Ils se sont aperçus qu’ils avaient les équipements dans leur usine et qu’ils pouvaient se lancer. » 

Avec sa gamme Le bon végétal, Herta propose dans les rayons traiteurs des supermarchés des mélanges de soja et de blé packagés sous forme de steaks, boulettes, émincés… « Il y a un grand mouvement à l’œuvre qui vient des États-Unis, estime Philippe Raffin, chez Link’up Factory. Herta, Fleury Michon, Sojasun ou des sociétés plus jeunes comme Lea Nature arrivent aujourd’hui sur le marché avec des offres plus réussies sur le plan gustatif. » Des travaux de recherche ont levé certains verrous.

Dans le projet Vegalim, Isabelle Souchon, directrice de recherche à l’Inra, est parvenue avec son équipe à réduire les notes « vertes » qui ont souvent tendance à dégrader les qualités sensorielles des produits végétaux. Sa recette : faire fermenter des isolats protéiques de pois grâce à une communauté microbienne adaptée, issue de produits animaux et végétaux. « Nous avons testé des protéines de pois seules ou en mélange avec 50 % de protéines de lait, explique-t-elle. Et nous avons obtenu un produit qui ressemble à un petit Pelardon, avec 10 % de protéines. » 

Pour la chercheuse, le champ des possibles est immense. « Tout l’art consiste à trouver les communautés microbiennes qui vont bien agir ensemble, sans risques sanitaires, explique-t-elle. Or en France, nous avons une énorme expertise liée aux fromages. » Procédé largement utilisé sur les protéines végétales en Asie ou en Afrique, la fermentation peut permettre d’inventer de nouveaux produits ou de relocaliser la transformation près des zones de production car elle est facile à mettre en œuvre. Parmi les axes de recherche d'Isabelle Souchon : travailler sur de la farine de pois, un produit plus simple et plus proche de la graine.

Quand les protéines végétales servent le développement des protéines animales

Les protéines végétales peuvent aussi faire « ami-ami » avec leurs consœurs d’origine animale. C’est ce qui se passe avec L'extra moelleux, un steak proposé par Charal qui contient 15 % de protéines de soja déshydratées pour en assurer la texture. « Charal l’écrit sur son emballage, c’est aujourd’hui un argument de vente qu’il met en avant », signale Sandrine Raffin. Une petite révolution dans le monde du steak de qualité. Les protéines végétales hexagonales ont également des atouts à faire valoir en alimentation animale. « Au-delà du bio, le consommateur a besoin d’avoir confiance dans ce qu’il mange, il veut des produits non OGM, plus respectueux de l’environnement et des produits bruts, cela se retrouve dans l’alimentation animale », commente Sandrine Raffin.

Vaches, cochons, poulets, moutons doivent être nourris avec des aliments d’origine française. La génération des millennials (nés entre 1980 et 2000), très soucieuse de son impact sur l’environnement, est très concernée. Garantir un approvisionnement en soja brésilien non OGM ou en tourteaux de palmiste malaisiens « responsables » comme l’a fait Bel depuis 2012 ne suffit plus. L’industriel du lait a ainsi signé début décembre un contrat avec l’APBO (association des producteurs de lait Bel Ouest) qui privilégie une alimentation locale des vaches. De son côté, Carrefour s'appuie depuis 2016 sur un partenariat avec Avril pour approvisionner en soja 100 % français les éleveurs de porc des filières « qualité Carrefour ». 8000 hectares partent vers ce débouché. D’autres démarches de ce type prennent forme.

Un pool de protéines disponibles très large

Mais attention, qui dit protéines végétales ne dit pas forcément protéagineux ou légumineuses. Si le soja fait beaucoup parler de lui, le blé constitue la plus importante source de protéines végétales dans les rayons de supermarché : selon le bilan de référencement 2017 du GEPV, 68 % des protéines végétales viennent du blé, 21% du soja, 4 % de la fève et 1 % du lupin. Dans un rapport publié en mai 2017 sur l’indépendance protéique des élevages français, le Cereopa (Centre d’études et de recherche sur l’économie et l’organisation des productions animales) insiste sur le fait que « le pool de protéines disponibles est beaucoup plus large que celui des seules matières riches en protéines ». Si l’on exclut les prairies qui fournissent 54 % des ressources, les céréales couvrent 57 % des besoins. Le soja importé ne compte au final que pour 10 % des approvisionnements.

La protéine n’est donc pas que l’affaire des oléopotéagineux. Tous les efforts faits pour remonter les taux dans le blé peuvent donc participer à la meilleure intégration de la céréale dans les rations comme dans les rayons français…

Le blé constitue la plus importante source de protéines végétales dans les rayons de supermarché
En chiffres

Des protéines végétales dans les supermarchés

34 % des protéines végétales vendues en supermarché se trouvent dans les rayons « traiteur et épicerie salée » qui abritent notamment les analogues à la viande (3 % des références identifiées dans l’enquête du GEPV)

13 % se trouvent dans le rayon « viandes et poissons »

68 % des protéines végétales vendues en supermarché sont issues de blé

Source : enquête référencement du GEPV pour 2017, étude sur les comportements alimentaires en 2025 du ministère de l’Agriculture.

La farine d’insecte comme autre source de protéines

De la farine de ténébrion meunier pour nourrir porcs et volailles, c’est le pari que fait Entomo Farm. La start-up française va développer sa production avec Vivadour et Maïsadour. Le principe : proposer aux adhérents de ces coops d’installer dans un de leur bâtiment une «entomo box », contenant insectes et substrat de développement. À l’agriculteur d’assurer l’hydratation des vers et de contrôler leur croissance. Entomo Farm récupère les boîtes au bout de soixante jours et rémunère l’exploitant « à la hauteur du volume de production effectuée ». La start-up valorise les déjections en engrais, la fraction lipidique en huile pour l’industrie et les matières sèches en aliments du bétail. La filière est prometteuse. Reste à savoir si ces protéines seront compétitives par rapport à leurs concurrentes.

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